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Devoirs des Epoux.

UNE feule loi peut énoncer tous les devoirs des époux; la voici : Soyez heyreux l'un par l'autre.

Comment l'un jouira-t-il du bonheur, fi l'autre fe laiffe emporter à tous fes mouvements de colere; s'il cede à tous fes vains caprices; s'il fe livre à l'efprit de domination, fi naturel & si désagréable; s'il ne fait facrifier des desirs qu'il ne pourrait fatisfaire fans affliger le compagnon de fa vie; fi, toujours, occupé de lui-même, ou plutôt s'oubliant toujours, il n'a jamais en vue la perfonne à laquelle il doit complaire? Le bonheur pourrait-il être le partage de celui qui ferait le malheur de l'autre? Figurez-vous un homme enchaîné pour toujours à la fuite d'un infortuné : fes yeux ne voient que l'expreffion d'une longue douleur, des joues fillonnées par les larmes, un œil éteint par l'habitude

d'en

d'en répandre, les couleurs livides de la morne trifteffe répandues fur un vifage flétti, l'agréable embonpoint miné par le chagrin deftructeur : fon oreille n'est frappée que de plaintes ameres, de cris lamentables. Il veut fuir cet odieux fpectacle, qui fans ceffe fe reproduit. Il cherche hors de chez lui, hors de lui-même, le bonheur dont il eft indigne, & qui se refufe à fa pourfuite; ou, s'il perd dans la diffipation du monde & des affaires l'afpect de la victime qu'il a frappée, un temps vient où l'on eft incapable d'une vie occupée, où la fociété fuit avec l'âge du plaifir: c'eft alors que la folitude eft affreufe; c'eft alors qu'on recueille les épines du malheur qu'on a femées dans le jeune âge.

Il n'eft point de bonheur dans la vie, qui ne foit mélangé de quelque amertume; il n'eft point dans l'union conjugale de félicité qui ne foit traversée par quelques douleurs mais fouvent elles font prolongées par la faute de celle de deux parties qui les fupporte.

G

le

L'époux infidele eft coupable: mais combien ne manquent à leur ferment qu'entraînés par une occafion vive, féduits par un enchantement paffager, fafcinés en quelque forte pár manege d'une femme hardie, ou piqués par l'attrait d'un goût momentané. Leurs efprits s'abandonnent aux charmes d'une volupté nouvelle; mais leurs cœurs n'ont point abjuré leurs premiers engagements; &, dans les bras d'une maîtreffe qui les enivre de plaifir, ils n'accordent qu'à leurs dignes épouses le fentiment précieux de l'amitié.

Cet inftant eft critique. Obferve-toi, femme prudente, dévore tes pleurs, diffimule tes chagrins, & qu'une aimable douceur rappelle près de toi l'époux vodage. Les nouveaux droits que tu auras acquis fur fon eftime ajouteront encore des nœuds plus forts aux liens qui l'atta

chent à toi.

Mais la plupart des femmes fe livrent, fans réserve, à l'impétuofité des fentiments jaloux qu'elles éprouvent. Leurs

bouches ne s'ouvrent plus que pour les plaintes les plus ameres, les plus durs reproches. Elles auraient pu du moins, en attendant un retour plus tendre, refter les amies de leurs époux : mais elles emploient tout leur art à fe fermer un cœur dont les chemins leur étaient encore ouverts. Elles étaient offenfées, mais chéries, & elles fe rendent odieuses. Achar nées à faire le tourment de leurs infidelés, elles deviennent pour eux des furies implacables, & finiffent par leur en infpirer toute l'horreur.

D'autres qui auraient pu ramener l'époux volage par leur vertu, fe rendent méprifables fans exiger moins d'amour, &ofent refter jalouses en devenant indignes d'être aimées.

Quelques-unes fe piquent de méprifer l'affront dont leur cœur gémit en fecret, glacent l'inconstant par la froideur qu'elles affectent, s'étudient à jouer l'indifférence, & parviennent à la faire naître dans l'ame d'un époux qui était loin encore de l'éprouver,

Dans le mariage, il faut donner tous fes foins à adoucir fon caractere, fe mettre fans ceffe à la place de la perfonne dont on doit faire le bonheur, lui épargner ces défagréments, légers peut-être en eux-mêmes, mais qui, renouvellés fans ceffe, fuffisent pour empoifonner la vie : car de faibles maux multipliés, font plus infupportables qu'un grand malheur qui paffe, & s'oublie.

Loin des époux ces emportements de colere, qui aviliffent l'homme plus qu'aucune autre passion. Quelle trifte union que celle de ces couples violents & grondeurs, qui croient s'aimer & qui fe querellent fans ceffe, qui ne fe parlent que pour fe contredire, dont les accents ne font que des cris, & qui femblent prêts à fe déchirer au moment même où ils viennent de s'embraffer!

D'autres, médiocrement acceffibles à ces tranfports violents, ont une froide féchereffe, une douceur âcre, une tranquille affectation de fupériorité, qui, bien plus encore que les vivacités paffa

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