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ce que nous entendons aujourd'hui par le nom de Portique ; il eft même conftant qu'il ne répond point à l'idée qu'il fignifioit le plus généralement chez les Grecs dans les fiécles poftérieurs à celui d'Homere, & qu'il s'éloigne encore plus de ce qu'il vouloit dire chez les Romains ; on voit même qu'il s'étoit étendu, & qu'il avoit acquis différentes fignifications dans le tems dela fplendeur de ces derniers. Un Portique, felon Vitruve, & felon les autres Auteurs que l'on a le plus fréquemment devant les yeux, eft quelquefois un Porche, une Porte d'entrée foutenue par des colomnes d'autres fois c'est un avant-corps, souvent pris pour un Vestibule; c'étoit encore un affemblage de plufieurs portions ceintrées formant une galerie, & dont les portions circulaires ou portes, étoient percées à jour, au moins fur une des plus longues faces du bâtiment. L'Hiftoire ancienne nous en

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fournit plufieurs exemples ; & le nom feul du Portique d'Athenes, nommé Portique par excellence, éleve l'efprit, & rappelle une foule de grandes idées.

Je ne puis m'empêcher de dire ici, par une digreffion qui doit être permise, que fi un Artiste se trouve obligé de représenter ce genre de bâtiment dans quelque compofition de l'Hiftoire Grecque, c'est alors qu'il doit employer tout ce que l'Architecture a de plus pur & de plus élégant : cette attention feroit encore plus néceffaire, fi le fujet intéreffoit la Ville d'Athenes, que Phidias rendit fi belle & fi magnifique fous les ordres de Périclès.

Il est donc prouvé que ces beaux ornemens, ces belles difpofitions, ces chefsd'œuvres de l'Art & des proportions, ne font point ce qu'Homere nous fait entendre lorfqu'il parle de Portique: malheureusement il ne fait mention des logemens qu'il défigne par ce nom, que com

me on fait d'un objet connu, & dont l'usage eft ordinaire ; on le nomme fimplement fans entrer dans aucun détail; on croiroit ennuyer un Lecteur contemporain en décrivant ce qu'il connoît. Le foin de réunir un grand nombre des plus communes définitions, dont le détail ne pourroit qu'appefantir un Auteur, eft peut-être le plus grand & le feul avantage des Dictionnaires dont nous fommes inondés.

Cet expofé fuffit pour faire fentir les fauffes idées que le mot de Portique pourroit donner aux Artistes.

Après avoir fait toutes les réflexions dont je fuis capable, je crois que ces Portiques étoient, felon Homere, des chambres deftinées pour les Hôtes dans le Palais des Princes, des Chefs de République & autres grands Seigneurs ; j'ajoûterai qu'elles paroiffent toujours avoir été placées dans la cour, fans être jointes au corps du bâtiment, mais appuyées contre

la porte principale. Des raisons de commodités particuliéres, ou de témoigna ges de confiance, peuvent avoir été l'origine de cet emplacement; dont on ne peut aujourd'hui deviner les raifons; nous devons en être d'autant moins furpris que nous ignorons la fource & la cause des noms du plus grand nombre de nos ufages les plus communs.

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Il paroît encore que ces Portiques, ou ces chambres des Anciens, n'étoient point couverts; ce défaut de construction à nos yeux, n'en étoit point un pour le pays où on les pratiquoit. Le climat de la Grece & de l'Afie loin de s'y opposer, le permettoit à des hommes qui ne connoiffoient point encore toutes les délicateffes du luxe. Je pourrois cependant ajoûter que par une efpece de luxe, ces logemens étoient ordinairement tournés vers le Nord; les Vers d'Horace engagent à le croire.

Nulla decempedis

Metata privatis opacam
Porticus excipiebat Arton.

Liv. II. Ode XII.

Alors les fimples particuliers n'avoient pas dans leurs maifons de vaftes Portiques, ou Galeries, expofés au vent du Nord, & mefurés avec des perches de dix pieds.

Je ne prétends point tirer une preuve complette de ce paffage d'Horace, mais il fert du moins à nous affurer de la fource & de l'origine de ces bâtimens, dont il fait la critique à l'égard des fimples particuliers de fon tems; on fçait d'ailleurs combien les Romains ont copié tous les ufages des Grecs; & la particularité phyfique du vent de Nord, moins nécessaire encore en Italie, fortifie la conjecture, & prouve au moins que cet ufage transmis d'une Nation à l'autre n'a point été interrompu, & laiffe appercevoir des traçes de fon origine, malgré l'intervalle des tems. e iij.

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