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mere nous indique les expreffions d'un fenti ment plus leger témoigné par une femme; pourquoi s'écarter des idées juftes de ce grand homme? Il nous décrit ici comment on demande une grace, & comment on cherche à féduire pour l'obtenir. Raphaël & Jules-Romain, nourris de l'antiquité, ont traité les Dieux dans la grande maniere d'Homere, c'est-à-dire avec une élégante fimplicité: ces illuftres Modernes malheureusement n'ont pas été fouvent imités ; & fi les Peintres avoient à traiter aujourd'hui le fujet dont il s'agit, il eft à préfumer qu'ils s'écarteroient d'Homere dans la compofition de ce groupe; l'attitude leur paroîtroit trop fimple, trop familiere, peut-être trop groffiere pour éviter la critique des gens du monde ; ils oublieroient que les plus grands personnages font pénétrés des mêmes paffions que le peuple, & qu'ils éprouvent des fentimens pareils ; ils cefferoient de fçavoir que ce n'est point dans ce genre de fituation que l'éducation & les exercices donnent des mouvemens nobles, aifés & différens de ceux dont la jeuneffe n'a point été cultivée. Ces réflexions peuvent convenir à plufieurs fituations fur lefquelles le mauvais

goût & les petites idées ne prévalent que trop: après cette digreffion on sent aisément, sans une plus grande explication, que je fuivrois le trait donné par Homere.

Je ne puis finir cet article fans rapporter un paffage d'Homere, quoiqu'il n'ait aucune liaifon avec le fujet précédent. Après la conversation de la Déeffe & du Dieu, ce grand Poëte dit: » Jupiter fit un figne de ses noirs fourcils » les facrés cheveux furent agités fur fa tête » immortelle, & il ébranla l'Olympe.

;

Cette grande idée eft impoffible à rendre en peinture; mais un Artiste ne peut l'avoir trop préfente à l'efprit ; c'est un moyen de croître fon ouvrage, & d'exprimer au moins quelque légere partie de la grandeur, qui doit être d'autant plus l'objet de l'Art, qu'elle furprend, arrête le Spectateur, & le contraint à tenir fes yeux fixes & plus ouverts. Les Anciens même nous apprennent que les Vers d'Homere, fur le figne de tête que fait Jupiter, ont fourni à Phydias le caractere de fon Jupiter Olympien, qui a fait l'admiration de l'Antiquité.

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XIII. TABLEAU.

Le feftin des Dieux. Ce fujet, pour avoir été traité plusieurs fois, & principalement par Raphaël, n'a rien perdu de fa grandeur & de sa beauté, & n'eft pas moins néceffaire pour la fuite de l'Iliade; le défaut de nouveauté peut au contraire animer le génie de l'Artiste. Il ne doit cependant point oublier que Vulcain, dans cette compofition, préfente la coupe à Junon pour adoucir & calmer l'humeur que lui donne la conversation de Thétis & de Jupiter; il doit encore se souvenir qu'Apollon joue de la lyre, & que les Mufes chantent pour l'amufement des Dieux.

La grande lumiere, indifpenfable dans ce Tableau, eft, je crois, la plus grande difficulté de fon exécution; car en partant des nuages fur lefquels la bande facrée eft pofée, le Ton doit fe perdre dans l'Empirée ; il faut penser cette fplendeur, en être affecté pour la rendre. Cette couleur, qui n'a pour ainfi dire point d'oppofition, eft ce qu'on appelle la magie de l'Art. On admire le fait ; les moyens font cachés ; c'eft auffi le fublime de l'Art. L'agencement des

groupes & le jeu des figures, dont les caracteres & les attributs font parfaitement connus peuvent caufer aucun embarras.

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LIVRE DEUXIÈME.

I. TABLEAU.

JUpiter envoie un fonge à Agamemnon.

que

La façon de traiter ces fortes de fujets eft arbitraire & peu importante. En général le fonge doit être une figure légere & participante de l'air, mais elle ne peut être éclairée dans cette occafion, ainfi le lieu de la scene par un autre moyen que celui d'une lampe ; ce genre de lumiere apportera fans doute une grande varieté dans la fuite de ces Tableaux, mais diminuera l'effet de la couleur vague que peut exiger la représentation d'un fonge. Il faut toujours tenir la figure d'une proportion un peu plus allongée que la nature, pour regagner par le trait ce qu'on perd par la couleur ; & pour le mieux, il faut que l'Artiste foit affecté de l'objet qu'il représente. J'ai toujours vu l'expreffion de l'Art obéir à l'impreffion de l'efprit.

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II. TA B LE A U.

L'objet de ces recherches regarde la Peinture; en conféquence il est bon de fçavoir qu'on doit exécuter l'habillement que prend Agamemnon à fon réveil, & que pour fuivre le Coftume, ce Prince affis fur fon lit, a pris une Tunique * très-fine, a mis fon grand Manteau royal, & couvert fes pieds de brodequins, fans oublier fon Baudrier d'où pend une riche épée, & le Sceptre de fes Ayeux. Cependant, l'attitude d'un homme qui s'habille fur fon lit n'étant pas noble, on pourroit repréfenter ce Roi debout dans ce même équipage, levé ou fe levant; cette action fuppofe aisément celles dont elle a été précédée,

III. T A BLEAU.

Minerve vient parler à Ulyffe dans fon Vaiffeau. Je ne balancerois pas à repréfenter ce Prince affis aux côtés de la Déeffe, & s'entretenant avec elle. La familiarité des Dieux avec les hommes, établie par Homere, autorife cette attitude. Le Peintre peut à fon choix placer ces deux perfonnages en dedans du Vaiffeau, ou

* Voyez Tunique à la fin de l'Avertiffement, Sceptre, Baudrier.

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