de Cannes, quels morceaux ! Tacite fait, s'il fe peut, des. impreffions encore plus profondes. Quel tableau révoltant de tyrannie & d'esclavage fous Tibère! Quel intérêt auguste & tendre l'Auteur répand fur Germanicus! Quelle indignation il excite contre Pifon & Plancine! Quelle fermentation lorf que les Vaiffeaux qui ramenoient en Italie la veuve & les cendres de Germanicus, rencontrent les Vaiffeaux de Pifon! Quelle trifte & confolante affluence d'amis éperdus fur le rivage d'Italie où aborde Agrippine! Quel éloquent filence quelle douleur profonde & muette à l'aspect de la veuve, des enfans & de l'urne de Ger manicus! Que peut vous importer Mef faline après avoir épuisé toutes les horreurs du vice & toutes les fureurs du crime? Eh bien ! le pinceau magique de Tacité va vous forcer de la plaindre.Ce n'eft plus cette Impératrice tou te - puiffante, terrible & crimi nelle, l'orage s'eft élevé du côté d'Oftie, c'eft une infortunée, fans appui, fans défenfe, que l'infléxible Narciffe repouffe loin du char de l'Empereur, elle lui préfente en vain ses enfans, en criant: Ne condamnez point fans l'entendre la mère de Britannicus & d'Octavie! Sa voix eft étouffée par les cris barbares de Narciffe, qui commande à l'Empereur le meurtre & la ven. geance; cependant l'imbécille Claude s'attendrit & le Le&teur avec lui, Claude veut entendre fa femme, il va lui pardonner, Narciffe la fait égorger au nom de Claude même; on la trouve dans les jardins de Lucullus, renversée par terre, abîmée dans le défespoir & dans la terreur, mourante fur le fein de fa mère, qui long-temps éloignée d'elle par l'éclat de fa fortune mais ramenée auprès d'elle par fon malheur, la confoloit, l'encourageoit, pleuroit avec elle. Le Tribun préfente le fer à Meffaline, elle veut fe percer, mais fon ame affoiblie par le long ufage des voluptés, eft incapable de ce dernier trait de courage, elle pleure, elle héfite, le Tribun aide fa main tremblante, elle expire dans les bras de fa mère. Quand ce tableau tracé par Tacite eft fous vos yeux, vous avez oublié tous les crimes de cette femme, vous ne voyez que fes malheurs. La mort d'Agrippine, mère de Néron, feroit, d'après le même Tacite, un beau fujet de Tragédie, s'il n'étoit trop horrible. Racine n'a ofé le mon trer qu'en paffant & dans le lointain. Je prévois que tes coups iront jusqu'à ta mère. Je ne fais s'il y a dans aucune Tragédie un trait comparable à ce cri terrible & déchirant d'Agrippine au Centurion qui alloit la percer. V'entrem feri. Qui ne fait par cœur les harangues de Caton & de Céfar, celle de Micipfa, les portraits de Catilina, de Sempronia, de Jugurtha dans Sallufte? Avec quel éclat varié Quinte-Curce peint tous les évènemens! Quel intérêt dans le récit de la mort de Darius, de celle de Clitus, de celle de Philotas! Quel fracas dans les batailles d'Iffus & d'Arbelles! Quel agrément dans l'Épisode d'Abdolonyme ! &c. Ce feroit un objet curieux de recherches que d'éxaminer dans les faits célèbres & bien peints, les circonftances dont le talent de l'Hiftorien a su tirer parti, fans altérer la vérité, & dans les faits fecs, nuds, par conféquent obfcurs, les circonftances qu'ils renferment, & que le talent pourroit développer; par-là on calculeroit, en quelque forte, l'influence qu'a pû avoir fur la réputation des évè nemens & des hommes ce ta |