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à entendre Jupiter dire à Vénus, en par» lant des Portugais, leur fainte Religion : il eft impoffible de foutenir, encore moins de rendre l'idée du Cap de Bonne-Efpéfance, d'autant qu'il eft le feul des objets inanimés que l'Auteur ait personi→ fié. Le Chant qui renferme les bontés de Vénus pour les Portugais à leur retour des Indes, préfenté des Tableaux, nonfeulement trop libres pour pour les exécuter, mais qui n'ont aucun rapport avec le refte de l'Ouvrage, ni par le genre, ni par le ton que l'Auteur a employé dans les autres Parties de fon Poëme. D'ailleurs, la Peinture eft une femme qui n'ofe prendre pour Amans que des hommes avoués & connus ; les Heros du Camoëns font trop fimplement Portugais, pour flatter fon amour propre.

Le Taffe a plus fuivi fon modèle c'est-à-dire, qu'il a plus exactement copié Homere; le fond & la lecture de

fon Poëme le rendent, par conféquent, moins recommandable quant au génie ; mais fes Episodes font charmans ; la Peinture en a tiré de très-grands avantages. Cependant il feroit impoffible à ce même Art d'allier, dans une fuite conftante & fuivie, la Religion chrétienne celle de Mahomet, la Magie & la Chevalerie que cet Auteur a également employées. La Peinture eft raisonnable & folide dans fes goûts; elle n'admet rien de ce qui peut la diftraire de l'objet qu'elle a préféré ; elle s'y renferme toute entiere. Au refte, on peut dire que c'eft le Taffe qui n'a jamais réfléchi fur la pof fibilité du bouclier qu'il donne à fon Renaud.

L'Ariofte, plus vif & plus aimable, a fuivi la mode de fon tems, & l'on con. noît les influences de cette Déeffe bizarre. La Chevalerie, les Enchantemens, les Hiftoires libres, & le merveilleux forcé

des anciens Romans, composent Roland le Furieux, & forment par conféquent un tissu d'avantures & de faits pillés de toutes parts. On peut encore reprocher à l'Ariofte, que fes Récits font trop coupés & trop découfus pour être traités dans une fuite générale, c'est-à-dire, qui embraffe tous les sujets d'un Poëme : cet Auteur fe moque lui-même, avec raison, de ce qu'il raconte. Il eft vrai que le tour qu'il emploie, fert à faire paffer & à rendre agréables des chofes vraiment ridicules. Mais la Peinture ne peut exprimer qu'avec une forte de pefanteur, de certaines légeretés que l'efprit faifit facilement cette même Peinture, loin d'être favorable aux larcins ne leur fait

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aucune grace. D'ailleurs, l'Hypogriphe, Saint Michel, Saint Jean, le Paradis terreftre & la Lune, font des objets dont la réunion eft impoffible à l'Art, & qui n'ont jamais produit l'héroïque. On peut

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ajoûter que l'imagination de l'Ariofte, pleine de feu, & nourrie par l'usage du monde & par le commerce des femmes,n'étoit de celles qui inventent les pas productions de ce Poëte, charmant à mille égards, étoient fort agréables pour ceux qui voyoient chaque jour le progrès de fon prétendu Poëme ; mais la Poftérité, plus févére, exige davantage pour des Ouvrages qui portent un fi grand nom que celui de l'Epopée, & dont la carriere eft fi difficile à remplir.

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Milton a pris le germe, ou l'idée de fon Poëme, dans le Taffe, & fon ftile dans le ftile Oriental: fes perfonnages monstrueux, plus grands par les mots que par les refforts, ne peuvent fe traiter en peinture; ils répétent trop leurs actions, & leurs motifs font toujours les mêmes. L'enflure des mots n'a jamais fait qu'une fauffe impreffion fur l'efprit & l'imagination des Peintres.

Cet Auteur vivoit dans le xvi. fié

cle. La perte de la vue a peut-être été fon plus grand rapport avec Homere.

Ces raifons doivent fuffire, à mon fens, pour faire connoître celles qui m'ont empêché de renfermer les Auteurs modernes dans mon projet. L'Iliade, l'Odysfée & l'Eneïde m'ont paru plus étendues, peut-être qu'il n'étoit néceffaire pour la fatiété que j'ai citée plus haut, comme le plus grand inconvénient d'une fuite conftante & non interrom

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pue. Le peu d'action & le petit nombre de Tableaux que préfentent la Théogonie & les jours d'Héfiode, m'ont fait paffer cet ancien Auteur fous filence; je me fuis contenté de rapporter fon Bouclier dans un Mémoire de l'Académie.

Après cette Analyfe abregée des Poëtes modernes, & le détail des impreffions que j'en ai reçues par rapport à la Peinture, je dois convenir que l'examen d'Homere

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