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vit bien qu'en lui donnant pour soude Rome verain magistrat un consul irrité de

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l'exil de son fils, on n'avoit en vue que d'éloigner la publication de la loi. Cependant les députés du sénat, sans s'arrêter au mécontement du peuple, furent chercher Quintius à la campagne, où il s'étoit retiré depuis la disgrace de son fils, et où il cultivoit de ses mains, cinq ou six arpens de terre qui lui étoient restés des débris de sa fortune.

Ces députés le trouverent conduisant lui-même sa charrue. Ce fut en le saluant en qualité de consul, et en lui présentant le décret de son élection, qu'ils lui apprirent le sujet de leur voyage. Ce vénérable vieillard fut embarrassé sur le parti qu'il avoit à prendre. Comme il étoit sans ambition, il préféroit les douceurs de la vie champêtre à tout l'éclat de la dignité consulaire. Néanmoins l'amour de la patrie l'emportant sur celui de la retraite, il prit congé de sa femme; et lui recom

mandant le soin de leur ménage : « Je

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«< crains bien, ma chere Racilia, lui 23.
dit-il, que nos champs ne soient mal
« cultivés cette année. » On le revêtit
en même temps d'une robe bordée de
pourpre ; et les licteurs, avec leurs fais-
ceaux, se présenterent pour l'escorter,
et pour recevoir ses ordres. C'est ainsi
que son mérite et les besoins de l'état
le ramenerent dans Rome, où il n'étoit
point rentré depuis la disgrace de son
fils. Il n'eut pas plutôt pris possession
du consulat, qu'il se fit rendre compte
de tout ce qui s'étoit passé dans l'inva-
sion d'Herdonius. Prenant de là occasion

de
convoquer l'assemblée du peuple, il
monta à la tribune aux harangues; et
sans se déclarer pour le sénat ni pour le
peuple, il les réprimanda l'un et l'autre
avec une égale sévérité. Il reprocha au
sénat, que par cette facilité continuelle
à se relâcher toujours sur toutes les pré-
tentions des tribuns, il avoit entretenu
l'insolence et la rebellion du peuple. Il
dit qu'on ne trouvoit plus dans les séna-

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teurs cet amour de la patrie et ce desir de Rome de la gloire, qui sembloient être naturels à leur ordre; qu'une timide politique avoit pris la place de l'autorité légitime, et de la fermeté qui étoit si nécessaire dans le gouvernement. Il ajouta, qu'il régnoit dans Rome une licence effrénée; que la subordination et l'obéissance sembloient en être bannies; qu'on venoit de voir, à la honte du nom romain, des séditieux mettre à prix le salut de leur ville, tout prêts à reconnoître Herdonius pour leur souverain, si on refusoit de changer la forme du gouvernement. « Voilà le fruit, s'écria-t-il, de ces harangues continuelles, dont le peuple se laisse <<< enivrer. Mais je saurai bien l'arracher « à ses séducteurs, qui regnent aujour«d'hui dans Rome avec plus d'orgueil <<< et de tyrannie que n'ont jamais fait « les Tarquins. Sachez donc, peuple << romain, que nous avons résolu, mon collegue et moi, de porter la guerre << chez les Eques et chez les Volsques.

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« Nous vous déclarons même que nous <<< hivernerons en campagne, sans ren<< trer, pendant tout notre consulat, « dans une ville remplie de séditieux. « Nous commandons à tous ceux qui « ont prêté le serment militaire, de se « trouver demain avec leurs armes au « lac Régille. Ce sera là le rendez-vous « de toute l'armée. »

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Les tribuns lui repartirent, d'un air moqueur, qu'il couroit risque d'aller à la guerre seul avec son collegue, et qu'ils ne souffriroient point qu'il se fît aucune levée. « Nous ne manquerons point de soldats, répondit Quintius; <<< et nous avons encore sous nos ordres << tous ceux qui, à la vue du Capitole, « ont pris les armes et juré solemnel«<lement de ne les quitter que par la permission des consuls. Si, par vos « conseils ils refusent de nous obéir « les dieux vengeurs du parjure, sau<<ront bien les punir de leur déser

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<<< tion. >>

Les tribuns, qui vouloient échapper

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à un engagement si positif, s'écrierent que ce serment ne regardoit que la personne seule de Valerius, et qu'il étoit enseveli dans son tombeau. Mais le peuple plus simple, et qui ignoroit encore cet art pernicieux d'interpréter les loix de la religion à son avantage, rejetta une distinction si frivole. Chacun se disposa à prendre les armes, quoique avec chagrin. Ce qui augmentoit encore la répugnance, c'est qu'il s'étoit répandu un bruit, que les consuls avoient donné des ordres secrets aux augures de se trouver de grand matin au bord du lac. On soupçonnoit qu'ils y vouloient tenir une assemblée générale, et qu'on pourroit bien y casser tout ce qui avoit été fait dans les précédentes en faveur du peuple, sans qu'il pût alors se prévaloir du secours et de l'opposition de ses tribuns, dont l'autorité et les fonctions se bornoient à un mille de Rome; en sorte que s'ils se fussent trouvés dans cette assemblée, ils n'y auroient pas eu plus de considération que de simples plé

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