Louise de Sa Martin du Bellay, 1. 1. wit pour terminer les divifions de la Journal de Cour. C'est aux ames fenfibles à ju- voye. ger de la douleur de Louis XII. 11 s'enferma pour s'y livrer, pour en jouir, pour en dérober les excès à l'indifférence ou à la faufle fenfibilité des Courtifans. Rendu par le temps à fes devoirs, il bannit de fa Cour tous les plaifirs & tous les fpectacles, diffipations peut-être néceffaires, mais toujours odieufes à une ame profondément bleffée. L'image de la douleur plaît feule à la douleur. Louis fignala fon deuil par une étiquette extraordinaire; il le porta en noir contre l'ufage, peutêtre parce qu'Anne de Bretagne l'avoit porté ainfi de Charles VIII. qu'elle avoit très-fincerement regretté, malgré fon goût pour Louis XII. car une ame tendre s'attache par l'habitude aux objets même qu'elle n'aime pas. Tout fembloit concourir alors à défespérer Louis XII. Les plus rudes épreuves exerçoient fa vertu; l'injustice de fes ennemis étoit par-tour triomphante; les objets de fon attachement, les appuis de fon Trône lui étoient ravis. Ce Gafton de Foix (1), le Foudre de l'Italie, dont l'activité incroyable avoit puni l'audace des Suiffes, confondu l'orgueil de Jules II. déconcerté tous les efforts de la Ligue Papale, écrafé les forces réunies des Vénitiens, des Romains, & des Efpagnols, Gaston s'étoit enBataille de feveli à vingt-quatre ans au milieu de Avril 1512. fes triomphes par le feul trait d'im Ravenne, 11. Je Navarre. prudence qu'on ait pu lui reprocher. Cette mort avoit été le terme des fuccès de la France & le fignal de fes infortunes; les Suiffes avoient de nouveau inondé le Milanès, ils en avoient disposé à leur gré : les Fran çois étoient chaffés d'Italie; leur inFavin, Hift. fidéle allié, l'Empereur Maximilien, Guicciard. S'etoit tourné contre eux; le fourbe Mariana, Ferdinand, Roi d'Efpagne, après Hift. du avoir englouti la Navarre, menaçoit 512. la Guyenne; le jeune Roi d'Angle (1) Son neveu, léans, fa fœur. fils de Marie-Madeleine d'Or Chevalier Baya:d. Angleriâ. Mém. de Louife de Sa voye, 1513. Brantôme. Du Bellay. terre Henri VIII. entraîné par une inquiétude qu'il prenoit pour l'amour Petrus de de la gloire defcendoit en Picardie; (1) une nouvelle entreprise des Fran- Fleuranges. çois fur le Milanès, plus malheureufe, Journal de que les précédentes, n'avoit fait que fournir aux Suifles l'occafion de vaincre la Tremouille à Novarre, & de pénétrer jusqu'au milieu de la Bourgogne. Le Duc de Longueville, en- 6. Juin 1513. voyé contre le Roi d'Angleterre, avoit achevé de flétrir la réputation des armes Françoifes à la bataille de Guinegafte; le Roi d'Ecoffe Jacques IV. foible & généreux allié d'une Puiffance accablée, ayant vou (1) Erafme, de Linguâ, & après lui Henri Etienne, Apologie pour Hérodote, rapportent qu'un Ambaffadeur de Jules II. étant venu en Angleterre, demander du fecours contre Louis XII. Henri VIII. répondit qu'il lui feroit difficile de rassembler promptement des forces fuffifantes pour combattre une puiffance, telle que celle du Roi de France; c'eft auffi ce que j'ai dit au Pape, répliqua très-impru demment l'Ambafladeur. Ce mot qui annonçoit peu de zéle pour le fuccès de fa négociation, donna quelques défiances: on l'épia, & l'on découvrit qu'il avoit fouvent des entretiens nocturnes avec PAmbaffadeur de France; il fut arrêté comme traître, & dépouillé de tous fes biens fim. 13 Août 1513. 17 Sept. 1513. lu faire une diverfion en faveur des François en Angleterre, y avoit été tué, & fon armée taillée en piéces. Que ne peut une femme aimée! Louis XII. dévoroit ces affronts & ces défaftres; Anne de Bretagne le confoloit par fon amitié, le fortifioit par fon courage; cette reffource fi néceffaire lui eft encore enlevée, & ce qui mettoit le comble à la douleur du Roi, fon peuple alloit fouffrir. Malgré fon accablement, il jugea que ce qu'il devoit à la mémoire d'Anne de Bretagne, étoit fubordonné à ce que l'Etat & fa famille exigeoient de lui, Le temps étoit venu de lever l'injufte oppofition que cette Reine avoit eu la foibleffe de Mém. de mettre à l'union de la Princeffe ClauDu Bellay. de avec le Duc de Valois; le mariage s'accomplit le 18. Mai 15 14. à Saint Germain-en-Laye. 1. I' La Princeffe, outre la Bretagne, dont Louis XII. la mit dès-lors en poffeffion, outre les droits fur le MiJanès, portoit en dot à fon mari les Louife de Sa Comtés d'Aft, de Blois, d'Etampes, de Vertus, Coucy & Montfort-l'Amaulry; elle lui portoit une dot plus précieuse encore, un fonds inépuifable d'humanité, de douceur, de fageffe, de piété, enfin toutes les vertus de fon Père: les Auteurs de fon temps ne balancent point à l'honorer comme fainte; il y en a même qui defcendent dans le fecret de fa confcience, & qui affurent qu'elle ne pécha jamais mortellement. La Comteffe d'Angoulême dans fon Journal de journal prend l'univers àtémoin qu'elle a toujours honorablement & aimablement conduit la Reine fa bru; » chacun » le fait, dit-elle, vérité le cognoift, ex» périence le démontre, auffi fait publique renommée. De pareilles proteftations font fuperflues quand elles font vraies; ce témoignage que la Comteffe a fi grand foin de fe rendre, n'eft pas confirmé par les Hiftoriens; ils prétendent que fes hauteurs exercèrent triftement, la patience de cette vertueufe Reine. Les infidélités de François l'exercèrent auffi, mais en voye. |