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CHAPITRE I V.

Conftitution & ressources intérieures de la France.

A PRES avoir vu les facilités & les obftacles que la France devoit trouver au dehors à l'exécution de fes projets, il refte à examiner fes reffources intérieures, & les moyens qu'elle tiroit de fa conftitution même pour combattre fes ennemis & pour fecourir fes Alliés.

La France ne poffédoit alors du côté du nord, ni la Flandre ni l'Artois; elle n'avoit au levant, ni la Lorraine, ni la Franche-Comté, ni l'Alface; le Rouffillon & la Cerdagne avoient été rendus à Ferdinand le catholique, par Charles VIII. Avec des ports fur l'Océan & fur la Méditerranée, l'Etat n'avoit point de marine; malgré des guerres continuelles, il n'avoit point d'Infanterie nationale; les arts, ornemens de la

paix, ne fleuriffoient point encore dans la France, le commerce ne l'enrichiffoit point, les manufactures n'y attiroient pas les Etrangers & leur argent; on croiroit d'abord qu'une telle nation ne devoit avoir d'éclat ni dans la paix, ni dans la guerre; cependant, comparée aux autres nations de l'Europe, la France en étoit le modéle; comparée à elle-même, elle voyoit luire fes plus beaux jours; elle n'étoit plus ni tyrannifée par des ennemis étrangers, comme fous les premiers Valois, ni déchirée par des ennemis domeftiques, comme fous Louis XI. & fous Charles VIII. La Bourgogne ni la Bretagne n'etoient plus le fiége de deux Puiffances ennemies, elles faifoient alors partie de ce même Royaume, qu'elles avoient tant troublé autrefois. Toutes les anciennes playes étoient fermées; la douceur du Gouvernement de Louis XII. avoit fait de l'état un corps robufte & bien conftitué; elle procuroit au Royaume une population plus abondante, que n'eût pû faire le com

merce avec tous les arts qu'il traîne à fa fuite; l'avantage d'être gouvernés par de douces & fages maximes, de vivre dans une terre heureufe, fous une adminiftration paternelle, de ne porter que des charges légères, & toujours employées au bien public, ce bonheur goûté par les François, apperçu par leurs voifins, envié par leurs ennemis, ouvroit le fein de la France à une multitude d'Habitans. Sous Louis XI. la terreur avoit été le reffort des François, elle le fut encore depuis fous Louis XIII. Le refpe&t l'a été de nos jours fous Louis XIV. Sous François I. ce fut l'honneur ; fous Louis XII. c'étoit l'amour. Le Peuple même aimoit l'Etat & eftimoit le Ministère; les Grands étoient foumis, fans que la main terrible d'un Richelieu eût écrafé des têtes rebelles ; un attrait doux & puiffant les attachoit à la Cour & à leur devoir; ils adoroient leur Prince, ils trouvoient du plaifir à lui facrifier leur fortune, à verfer leur fang pour lui. Le caractère chevalerefque de

Louis XII. avoit contribué, autant que fes vertus, à exciter parmi les Nobles cet enthousiasme de tendreffe. On l'avoit vu dans fa jeuneffe, malheureux & opprimé, chercher un afyle à la Cour de Bretagne, devenir l'amant & le défenfeur d'une Princeffe malheureuse & opprimée comme lui, la difputer à fes rivaux par des fervices galamment héroïques, combattre pour elle, fubir la captivité, pouffer enfin l'héroisme de l'amour, jufqu'à déterminer lui-même cette Princeffe à renoncer à lui; ce caractère de Gentilhomme & de Chevalier, fublime dans fes vertus, aimable dans fes fautes & fes foibleffes, ne l'avoit point quitté fur le Trône & on le voyoit renaître avec plus d'éclat encore dans fon Succeffeur. Auffi l'efprit de Chevalerie n'avoit jamais tant animé la Nobleffe françoise, n'avoit jamais infpiré une valeur fi romanefque, ni produit tant d'actions généreufes, que fous Louis XII. & fous François I.

La France venoit pour la première

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fois de voir réunis contre'elle le Pape & prefque toute l'Italie, l'Empereur, les Suiffes, le Roi d'Efpagne, le Roi d'Angleterre, cependant à peine avoit elle été entamée; & lorfqu'elle eut détaché le Roi d'Angleterre de cette ligue, non-feulement elle s'étoit fentie affez forte pour résister à tous les autres ennemis, mais encore elle avoit cru pouvoir reprendre fes anciens & juftes projets de conquête fur l'Italie; tant de force étoit l'effet de la réunion des Grands, du zéle de la Nobleffe & de l'obéiffance des Peuples. Les ennemis de la France n'avoient eu autrefois de grands fuccès contr'elle, que par fes divifions.

PRINCES DU SANG.

Les Princes du Sang, fi factieux, fi turbulens, fi funeftes à l'Etat fous Charles VI, fe fouvenoient, fous Louis XII, qu'ils étoient les foutiens naturels du Trône. Réunis fous un Maître digne de leur commander, ils ne haïffoient que les ennemis de

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