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L'Homme en fociété.

Nous venons de voir les hommes se raffembler en fociété. Dans les premiers temps de leur union, l'efpece fe fera multipliée promptement; car les befoins factices n'ayant pas fait connaître encore une mifere idéale, les enfants n'auront pas été de long-temps une charge pour leurs peres.

Dès que l'efpece eft nombreufe, il faut qu'elle fe réuniffe pour lutter contre la nature, qui femble tendre toujours à faire fouffrir l'homme, ou à le détruire l'homme victorieux la force à lui fournir fa fubfiftance & les commodités dont il jouit.

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La fociété eft devenue presque partout indifpenfable. Les hommes, fe preffant en quelque forte les uns contre les autres, ne peuvent plus fubfifter que par leurs foins réciproques, & ils efpéreraient en vain tirer leur fubfiftance d'une terre qu'ils n'auraient pas cultivée, ou

de la chair des animaux qu'ils n'auraient pas nourris.

Dans la fociété, l'homme ne reffemble plus au fauvage ifolé. L'homme focial perd de fa force, & acquiert de la fenfibilité. Son adreffe s'étend fur un plus grand nombre d'objets, en même tems qu'elle diminue à quelques égards. Il faura fe conftruire un afyle, & ne faura plus en trouver un au fommet d'un arbre élevé. En étendant fes connaiffances, il contracte de nouveaux goûts; en perdant de fa force, il apprend à connaître de nouveaux befoins. Moins exercé, il ne fera plus affez léger pour fuir le lion, le tigre, qui l'attaquent; mais il les domtera avec les armes qu'il a fu fabriquer. Devenu prévoyant, il craindra les dangers auxquels il ne pourrait réfifter feul; il ne s'y expofera qu'avec fes compagnons. Ils lui prêteront auffi du fecours dans les travaux que lui feul ne pourrait exécuter. Mais s'ils ne lui refufent pas leur aide, c'eft qu'ils peuvent attendre la fienne dans l'occafion': ils donnent pour recevoir, &

ne doivent pas être trompés dans leur attente. Ainfi point de fociété fans un commerce quelconque, & qui même ne foit fondée fur ce commerce.

De nouveaux arts s'inventent. Quelques individus en jouiffent d'abord; bientôt ils deviennent néceffaires à tous; mais tous ne peuvent exercer chacun de ces talents divers. Ainfi s'accroît le commerce, & fe multiplient les anneaux de la chaîne fociale. L'un fournit à l'autre fon induftrie, & reçoit en échange ce que, par luimême, il ne pourrait fe procurer. Qu'un homme alors foit rejetté de l'union commune, il trouvera bientôt la mort dans fa faibleffe & dans la privation des befoins qu'il a contractés.

Des devoirs du Citoyen en général.

SOUS us quelque forme que foit raffemblée la fociété, nous lui donnerons le nom de république, parceque c'eft l'intérêt général, le bien de la chose publique, qui eft le fondement véritable de tout gouvernement. Si ce bien n'est pas toujours confulté, s'il eft même quelquefois cruellement contrarié, c'eft l'abus du gouvernement, ce n'en eft pas la nature. Quand les hommes font convenus entre eux de fe laiffer gouverner, ils ont eu deffein d'affurer leur bonheur, & non de fe livrer en jouet aux caprices du pouvoir.

Tout homme vivant fous un gouvernement, doit être appellé citoyen, parcequ'il participe aux avantages de la cité, c'est-à-dire du corps focial, & qu'il doit contribuer pour fa part à ces mêmes avantages dont il profite.

En effet, l'homme en fociété n'eft plus rien par lui-même; feul au milieu

de tous, il eft environné des témoignages de fa propre faibleffe. Fort comme citoyen, parceque tous ceux qui l'entourent lui fervent d'appui; comme homme, il ne peut fe foutenir

par fa propre puiffance. Il n'a même la faculté de vivre qu'autant que les compagnons de fon fort ne fe livrent pas fans réferve à l'injuftice, à la cupidité. Expofé à mille befoins, qu'il n'a pas lui-même la faculté de fatisfaire, obligé d'implorer ou de payer des fecours pour les contenter, menacé de périls qu'il ne faurait parer, & dont la fociété le garantit; il doit fon bien-être, fa force, fes poffeffions, & jufqu'à fon existence, au corps politique, auquel il eft affocié.

Les maux de la fociété deviennent communs au citoyen. Nulle partie de l'édifice ne peut s'écrouler qu'il ne rifque d'être écrafé fous fa ruine; l'injustice qu'il commet le menace d'une injustice, à fupporter; s'il fe livre au crime, d'autres pourront devenir également criminels : & qui peut l'affurer de n'être pas

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