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traire la Picardie au joug qui la menaçoit; mais comme il s'agiffoit de faire une guerre purement défenfive, d'obferver feulement les ennemis & de retarder leurs progrès, fans rien entreprendre contr'eux, le Roi crai gnit que le courage impétueux du jeune François ne dédaignât des opérations dont la gloire devoit être peu éclatante, il lui défendit de rifquer aucun combat avec les forces inférieures qu'il alloit commander, il l'exhorta de fuivre en tout les avis des Capitaines les plus expérimentés & les plus prudens.

François faifit le véritable esprit de cette campagne. Ses premiers mouvemens font avouer à tous ces vieux Chefs qu'on lui donnoit pour guides, qu'il étoit digne de les conduire. Il trouve l'armée campée dans une pofte indifférent, il l'en tire, & vạ fe placer à Encre au-delà de la Somme, pofte avantageux d'où il cour vroit toute la frontière. Il laiffe les

Impériaux & les Anglois prendre Martin du Théroüenne, s'en difputer la poffef Bellay, 1. z.

fion & le brûler par l'impoffibilité de s'accorder: il attend paifiblement qu'ils ofent entamer la Picardie, & fe tient prêt à fe porter par-tout où. fa préfence feroit néceffaire: mais toute la prudence humaine ne pouvoit deviner l'entreprise où le Roi d'Angleterre alla s'engager. Il poffédoit plufieurs Places dans la Picardie maritime; il n'avoit d'autre intérêt que de s'agrandir de ce côté-là ; il ne devoit rien à l'Empereur, qui avoit trop peu contribué aux dépenfes & aux travaux de cette campagne, quoiqu'il eût pris à cet égard les engagemens les plus étendus. L'Empereur loin d'aider les Anglois leur étoit fort à charge, fon armée étoit à leur folde, l'entretien même de fa Maison retomboit fur eux & leur coûtoit cent écus par jour; cependant quelque dégoutés qu'ils fuffent de cet allié inutile, infidéle & onéreux, leur jeune Roi fans expérience & fans vûes, faifant la guerre pour le plaifir de la faire, fe laiffa engager par l'adroit Maximilien à

faire le fiége de Tournay, Place enclavée dans les Pays-Bas, éloignée de la mer, inutile par conféquent aux Anglois; mais elle incommodoit la Flandre, devenue le patrimoine de la Maifon d'Autriche, & cette raison décifive pour l'Empereur feul, détermina le Roi d'Angleterre.

Le Duc de Valois héfita s'il iroit fe jetter dans Tournay, il en étoit éloigné de près de vingt lieues, il en étoit féparé par plufieurs rivières entr'autres par la Scarpe & par l'Efcaut; ce projet demandoit toute la rapidité de Gafton de Foix. C'étoit ainsi qu'on avoit vu ce jeune Héros traverser plufieurs grandes rivières & voler de Bologne à Breffe à trayers mille obftacles; mais le Duc de Valois confidéra que cette entreprise, fi peu vraisemblable de la part des Anglois, pouvoit n'être qu'un ftratagême pour le tirer du pofte qu'il occupoit & pour devafter enfuite à loifir la Picardie; d'ailleurs Tournay étoit une ville attachée à la France, mais libre & qui n'eût peut-être point

Mém. de du voulu recevoir de garnison FranBellay, 1. 1. çoife: de plus les efforts qu'auroit faits le Duc de Valois pour fecourir Tournay, auroient pu l'engager malgré lui dans une bataille, & c'étoit ce qu'on lui avoit ordonné d'éviter. Par toutes ces raifons, le Duc de Valois prit le parti de refter dans fon pofte; d'où, en fauvant la Picardie, il rempliffoit pleinement le feul objet dont il étoit chargé. Tournay fut pris & foumis par une citadelle.

Mém. de

Fleurang.

liv. I.

Cependant le Duc de Longueville, Mém. de prifonnier à Londres, voulut rendre Du Bellay, fa captivité plus utile à fon Roi que ne l'avoient été fes armes. Il lut dans le cœur des Anglois leur mécontentement fécret, leur fourde indignation contre l'Empereur qui les avoit fi mal fervis, & contre le Roi d'Espagne qui les avoit plufieurs fois trompés; car il falloit qu'il trompât, la fraude étoit fon élément; mais les 'Anglois fe laffoient d'être dupes, ils ne vouloient plus être feuls chargés d'une guerre plus coûteufe qu'utile.

Leur

Leur Roi qui avoit pris les armes par caprice ne demandoit qu'à les quitter par un caprice nouveau. La volupté lui offroit des plaifirs plus féduifans que la gloire, fes Maîtreffes l'enchaînoient dans fon Ifle. Le Duc de Longueville profita de ces difpofitions; il parla de paix, on l'écouta favorablement; Henri VIII. avoit une fœur dont la beauté faifoit l'ornement de la Cour d'Angleterre & l'embarras du Roi fon frère. Il la voyoit ardemment recherchée par tous les Seigneurs Anglois dignes d'afpirer à fa main, mais il ne vouloit point la marier dans le Royaume, de peur d'exciterun jour des guerres civiles, fuite alors trop ordinaire des mariages des Princeffes du Sang royal en Angleterre. La place étoit prife en Ecoffe par une fœur aînée. Ce n'étoit point alors l'ufage de marier les filles des Rois hors de l'ifle. & fur ce fondement Marie avoit été refufée à plusieurs Princes étrangers; mais l'ufage à cet égard pouvoit être réformé. Henri VIII. qui aimoit les Tom. I. C

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