chofes extraordinaires, fut flatté de l'honneur de placer pour la première fois (1) une Princeffe Angloise fur le Trône de France. On propofa donc de cimenter l'union des deux Peuples par le mariage de cette Princeffe avec Louis XII. Ce projet pouvoit encore fouffrir quelque difficulté. Louis XII. avoit réfolu de pleurer toujours Anne de Bretagne & de ne la remplacer jamais il avoit 52. (1) Marie d'Angleterre eft le feul exemple d'une Princeffe Angloife devenue Reine de France fous la troitiéme Race. Bathilde, qui fous la première, avoit époufé Clovis II. & en avoit eu trois fils, étoit Angloife, c'eft tout ce qu'on en fait. On avoit vu fut la fin de la feconde, Ogine, fille d'Edouard I. regner avec Charles le Simple. C'eft cette Ogine, qui, pendant la détention de fon mari au Château de Peronne, fe retira en Angleterre auprès d'Aideftan fon frère & y emmena fon fils Louis, qui en eut le furnom de d'Outremer, lorsqu'il revint regner fur les François. Marie eut avec Ogine une conformiré fingulière. Toutes deux avoient été d'abord mariées par ráifon d'Etat ; toutes deux devenues maîtreffes de leur fort, fe remarièrent par inclination. Ogine époufa Herbert Comte de Troyes; Marie épousa le Duc de Suffolk. Au refte, comme nos Rois ne defcendent ni de Bathilde ni d'Ogine, & comme Marie n'eut point d'enfans de Louis XII. on peut dire que la Maifon de France n'a pas une goutte de fang Anglois directement reçue. ans, fon tempérament étoit affoibli, & les infirmités, fruit des erreurs de fa jeuneffe, l'accabloient avant le tems. Ses Médecins, foit à l'inftigation de la Comteffe d'Angoulême, foit par le devoir de leur charge, s'étoient déclaré contre un nouveau mariage; mais il étoit bien difficile de refuser une paix néceffaire lorfqu'il n'en coûtoit que d'époufer une femme aimable. Louis même redevint fenfible à l'efpoir de donner un héritier au Trône; le Duc de Valois qui, comme dit Mézeray, avoit déja le pied sur les marches du Trône, vit fes espérances s'affoiblir, & Abr. Chro la Comteffe d'Angoulême put alors nolog. regretter Anne de Bretagne: le Roi fe refroidit infenfiblement pour fon gendre, il se repentit de l'avoir mis en poffeffion du Duché de Bretagne, le premier Préfident Duprat, auteur de ce confeil, fut difgracié. François l'en dédommagea bien dans la fuite. Marie d'Angleterre partit pour la France, & fon amant fut chargé Fleurang. de la mener à fon mari. Cet amant étoit Charles Brandon Duc de Suffolk, heureux favori de Henri VIII. & de Marie. Il étoit fils de la nourMém. de rice du Roi d'Angleterre; ce premier titre avoit commencé fa fortune; fa figure & fon adreffe dans toute forte d'exercices avoient fait le refte. Les femmes l'avoient protégés; fon Maître l'avoit goûté; les faveurs de la Cour répandues fur lui, avoient fait oublier l'obfcurité de fon origine. Henri VIII. lui avoit donné le titre de Duc (1) de Suffolk, en haine du véritable Duc de Suffolk, alors réfugié en France, & dont on aura occafion de parler dans la fuite. Brandon avoit ofé porter fes vœux jufqu'à la Princeffe, & fa témérité n'avoit point été malheureufe; le Roi en avoit ri, fa fœur l'avoit foufferte; on avoit même trouvé bon qu'il accompagnât la nouvelle Reine en (1) Les Due, les Comtes, &c. en Angleterre ne font que titulaires, & ne poflèdent rien en vertu de ces titres. France. Sa conduite y fut fi difcrette, La Reine arrive en France, elle y eft reçue comme un ange de paix, comme une confolatrice néceffaire d'un Roi dont la douleur affligeoit tout le Royaume. Ce Duc de Valois qu'elle alloit peut-être éloigner du Trône, s'avance jufqu'à Boulogne pour la recevoir avec les autres Princes du Sang & l'élite de la Nobleffse: elle eft conduite en triomphe jufqu'à Abbeville, où le Roi la reçut luimême & l'épousa. Les fêtes les plus fuperbes embellirent la cérémonie de ce mariage. On peut en voir la defcription dans les Mémoires du Maréchal de Fleuranges. Mém. de liv. 1. Le Duc de Valois avoit porté à Boulogne un cœur aigri contre le Du Bellay, Duc de Longueville, il lui pardonna quand il eut vu la Reine; ce cœur vif & fenfible ne manqua pas de s'enflammer pour elle, tandis qu'aux pieds de cette enchantereffe, Bran don oublioit fa naiffance, & Louis XII. fonâge, François oublioit plus, il oublia fon ambition. Il fe la rappella pourtant, ou on l'en fit reffouVarillas venir.Grignau, ou Duprat, ou Boify Brancôme. Mezerai. l'avertit, dit on, de ne fe point donner un Maître. Il femble que chaque Hiftorien revendique pour celui qu'il favorife,l'honneur de ce confeil fage fans doute, mais qui fe préfentoit fi naturellement à tous les efprits & que François s'étoit furement donné plus d'une fois à lui-même. Il étoit aifé de voir qu'indépendamment des motifs communs à toutes les femmes, l'intérêt le plus preffant de la Reine étoit d'avoir un fils qui lui confervât fon rang en France, & qui la difpenfat de retourner en Angleterre fous l'autorité fàcheufe d'un Mémoire du frère. Les Médecins avoient affuré Fleuranges. le Duc de Valois que le Roi ne devoit plus avoir d'enfans: il falloit pourvoir au reste. Eclairé par l'amour & par l'intérêt, François s'ap perçut bientôt que l'Ambaffadeur d'Angleterre, comme dit Fleuran Maréchal de |