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gloient leurs arrêts par les principes de l'équité naturelle, ou par

:

d'anciens usa

ges, ou enfin par les premieres loix de Romulus et de ses successeurs, dont on trouvoit encore de légers vestiges dans les livres sacrés, dont les seuls patriciens étoient dépositaires. Le peuple en étoit peu instruit la plupart occupés hors de Rome à la guerre, ou établis à la campagne, ne venoient guere à la ville que les jours de marchés pour leurs affaires domestiques, ou pour se trouver aux comices et aux assemblées publiques, qui ne se tenoient que ces jours là. Ils se remettoient de tous leurs différends au jugement des consuls, qui, à l'égard du peuple, faisoient un mystere de ces premiers élémens de leur jurisprudence.

La mort d'un grand nombre de patriciens que la peste avoit enlevés, et l'absence des deux consuls, qui étoient actuellement à la tête des armées, parut une conjoncture favorable à Terentillus, pour introduire quelque change

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ment dans le gouvernement. Il repré-
senta au peuple, que les magistrats pa-
triciens étoient arbitres absolus de sa

fortune; que dans les différends qui nais-
soient entre un patricien et un plébéien,
le dernier étoit toujours sûr de succom-
ber;
; que dans la perte de son procès,
il ne lui restoit pas même la consola-
tion de pouvoir connoître s'il avoit été
bien ou mal jugé ; et il conclut à ce qu'on
établît incessamment des loix connues
de tout le monde, qui servissent de ré-
glement aux magistrats dans leurs juge-
mens, et aux parties, de preuves de l'é-
quité ou de l'injustice de leur cause.

Il se déchaîna ensuite ouvertement contre la puissance des consuls. Il dit qu'on avoit attaché à cette dignité une autorité et un pouvoir insupportables dans une ville libre ; * que les deux consuls étoient revêtus de la puissance souveraine, dont jouissoient les anciens rois de Rome; qu'ils avoient, comme ces

*Tit. Liv. 1. 3, c. 9.

princes, une robe bordée de pourpre, la chaire curule ou d'ivoire, des gardes et des licteurs; que dans la ville ils rendoient la justice, et que ces magistrats, en même temps qu'ils se croyoient euxmêmes au dessus des loix, en vengeoient l'inobservation sur leurs inférieurs et sur le peuple, par les plus cruels supplices qu'en campagne, et à la tête des armées, ils faisoient toujours la guerre avec une autorité absolue, et même quelquefois la paix, sans consulter le sénat, auquel ils se contentoient pour la forme, de rendre compte ensuite de leur administration qu'ainsi ils avoient toute l'autorité des rois, et qu'il ne leur en manquoit que le titre. Mais que, pour empêcher que leur domination ne dégénérât à la fin en une tyrannie perpétuelle, il demandoit qu'on établit cinq hommes des plus gens de bien de la république, qui fussent autorisés à restreindre dans de justes bornes une puissance si excessive, en sorte que les consuls à l'avenir n'eussent d'au

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torité sur leurs concitoyens, que celle que les citoyens eux-mêmes auroient bien voulu leur accorder.

Des propositions si hardies surprirent et étonnerent les sénateurs. Ils reconnurent alors, mais trop tard, la vérité de ce que les deux Appius avoient prédit tant de fois, que le peuple, après avoir essayé la foiblesse du sénat, par tant de loix qu'il en avoit extorquées en sa faveur, attaqueroit enfin ouvertement son autorité dans celle des consuls, * qui en étoit le plus ferme soutien. Heureusement pour cette compagnie, Quintius Fabius, en l'absence des consuls, étoit alors gouverneur de Rome. C'étoit un consulaire d'un esprit ferme, plein de courage et de résolution, et inviolablement attaché aux loix et à la forme du gouvernement de la république.

• Ce courageux magistrat, voyant que les propositions hardies du tribun al

!

Tit. Liv. 1. 3, cap. 9. D. Hal. 1. 10.

loient à détruire la dignité consulaire,
dépêcha secrettement différens couriers
aux deux consuls, pour leur donner
avis de ce qui se passoit, et pour les
conjurer de revenir à Rome en dili-
gence. Il assembla ensuite le sénat, et
il représenta qu'on s'étoit contenté jus-
qu'alors dans Rome de suivre dans les
jugemens le droit naturel, et les seuls
principes de l'équité et du bon sens. Que
la multitude des loix ne serviroit qu'à
obscurcir la vérité, et qu'il prévoyoit
avec douleur tous les malheurs qui naî-
troient dans la république, de cette
forme judiciaire que Terentillus
y vou-
loit introduire. Il insinuoit ensuite que
quand même ces changemens seroient
trouvés nécessaires, il n'étoit ni de
l'honneur, ni de la justice des citoyens
qui étoient alors à Rome, d'entrepren-
dre d'en décider, en l'absence des deux
consuls, et de cette partie du peuple
qui composoit leurs armées. Qu'ils se-
roient en droit de se plaindre, à leur
retour, qu'on eût précipité la décision

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