An de Rome moyens de faire échouer des propositions si dangereuses. On dit qu'Appius Claudius, quoique le plus jeune et le dernier du sénat, ouvrit un avis qui ne fut pas désagréable à sa compagnie : il 336. dit que ce n'étoit que dans le tribunat même qu'il falloit chercher des ressources contre la tyrannie des tribuns; qu'il n'étoit question pour cela, , que de gagner un seul de ces magistrats plébéiens, qui voulût bien par son opposition empêcher les mauvais desseins de ses collegues. Qu'il falloit s'adresser aux derniers de ce college; que ces hommes nouveaux dans les affaires, et jaloux de l'autorité que Mecilius et Metilius s'attribuoient, ne seroient pas insensibles aux caresses du sénat, et que peutêtre ils fourniroient volontiers leur opposition, seulement pour se faire valoir, et pour faire quelque figure dans le gouvernement. Cet avis fut approuvé tout d'une voix, et on loua hautement Appius de n'avoir pas dégénéré de la vertu de ses ancêtres. 1 An Ceux des sénateurs qui avoient quelque de Rome liaison avec les tribuns du peuple, s'in 336. sinuent dans leur confiance, et leur représentent la confusion où ils vont jetter l'état, et chaque famille en particulier, s'il faut entrer dans la discussion dés terres concédées par Romulus, de celles qui, depuis près de quatre cents ans, ont été conquises sur les voisins de la république, et que des particuliers ont acquises en différens siecles. Que le projet d'une loi, qui établiroit une égalité parfaite dans la fortune de tous les citoyens, ruineroit la subordination, si nécessaire dans un état, et que les riches, soit patriciens, soit plébéiens, ne se laisseroient pas dépouiller si aisément du bien qu'ils avoient hérité de leurs ancêtres, ou qu'ils avoient acheté de bonne foi des légitimes possesseurs ; et qu'infailliblement une recherche si injuste exciteroit une guerre civile, et coûteroit peut-être le plus pur sang de la république. Enfin, à force de prieres et d'instances, ils agirent si heureuse ment, que des dix tribuns ils en gagnerent six, qui s'opposerent à la publication de la loi. Mecilius et son collegue, outrés de voir sortir l'opposition de leur propre tribunal et de leur college, traiterent leurs collegues de traîtres, d'ennemis du peuple et d'esclaves du sénat. Mais malgré toutes ces injures, comme il ne falloit que l'opposition d'un seul tribun pour arrêter la poursuite et l'action des neuf autres, et qu'il s'en trouva six qui s'opposerent à la réception de la loi, Mecilius et son collegue furent obligés de se désister de leur entreprise. Le sénat, à la faveur de cette intelligence avec le plus grand nombre des tribuns, demeura encore maître des affaires l'année suivante. L. Sextius, un de ces tribuns, ayant proposé, pour flatter le peuple, d'envoyer une colonie à Voles, petite ville dont on venoit de s'emparer, les autres tribuns s'y opposerent hautement, et ils déclarerent qu'ils ne souffriroient point, pendant An de Rome 337. An de Rome 338. 339. leur tribunat, qu'on proposât aucune loi nouvelle, dont le projet n'eût été autorisé par le sénat. Mais ce concert du sénat avec les tribuns ne dura pas long-temps les successeurs de ces derniers magistrats du peuple reprirent peu après la poursuite du partage des terres, avec encore plus de fureur que n'avoient fait Mecilius et son collegue. Les Eques ayant surpris Voles, on donna la conduite de cette guerre à M. Posthumius Regillensis, qui étoit actuellement tribun militaire : ce général savoit faire la guerre; mais il étoit dur, hautain, fier de sa naissance et de sa dignité, et il portoit trop loin cette distinction, dans une république où tous les citoyens se prétendoient égaux. Ce général fit le siege de Voles, ou pour mieux dire, il tenta de l'emporter d'emblée. Les Romains, en ces temps - là, ne formoient guere de sieges réguliers: le plus souvent ils investissoient une place de tous côtés, ils conduisoient 1 ensuite leurs troupes jusqu'au pied des Sextius, tribun du peuple, proposa * Tit. Liv. 1. 4, cap. 49. Zonaras, ann. 2. An de Rome 339. |