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n'excitât de nouveaux tumultes, qui à de Rome la fin pourroient produire une guerre civile. Que le succès en étoit incertain; qu'il étoit même à craindre, si les patriciens avoient l'avantage, qu'ils ne ruinassententièrement l'autorité du peuple pour se venger de ceux qui l'auroient voulu pousser trop loin. Qu'ainsi ils étoient d'avis qu'on sursît toute procédure contre les consuls, jusqu'à ce qu'ils fussent sortis de charge; et qu'en attendant on poursuivît seulement les particuliers qui avoient fait paroître le plus de chaleur pour leurs intérêts.

De ces trois avis différens, les tribuns s'arrêterent au second, qui leur paroissoit le plus sûr et le plus prompt pour satisfaire leur ressentiment; et ils indiquerent une assemblée où le peuple, à leur réquisition, devoit condamner les consuls à l'amende. Mais les tribuns s'étant apperçus, après que la premiere chaleur des esprits fut appaisée, que le peuple faisoit paroître moins d'empresse

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ment pour une affaire qu'il regardoit comme particuliere à ces magistrats, ré- de Rome

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solurent, pour assurer mieux leur vengeance, de la différer, et même de la revêtir du prétexte ordinaire des inté→ rêts du peuple, sans y mêler le différend qu'ils avoient avec les consuls. Ainsi le jour marqué pour l'assemblée étant arrivé, Icilius, qui portoit la parole pour ses collegues, déclara que le college des tribuns, à la priere et à la considération des plus gens de bien du sénat se désistoit de l'action intentée contre les consuls; mais qu'en abandonnant leurs intérêts propres, ils étoient incapables de négliger ceux du peuple. Qu'ils demandoient qu'on dressât un corps de loix qui fût rendu public; qu'on procédât ensuite au partage des terres; que le temps enfin étoit venu d'autoriser une loi si équitable proposée depuis long-temps, et dont la publication avoit toujours été éludée par les artifices des patriciens. Il exhorta en même temps

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ceux des plébéiens qui s'intéressoient à cette affaire, d'en dire librement leur avis à l'assemblée.

Pour lors un plébéien, appellé L. Siccius ou Sicinius Dentatus, se présenta dans la tribune. C'étoit un vieillard encore de bonne mine, quoique âgé de près de soixante ans, et qui avec une éloquence guerriere parla lui même magnifiquement de sa propre valeur et de toutes les occasions où il s'étoit signalé. * Il représenta d'abord qu'il y avoit quarante ans qu'il portoit les armes; qu'il s'était trouvé dans six vingts combats; qu'il y avoit reçu quarante-cinq blessures, et toutes par-devant; que dans une seule bataille il avoit été blessé en douze endroits différens; qu'il avoit obtenu quatorze couronnes civiques, pour avoir sauvé la vie dans les combats à autant de citoyens; qu'il avoit reçu trois couronnes murales , pour être

* Plin. 1. 7, c. 28. Valer. Max. lib. 3, cap. 2, art. 26.

monté le premier sur la breche dans des
places qu'on avoit emportées d'assaut; de
que ses généraux lui avoient donné huit
autres couronnes pour avoir retiré des
mains des ennemis les étendards des lé-
gions; qu'il conservoit dans sa maison.
quatre-vingts colliers d'or, plus de
soixante brasselets, des javelots dorés
des armes magnifiques, et des harnois.
de chevaux, comme le témoignage et
la récompense des victoires qu'il avoit
remportées dans des combats singuliers,
et qui s'étoient passés à la tête des ar-
mées. Que cependant on n'avoit eu au-
cun égard à toutes ces marques hono-
rables de ses services, et que ni lui ni
tant de braves soldats, qui aux dépens
de leur sang avoient acquis à la répu-
blique la meilleure partie de son terri-
toire, n'en possédoient pas la moindre
portion. Que leurs propres conquêtes
étoient devenues la proie de quelques
patriciens, qui n'avoient pour mérite
que la noblesse de leur origine et la re-
commandation de leur nom. Qu'il n'y

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en avoit aucun qui pût justifier par titres de Rome la possession légitime de ces terres, à moins qu'ils ne regardassent les biens de l'état comme leur patrimoine, et les plébéiens comme de vils esclaves, indignes d'avoir part à la fortune de la république. Mais qu'il étoit temps que ce peuple généreux se fît justice à luimême, et qu'il devoit faire voir sur la place, et en autorisant sur-le-champ la loi du partage des terres, qu'il n'avoit pas moins de fermeté pour soutenir les propositions de ses tribuns, qu'il avoit montré de courage en campagne contre les ennemis de l'état.

** Icilius donna de grandes louanges à l'auteur de ce discours. Mais comme il affectoit de paroître exact observateur des loix, il lui représenta qu'on ne pouvoit avec justice refuser aux patriciens de les entendre sur les raisons qu'il leur plairoit d'alléguer contre la loi; et il remit l'assemblée au jour suivant.

* Varro de linguâ lat.

** D. Hal. l. 10, pag. 665.

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