Imágenes de páginas
PDF
EPUB

An

acquis beaucoup de gloire contre les de Rome mêmes ennemis. Mais la nouvelle d'une 319. ligue si redoutable s'étant trouvée fausse, Emilius, se voyant privé de l'espérance de signaler la seconde dictature par une seconde victoire, entreprit de laisser au moins quelque monument de son zele pour la liberté publique. Il représenta au peuple, dans une assemblée générale, que leurs ancêtres, pour conserver cette même liberté, n'avoient établi dans la république aucune charge dont l'autorité et les fonctions durassent plus d'un an; qu'on ne s'étoit pas souvenu d'une précaution si sage dans la création des censeurs, auxquels on avoit attribué cinq années de magistrature; que pendant une autorité de si longue durée, ils pouvoient en abuser, se faire des créatures, et opprimer la liberté de leur patrie; qu'il requéroit qu'il fût fait une loi qui abrégeât le temps de cette dignité, et que personne ne la pût exercer plus d'un an et demi.

h

An

319.

* Ce discours fut reçu avec de grands applaudissemens, sur-tout de la part du de Rome peuple. On ajouta depuis à cette loi, qu'un sénateur ne pourroit pendant sa vie obtenir deux fois la censure, quoiqu'il eût exercé la premiere avec l'approbation de ses concitoyens. Et de peur que cette dignité entre les mains d'un seul ne le rendît trop puissant, il fut encore ordonné, que si l'un des censeurs venoit à mourir, ou à se démettre de sa charge, l'autre ne pourroit la retenir, ni même se faire subroger un collegue; et que dans l'élection des censeurs, celui qui auroit eu le nombre suffisant de suffrages, ne seroit pourtant pas déclaré censeur, si son collegue manquoit du nombre des voix requises; qu'on recommenceroit l'élection de l'un et de l'autre, jusqu'à ce qu'ils eussent, par le même scrutin, tous les suffrages nécessaires pour pouvoir être reconnus en même temps pour

Tit. Liv. lib. 4, c. 24.

An

319.

censeurs toutes précautions que ce

de Rome peuple, jaloux de sa liberté, crut devoir prendre contre les brigues et les cabales des patriciens.

Le sénat ne vit qu'avec un mécontentement secret, que le dictateur eût diminué la puissance d'une magistrature attachée à son ordre. C. Furius et M. Geganius, censeurs cette année, en firent éclater leur ressentiment, sans égard pour le mérite et les services d'Emilius. Ce dictateur n'eut pas plutôt abdiqué sa dignité, qu'en vertu du pouvoir attaché à la censure, ils retrancherent un homme si illustre de sa tribu, le réduisirent dans la derniere, le priverent, comme un homme déshonoré, du droit de suffrage, et le chargerent d'un tribut huit fois plus fort que celui qu'il avoit coutume de payer. Mais cet avilissement, au lieu de le déshonorer lui donna un nouvel éclat; toute la honte de cette vengeance retomba sur ses auteurs. Le peuple indigné les poursuivit dans la place, et les auroit mal

[ocr errors]

traités, si Emilius n'eût pas été assez généreux pour s'y opposer.

Les tribuns du peuple profiterent de cette occasion pour exciter de nouveau l'animosité de la multitude contre le sénat. Ils représentoient, dans toutes les assemblées, qu'il n'étoit pas surprenant que les patriciens maltraitassent le peuple, puisqu'en haine de ce même peuple, ils n'avoient pas été honteux d'ôter à un sénateur consulaire, et honoré de deux dictatures, le droit de citoyen, seulement pour avoir proposé une loi qui, en diminuant de leur autorité, assuroit la liberté publique. De pareils discours, répétés par les tribuns dans la plupart des assemblées, entretenoient l'aigreur dans l'esprit du peuple, qui, pour marquer son ressentiment au sénat, ne voulut jamais consentir qu'on élût des consuls; il fallut encore revenir aux tribuns militaires. C'étoit à la vérité la même dignité et les mêmes fonctions, quoique sous des noms différens; mais l'exclusion que

An

de Rome

319.

An

320,

321.

le peuple avoit du consulat, et le pouvoir de concourir dans les élections pour le tribunat militaire, faisoient que les tribuns du peuple, qui aspiroient à cette dignité, n'oublioient rien pour déterminer le peuple à demander des tribuns militaires. Cependant, malgré toutes les brigues, le peuple, toujours prévenu en faveur de la noblesse, quand il s'agissoit du gouvernement et du commandement des armées, donna ses suffrages à des patriciens.

Сс

Cette préférence tourna les plaintes de Rome et le ressentiment des tribuns du peuple contre la multitude : ils menacerent publiquement d'abandonner ses intérêts. « Faut-il, disoient-ils dans leurs harangues, que la crainte que vous << avez de la puissance des grands, vous << retienne à leur égard dans une servi<<< tude perpétuelle ? Pourquoi, dans « l'élection des tribuns militaires et lorsqu'il est question de donner vos suffrages, ne vous souvenez-vous ni « de vous-mêmes, ni de vos magistrats?

сс

сс

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »