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* Un Sabin seul forma un dessein si harde Rome di: il s'appelloit Appius Herdonius. C'é

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toit un homme distingué dans sa nation par sa naissance, par ses richesses, et par un grand nombre de cliens, qui étoient attachés à sa fortune; d'ailleurs ambitieux, hardi, entreprenant, et qui crut qu'il n'étoit pas impossible de surprendre la ville, à la faveur des divisions qui régnoient entre le peuple et le sénat. Il se flattoit de faire soulever les esclaves, d'attirer à son parti tous les bannis, et même de faire déclarer le petit peuple en sa faveur, en le flattant de le rendre arbitre des loix du gouvernement. Son dessein étoit, après avoir surpris Rome, de s'en faire le souverain, ou de livrer la ville à la communauté des Sabins, en cas qu'il ne pût pas avec ses propres forces se maintenir dans son usurpation.

Il communiqua d'abord son dessein à ses amis particuliers. Plusieurs s'atta

Tit. Liv. lib. 3, cap. 15.

cherent à sa fortune, dans la vue de
s'enrichir du pillage de Rome : ce fut
par leur moyen qu'il rassembla jusqu'à
quatre mille hommes, tant de ses cliens
que d'un grand nombre d'esclaves fu-
gitifs, de bannis et d'aventuriers, aux-
quels il donna retraite sur ses terres.
Il chargea ensuite quelques vaisseaux
plats de ces troupes; et se laissant aller
la nuit au courant du Tibre, il aborda
avant le jour du côté du Capitole. Il
monta, sans être apperçu, sur la mon-
tagne,
et à la faveur des ténebres il
s'empara du temple de Jupiter, et de
la forteresse qui y étoit attachée. De là,
il se jette dans les maisons voisines, et
coupe la gorge à tous ceux qui ne
veulent pas se joindre à lui, pendant
qu'une partie de ses soldats se retran-
che, et fait des coupures le long de
la montagne. Les Romains qui échap-
pent à la premiere fureur du Sabin,
descendent dans la ville, et y portent
l'épouvante et la terreur. L'alarme se
répand de tous côtés; les consuls éveil-

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lés par le bruit, et qui ne redoutent pas de Rome moins l'ennemi domestique que l'étran

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ger, ignorent si ce tumulte vient du dedans ou du dehors. On commence par mettre des corps de gardes dans la place et aux portes de la ville. La nuit se passe dans l'inquiétude enfin, le jour fait connoître quel est le chef d'une entreprise si hardie et si surprenante.

* Herdonius, du haut du Capitole, arbore un chapeau au bout d'un javelot, comme le signal de la liberté, dans le dessein d'engager les esclaves, qui étoient en très grand nombre dans la ville, à se rendre auprès de lui. Ses soldats, pour empêcher le peuple de prendre les armes, crient que leur général n'est venu à Rome que pour délivrer les habitans de la tyrannie du sénat, pour abolir les usures, et établir des loix qui fussent favorables au peuple. Les consuls, dès la pointe du jour, assemblerent le sénat: il fut résolu de

* Tit. Liv. lib. 3, c. 15.

faire prendre les armes au peuple. Les tribuns déclarerent qu'ils ne s'y opposeroient pas, pourvu qu'ils sussent quelle seroit la récompense du citoyen et du soldat. « Si vous nous voulez promettre « par serment, dirent-ils aux consuls,

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après qu'on aura repris le Capitole, <<< de nommer les commissaires que nous « demandons pour l'établissement d'un «< corps de loix, nous sommes prêts à « marcher aux ennemis. Mais si vous «<< êtes toujours inflexibles, nous sau« rons bien empêcher le peuple d'ex<< poser sa vie, pour maintenir un gou<< vernement si dur et si tyrannique.

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Le sénat n'apprit qu'avec une vive indignation, que les tribuns missent à prix, pour ainsi dire, le salut de la ville et les services du peuple. On vit bien qu'ils vouloient se prévaloir de la conjoncture, présente. C. Claudius étoit d'avis qu'on se passât plutôt du secours mercenaire du peuple, que de l'acheter à des conditions si odieuses. Il représenta que les patriciens seuls, avec leurs

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cliens, suffisoient pour chasser l'ende Rome nemi. Que si dans la suite on avoit besoin d'un plus grand nombre de troupes, on pourroit appeller les Latins et les autres alliés ; et que dans une extrémité, il valoit encore mieux armer les esclaves, que , que de recevoir la loi des tribuns. Mais les sénateurs les plus âgés, et qui avoient le plus d'autorité dans la compagnie, voyant l'ennemi sur leurs têtes, et craignant qu'on n'introduisît dans la ville les Sabins, les Eques et les Volsques, furent d'avis que, dans un péril si éminent, on ne devoit rien refuser au peuple, pour l'engager à prendre promptement les armes. P. Valerius, premier consul, qui étoit de ce sentiment, se rendit sur la place, et il promit au peuple, que, sitôt qu'on auroit repris le Capitole, et rétabli le calme dans la ville, il n'empêcheroit point les tribuns de proposer la loi : et que pour lui, soit qu'il fût question de l'accepter, soit qu'on voulût la rejetter, il ne consulteroit que le bien seul de

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