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ses concitoyens, et qu'il se souviendroit toujours de son nom, comme d'une obligation héréditaire de favoriser les intérêts du peuple dans toutes les choses qui ne seroient pas contraires au bien commun de la république. Le peuple, charmé de cette espérance, prit les armes, et jura solemnellement de ne les point quitter que par ordre des consuls. Les Romains appelloient cette sorte d'armement du nom de tumulte , parce que lès occasions inopinées les faisoient naître personne n'en étoit exempt. Le chef prononçoit ordinairement ces paroles: «< Qui voudra sauver la républi« que me suive. » Alors ceux qui s'étoient assemblés juroient tous ensemble de défendre la république jusqu'à la derniere goutte de leur sang; ce qui s'appelloit conjuration. Quand le peuple tout armé eut fait ces sermens, les deux consuls, suivant l'usage, tirerent au sort pour savoir celui qui devoit commander l'attaque. Cet emploi échut à Valerius, pendant que C. Claudius

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sortit de la ville à la tête d'un corps de Rome de troupes, pour empêcher qu'il ne 293. vînt du secours à Herdonius, ou que

les ennemis, pour faire diversion, n'at-
taquassent quelque autre quartier de la
ville. Mais il ne parut point d'autres
troupes en campagne qu'une légion que
L. Mamilius, souverain magistrat de
Tuscule, conduisoit lui-même au se-
cours des Romains: Claudius la fit pas-
ser dans la ville. Valerius se mit à la
tête des citoyens et des alliés, et mar-
cha droit aux ennemis. Les Romains
et les Tusculans combattirent avec une
égale émulation. C'étoit à qui auroit la
gloire d'emporter les premiers retran-
chemens. Herdonius soutint leurs ef-
forts avec un courage déterminé
étoit d'ailleurs favorisé par la supério-
rité du poste qu'il occupoit. On se battit
long-temps avec beaucoup de fureur,
et une opiniâtreté égale. Le jour étoit
bien avancé, sans qu'on pût encore
distinguer de quel côté étoit l'avantage.
Le consul Valerius, voulant exciter ses

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de Rome

soldats, par son exemple, à faire un nouvel effort, fut tué à la tête de l'attaque. 293. P. Volomnius, personnage consulaire, qui combattoit auprès de lui, fit couvrir son corps, pour dérober aux troupes la connoissance d'une si grande perte. Il les fit combattre ensuite avec tant de courage, que les Sabins furent contraints de lâcher pied, et les Romains emporterent leurs retranchemens, avant qu'ils se fussent apperçus qu'ils combattoient sans général. Herdonius, après avoir perdu la plupart de ses soldats, en disputant le terrein pied à pied, se voyant sans ressource, et forcé par-tout, se fit tuer pour ne pas tomber vif entre les mains des Romains. Ce qui lui restoit de soldats se passerent leurs épées au travers du corps : quelques uns se précipiterent du haut de la montagne. Ceux que les Romains purent prendre en vie, furent traités comme des voleurs. On ne punit pas moins sévèrement les transfuges et les bannis qui s'étoient joints à Herdonius, et par cette

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victoire l'ennemi étranger fut chassé de Rome de la ville; mais le domestique y resta toujours le plus fort, et les tribuns prirent même occasion de cet avantage et des promesses du consul Valerius pour renouveller leurs prétentions, et pour exciter de nouveaux troubles.

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Ces magistrats du peuple, ou pour mieux dire, ces chefs éternels de toutes les séditions, sommerent Claudius de faire proposer la loi, et de satisfaire parlà aux mânes de son collegue, qui s'y étoit engagé si solemnellement. Le consul, pour ralentir leurs poursuites, et gagner du temps, eut recours à différens prétextes. Tantôt il s'excusoit de tenir l'assemblée, sur la nécessité de purifier le Capitole et de faire des sacrifices aux dieux; tantôt il amusoit le peuple par des jeux et des spectacles. Enfin, ayant usé tous ces prétextes, et se voyant pressé par les tribuns, il déclara que la république, par la mort de Valerius, étant privée d'un de ses chefs, il falloit, avant que de songer à établir

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aucune loi, procéder à l'élection d'un nouveau consul; et il désigna le jour 23. que devoient se tenir les comices des centuries. Le sénat et tout le corps des patriciens, qui avoient un si grand intérêt de s'opposer à la réception de cette loi, résolurent de substituer à Valerius quelque consulaire dont le mérite imposât au peuple, et qui sût en même temps faire échouer la proposition des tribuns. Ils jetterent les dans ce yeux dessein sur L. Quintius Cincinnatus pere de Ceson, que le peuple venoit de bannir avec tant d'animosité; et ils prirent si bien leurs mesures, que le jour de l'élection étant arrivé, la premiere classe, composée de dix-huit centuries de cavalerie, et de quatre-vingt d'infanterie, lui donna sa voix. Ce concours unanime de toutes les centuries d'une classe qui surpassoit toutes les autres le nombre de ses suffrages, lui assupar ra cette dignité, et il fut déclaré consul en son absence et sans sa participation, Le peuple en fut surpris et effrayé ; il

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