Imágenes de páginas
PDF
EPUB

toutes les négociations; mais incapable d'abaiffer fon orgueil aux pieds de fon ennemie, elle mettoit fa gloire à obtenir la Princeffe directement du Roi & de l'Etat, & à l'arracher, pour ainfi dire, des bras de la Reine; c'étoit à la fois fatisfaire fa haine & fon ambition, s'élever avec fon fils & humilier fa rivale.

Varillas prétend que pour rompre ces mesures, Anne de Bretagne traita fecretement en Flandre & en Allemagne du mariage de fa fille avec le Prince d'Efpagne Charles, & qu'elle prétendoit conclure ce mariage fans la participation du Roi. L'autorité feule de Varillas ne fuffit pas pour perfuader un fait fi incroyable & fi mal expliqué; mais il eft certain que la Reine eut toujours en vue l'alliance du Prince d'Espagne, & qu'elle contribua beaucoup à tant de Traités (1), où Claude fut promife à ce Prince.

Pendant cette fermentation, le

(1) Traité de Trente en 1501. de Blois auffi en Isol. de Lyon en 1503. Tome I.

B

Roi eut une maladie qui sembla lui ouvrir le tombeau ; les Médecins défespérerent de fa vie ; la douleur de la Reine ne l'empêcha pas de pren

dre des mefures pour fe retirer en Bretagne avec fes filles. Déja quelques bateaux, chargés de fes meubles les plus précieux, defcendoient vers Nantes par la Loire; le Maréchal de Gyé, Gouverneur de l'Anjou, ofa penfer qu'il étoit de fon devoir de faire arrêter ces bateaux. La Reine dont il étoit né sujet, sentit cette injure jufqu'au fond du cœur ; fes grandes vertus lui avoient laiffé le grand défaut d'être implacable. En vain le Roi parut applaudir à la fidélité hardie du Maréchal de Gyé, il ne put éternellement réfifter auxplaintes d'une femme adorée, il fallut livrer le Maréchal à fon reffentiment, elle fit rechercher avec rigueur toute sa vie; on vouloit des crimes, on ne manqua pas d'en trouver. Le Confeil du Roi nomma pour faire le procès au Maréchal, le Parlement de Touloufe, parce qu'il avoit la réputation

d'être le plus févère du Royaume; mais ce Parlement fi févère ne fit que manifefterl'innocence du Maréchalde Gyé par la douceurdes peines qu'il lui infligea; il fe contenta de le fufpendre pendant cinq ans des fonctions de Maréchal de France, & de le bannir à dix lieues de la Cour : le Public trouva encore ce jugement trop rigoureux; on en rit au lieu de s'en indigner, c'est le génie François : on joua dans un Collége de Paris une farce dans laquelle on difoit, fuivant le goût de plaifanterie du temps: Qu'un Maréchal ayant voulu ferrer un âne, en avoit reçu un fi grand coup de pied, qu'il avoit été jetté par deffus les murailles de la Cour jufques dans 1.ftr. le Verger. La fin de cette groffière Grande Hift. allégorie (1) s'explique par la retraite du Maréchal de Gyé dans fon Château du Verger en Anjou.

(1) Du même goût eft le prétendu fonge de Marguerite d'Autriche, qui étant venue en France pour époufer Charles VIII, & ne l'ayant point époufé, parce qu'il préféra l'alliance d'Anne de Bretagne, rêva, dit-on, qu'elle étoit dans une prairie où un àne lui compoit l'herbe sous le pied.

Brantôme, Homm. il

Mezerai,

ves de l'hift.

Du 9 Févr. Nous apprenons par fon Arrêt & 1506, Pieu- par l'extrait de fon procès, qu'il avoit de Bret. de été Gouverneur du jeune Comte D. Lobinau, d'Angoulême; que dans l'exercice Par D. Mo- de fes fonctions il avoit déplu à la

riçe.

Comteffe, qui s'unit avec Anne de Bretagne pour le perdre ; qu'il récusa même expreffement la Comteffe, lorfqu'elle voulut dépofer dans fon procès, tant il la jugeoit mal difpofée à fon égard. Comment eût-il pu réfifter au crédit de ces deux femmes, redoutables même l'une pour l'autre, & qui ne s'étoient jamais réunies que contre lui?

L'Arrêt du Maréchal de Gyé le dépouille nommément de la dignité de Gouverneur du Comte d'Angou. lême, & ce fut apparemment alors qu'elle fut donnée à Gouffier Boify. Varillas qui aime mieux deviner les faits que de les examiner, fuppofe que le Maréchal de Gyé, étant perfécuté par la Reine, devoit être défendu par la Comteffe d'Angoulême, & en effet cela étoit naturel; il pouf fe plus loin cette fupposition, il veut

que le Maréchal de Gyé n'ait arrêté les bateaux d'Anne de Bretagne sur la Loire, qu'à l'inftigation de la Comteffe d'Angoulême; il raconte que cette Princeffe, enveloppée dans la difgrace de fon ami le Maréchal de Gyé, fut obligée de fe retirer à Coignac, pour éviter, ajoute-t-il, un traitement plus rude; il ne fait trop enfuite comment la faire revenir à la Cour, où on la voit paroître vers ce tems avec le plus grand éclat, accompagnée de fes deux enfans, dont l'efprit & les graces féduifent tous les cœurs, excepté celui de l'implacable Reine.

Louis XII. conçut beaucoup de tendreffe pour le jeune Comte d'Angoulême; il lui donna le Duché de Valois (1), ce jeune Prince, & Gaf

(1) Mezerai, en rapportant cette donation, ajoute : Voilà pourquoi (ce que peu de gens remarquent) ce jeune Prince porta le nom de Valois qu'il a laiffé aux fiens. Mezerai a raison, mais fon idée a befoin d'être un peu développée. Philippe de Valois eft la tige commure de tous les Rois qui ont occupé le Trône depuis la mort de Charles le Bel jufqu'à l'avenement de Henri IV. il femble done que tous ces Rois pourroient être indiftin&tement

« AnteriorContinuar »