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appartement, où ils conférèrent en secret des moyens de renouveler la

guerre.

Nous avons dit qu'il y avoit alors une trève entre les Volsques et les Romains; il étoit question de déterminer les premiers à la rompre. Mais l'entreprise n'étoit pas sans difficulté, à cause des pertes et des disgraces récentes que les Volsques avoient essuyées dans la dernière guerre. Tullus, de concert avec Coriolan, chercha un prétexte pour faire renaître leur ancienne animosité. Les Romains se disposoient à faire représenter des jeux publics qui faisoient partie de la religion; les peuples voisins de Rome y accoururent de tous côtés, et il s'y trouva surtout un grand nombre de Volsques. Ils étoient répandus dans différents quartiers de la ville; et il y en eut même plusieurs qui n'ayant pu trouver d'hôtes pour les recevoir, couchèrent sous des tentes dans les places publiques. Ce grand nombre d'étrangers causa de l'inquiétude aux consuls, et pour l'augmenter, Tullus leur fit donner un faux avis que les Volsques devoient mettre le feu en différents endroits de Rome. Les consuls en firent leur rapport au sénat; et comme on n'ignoroit pas leur animosité, les magistrats firent publier une ordonnance dans toute la ville, qui enjoignoit à tous les Volsques d'en sortir avant la nuit, et on leur prescrivit même la porte par

où ils devoient se retirer. Cet ordre fut exécuté avec rigueur, et tous ceux de cette nation furent chassés de Rome à l'instant ; ils portèrent chacun dans leur canton la honte de ce traitement et le desir de la vengeance. Tullus se trouva sur leur chemin, comme par hasard: et après avoir appris la manière indignedont on les avoit obligés de sortir de Rome: « Est-il possible, disoit-il << pour augmenter leur ressentiment, qu'on << vous ait chassés d'une fête publique, pour ainsi dire d'une assemblée des dieux et des hommes, «< comme des profanes et des méchants? Pouvez« vous, après un traitement si indigne, vous cacher à vous-mêmes la haine opiniâtre que vous portent les Romains? attendrez-vous que malgré la trève qui nous a fait quitter les armes, <«< ils viennent vous surprendre, et ravager de « nouveau votre territoire. »>

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On tint tumultuairement une assemblée des états: les avis les plus violents alloient à prendre les armes sur-le-champ, et pour se venger, à porter le fer et le feu dans le territoire de Rome. Mais Tullus, qui conduisoit cette affaire, leur conseilla, avant que d'éclater, d'appeler Coriolan dans leur assemblée. « Ce capitaine, leur dit-il, dont nous av ons tantde fois éprouvé la « valeur, à présent plus ennemi des Romains « que les Volsques, semble avoir été conduit ici

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par les dieux pour rétablir nos affaires; et il << ne nous donnera point de conseils dont il ne << partage les périls de l'exécution. »

Le Romain fut appelé et introduit dans l'assemblée; il y parut avec une contenance triste et ferme en même temps: tout le monde avoit les yeux tournés sur un homme qui leur avoit été plus redoutable que tous les Romains ensemble; et on l'écouta avec ce respect que s'attire toujours le mérite persécuté.

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<< Personne de vous n'ignore, leur dit-il, que « j'ai été condamné à un exil perpétuel, par la « malice ou par la foiblesse de ceux qui en sont << les auteurs ou les complices. Sije n'avois cher«< ché qu'un asile, je pouvois me retirer, ou chez « les Latins nos alliés, ou dans quelque colonie « romaine. Mais une vie si obscure m'eût été insupportable; et j'ai toujours cru qu'il valoit << mieux y renoncer, que de se voir réduit à ne pouvoir, ni servir ses amis, ni se venger de ses << ennemis. Telle est ma disposition ; je cherche à « mériter par mon épée l'asile que je vous de«< mande; joignons nos ressentiments communs. « Vous n'ignorez pas que ces citoyens ingrats, qui m'ont banni si injustement, sont vos plus <<< cruels ennemis; Rome, cette ville superbe, « vous menace de ses fers. Il est de votre intérêt « d'affoiblir des voisins si redoutables; je vois

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<< avec plaisir que vous vous disposez à renouve<«<ler la guerre; et j'avoue que c'est l'unique

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moyen d'arrêter les progrès de cette ambitieuse << nation. Mais pour rendre cette guerre heu<< reuse, il faut qu'elle soit juste devant les dieux, << ou du moins qu'elle le paroisse devant les hom<< mes; il faut que le motif, ou le prétexte qui «< vous fera reprendre les armes, intéresse vos << voisins, et vous procure de nouveaux alliés. Feignez que vous aspirez à convertir la trève qui est entre les deux nations, en une paix so«< lide; que les ambassadeurs que vous enverrez « à Rome ne demandent pour toute condition «< que la restitution des terres qui vous ont été << enlevées, ou par le malheur de la guerre, ou << dans des traités forcés. Vous n'ignorez pas << que le territoire de Rome, dans l'origine de «< cette ville, n'avoit au plus que cinq ou six << milles d'étendue. Ce petit canton est devenu insensiblement un grand pays par les conquê<< tes; ou pour mieux dire, par les usurpations << des Romains. Volsques, Sabins, Èques, Al<«< bins, Toscans, Latins, il n'y a point de peu

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ples dans leur voisinage dont ils n'aient envahi « des villes et une partie du territoire. Ce seront << autant d'alliés qui se joindront à vous dans une «< affaire qui vous est commune, et qui vous in«<téresse tous également.

<< Si les Romains, intimidés par la crainte de << vos armes, se disposent à vous rendre les villes, «<les bourgs et les terres qu'ils vous ont enlevés, << pour lors, à votre exemple, les autres peuples << d'Italie redemanderont chacun les fonds dont << on les a dépouillés : ce qui réduira tout d'un « coup cette fière nation à la même foiblesse où «< elle étoit dans son origine. Ou si elle entreprend, comme je n'en doute pas, de retenir ses usurpations par la force des armes, alors vous << aurez, dans une guerre si juste, et les dieux et << les hommes favorables. Vos alliés s'uniront

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plus étroitement avec vous; il se formera une ligue redoutable et capable de détruire, ou du << moins d'humilier une république si superbe. « Je ne vous parle point du peu de capacité que j'ai acquise dans les armées : soldat ou capitaine, « dans quelque rang que vous me placiez, je sa«< crifierai volontiers ma vie pour vous venger << de nos ennemis communs. »

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Ce discours fut écouté avec plaisir, comme tous ceux qui intéressent et qui flattent nos passions. On résolut la guerre; la communauté des Volsques en confia la conduite à Tullus et à Coriolan; et pour attacher le Romain plus étroitement à la nation des Volsques, on lui déféra la qualité de sénateur. On dépêcha en même temps, suivant son avis, des ambassadeurs à Rome. Ils

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