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lui opposa une partie de son armée pendant que l'autre continuoit à se retrancher. Le bruit des armes et les cris des combattans rendirent le consul encore plus certain du secours. Il attaqua de son côté le camp des Eques, moins dans l'espérance de l'emporter, que pour faire diversion. Cette seconde attaque attira de ce côté là une partie des Eques, et donna le temps au dictateur d'achever ses retranchemens; en sorte que les ennemis, au point du jour, se virent à leur tour assiégés par deux armées. Le combat se renouvella avec le retour de la lumiere. Le dictateur et le consul attaquerent alors avec toutes leurs forces le camp ennemi. Quintius trouva l'endroit de son attaque moins fortifié, parce que le général des Eques n'avoit pas cru avoir à se défendre de ce côté là : il ne fit qu'une foible résistance; et comme il craignoit d'être emporté l'épée à la main, il eut recours à la négociation. Il envoya des députés au consul, qui sans les entendre, les

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renvoya au dictateur. Ces députés, s'étant présentés à lui, malgré la chaleur de l'action, le conjurerent d'arrêter l'impétuosité de ses soldats, et de ne pas mettre sa gloire à faire périr presque toute une nation; et ils offrirent d'abandonner leur camp, et de se retirer sans bagage, sans habits et sans armes. Quintius leur répondit avec fierté, qu'il ne les estimoit pas assez, pour croire que leur mort fût de quelque consé quence à la république ; qu'il leur laissoit volontiers la vie ; mais qu'il vouloit que leur général et les principaux officiers restassent prisonniers de guerre, et que tous les soldats passassent sous le joug, sinon qu'il alloit les faire tailler tous en pieces. Les Eques environnés de toutes parts, se soumirent à toutes les conditions qu'il plut à un ennemi victorieux de leur imposer. On ficha deux javelines en terre, et une troi

*Tit. Liv. dec. 1, lib. 3, c. 28. Val. Max. 1. 2, c. 7, art. 7.

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sieme fut attachée en travers sur la An pointe des deux premieres. Tous les de Rome Eques, nus et désarmés, passerent sous le portique militaire; espece d'infamie que les victorieux imposoient à des vaincus, qui ne pouvoient ni combattre ni se retirer. On livra en même temps aux Romains le général et les officiers, qui furent réservés pour servir au triomphe du dictateur.

* Quintius abandonna le pillage du camp ennemi à l'armée qu'il avoit amenée de Rome, sans en rien retenir pour lui, et sans vouloir souffrir que les troupes du consul qu'il venoit de dégager, y prissent part. «< Soldats, leur « dit-il avec sévérité, vous qui avez « été à la veille de devenir la proie « de nos ennemis, vous ne partagerez point leurs dépouilles. Puis se tour«nant vers le consul: Et vous, Minu« tius, ajouta-t-il, vous ne comman« derez plus en chef à ces légions,

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* Tit. Liv. lib. 3, cap. 29.

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jusqu'à ce que vous ayez fait paroître plus de courage et de capacité. » Ce châtiment militaire ne diminua rien du respect et de la reconnoissance de ces troupes pour leur libérateur; et le consul et ses soldats lui décernerent une couronne d'or du poids d'une livre, comme à celui qui avoit sauvé la vie et l'honneur de ses concitoyens.

Le sénat ayant reçu les nouvelles de la victoire que le dictateur venoit de remporter, et le partage judicieux qu'il avoit fait des dépouilles des ennemis, honteux, pour ainsi dire, qu'un si grand capitaine vieillît dans la pauvreté, lui fit dire qu'il entendoit qu'il prît une part considérable dans le butin qu'il avoit fait sur les ennemis; il voulut même lui adjuger une portion des terres conquises sur les Eques, avec le nombre d'esclaves et de bestiaux nécessaires pour les faire valoir. Mais Quintius crut devoir un plus grand exemple à sa patrie. Il préféra cette pauvreté, qu'il regardoit comme l'asyle et le soutien de

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la liberté, à toutes les richesses qu'on lui offroit persuadé qu'il n'y a rien de Rome de plus libre et de plus indépendant qu'un citoyen qui, sans rien attendre des autres, tire toute sa subsistance de son propre fond ou de son travail.

Ce grand homme, en moins de quinze jours dégagea l'armée du consul, vainquit celle des ennemis, et rentra triomphant dans Rome. On menoit devant son char le général ennemi, et un grand nombre d'officiers, chargés de chaînes, et qui faisoient le principal ornement de son triomphe. Les soldats romains le suivoient, couverts de chapeaux de fleurs, et célébrant sa victoire par des chansons militaires. * Il abdiqua ensuite la dictature le seizieme jour qu'il en avoit été revêtu, quoiqu'il eût pu retenir cette dignité pendant six mois. Une telle modération augmenta encore sa gloire et l'affection de ses concitoyens. Les amis de sa maison se prévalant

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