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Amour.

A PEINE un léger duvet commence à couvrir les joues délicates de l'adolefqu'un nouveau fentiment germe

cent,

dans fon cœur, & femble lui donner une existence nouvelle. Le fang coule dans fes veines avec plus de chaleur, & porte dans toutes fes fibres le frémissement d'un defir inconnu. La nature entiere change de face à fes yeux, ou plutôt la nature entiere n'eft que l'objet inconnu qu'il recherche; il fe plaît dans la folitude, parcequ'il peut s'y livrer tout entier au fentiment incertain, mais profond qui l'occupe. Il aime à fe plonger dans de douces rêveries; mais les rêveries font des fenfations & non pas des penfées. La mélancolie s'empare de fon ame; heureuse trifteffe qui reffemble au plaifir! Tout l'appelle à l'amour, tout nourrit le feu divin qu'il recele.

Une jeune fille s'offre à fa vue. Il tremble, il frémit, fes genoux le foutiennent à peine: il eft dans un état cruel, & cependant il éprouve un fentiment déli

cieux. Il reconnaît l'objet qu'il defirait, fans favoir d'abord qu'il eût des defirs. Il baifle les yeux; il les leve un inftant, il les baiffe encore, il n'ofe regarder celle qu'il voudrait dévorer de ses regards. Il l'aime, il l'adore, & craint que de l'aimer ce ne foit lui faire une injure.

Il faut du temps avant qu'il ofe parler; il en faudra bien davantage avant de dire qu'il aime. Mais que fes complaifances, fes foins, fon accent devenu plus doux, plus touchant, fon œil humide & enflammé favent bien le dire, au défaut de fa voix ! Il voudrait fe confondre avec l'objet de fes vœux, & cependant il craint de l'approcher de trop près. Il s'enhardit enfin on fait qu'il aime, il fait qu'il est aimé.

Ce plaifir fidélicat, le plus vif qu'il puiffe jamais éprouver, n'eft que le prélude d'un bonheur plus calme & plus durable. Les deux amants fe donnent mutuellement leur foi, & leur union reçoit le fceau d'un contrat authentique, par les formali és d'ufage dans l'état auquel ils font attachés.

Polygamie.

En même temps que l'Etat demande aux hommes de nouveaux citoyens, il exige l'union du pere & de la mere.

Remontons encore au berceau de l'état focial, à ces temps qui ont précédé la naiffance des richeffes & du luxe. Nous verrons l'enfant exiger long-temps de fa mere des foins pénibles & affidus: alors là chaffe, la pêche, les travaux du pere la nourriffaient. Quand l'enfant mâle avait acquis affez de force, il fallait que le pere le façonnât à partager fes travaux, fon époufe allaitait le dernier fruit de leur union. La mere inftruifait fes filles aux ouvrages de fon fexe : elles faifaient enfemble les vêtements elles la nourriture de la famille. préparaient la nourri Tel eft encore. peu près l'état des familles pauvres, ou médiocres, c'est àdire, de la plus grande partie de l'humanité,

tandis que

Dans toute fi.uation, le mariagé eft

toujours une des premieres fuites de l'état focial, parceque les deux époux doivent concourir à l'éducation de leurs enfants. C'est par un abus funefte qu'ils renoncent fouvent à leur accorder ce

bienfait. Si l'on peut excufer les parents, c'eft lorfqu'ils font eux-mêmes fi peu eftimables, que le premier venu eft plus digne qu'eux d'élever leurs enfants..

La nature fait naître à-peu-près la même quantité d'individus des deux fexes. Si le mariage du pere & de la mere n'était pas néceffaire aux enfants il ferait avantageux que le nombre des mâles fût le moindre, puifque les meres perdent beaucoup de temps pour la propagation, pendant qu'elles font enceintes, & pendant qu'elles allaitent.

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On dit que dans les contrées de l'Orient, il naît plus de femmes que d'hommes.Si cette observation eft fauffe,la permiffion accordée aux Orientaux d'avoir plufieurs époufes, eft contraire à la na

ture.

Je foupçonne qu'on n'a pas confervé

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le véritable efprit de cette loi, dont l'origine se perd dans l'obscurité des temps, L'homme peut encore devenir pere à l'âge où les femmes ont perdu la fécondité; mais elles continuaient de refter dans la maifon avec le titre d'épouses, & leurs époux avaient alors la permiffion de prendre d'autres femmes pour ne pas rester, à la fleur de l'âge, inutiles à la population. On trouve fouvent chez les fauvages l'origine des coutumes des peuples policés, & l'on voit fur les bord de l'Amazone, & à l'Orient du vafte empire de Ruffie, des hommes bruts encore faire fuccéder de jeunes époufes à des époufes infécondes qui deviennent les fervantes de leurs heureuses rivales. Au refte, les Levantines ne font en général que peu de fois meres: il faut à leurs époux plufieurs femmes, pour être peres autant de fois le font commu

que

nément les Européens.

On peut trouver auffi l'origine de la polygamie dans l'abus que l'homme de la nature a fait de fes forces pour fub ju

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