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Devoirs des Enfant.

Je viens de dire aux peres : Méritez la tendreffe de vos enfants, car l'amour ne fe commande pas. Je dis à préfent aux enfants: Il ne fe commande pas, il eft vrai; mais dans les cœurs honnêtes & fenfibles, il naît toujours à la fuite des bienfaits. Le bienfait est le tribut de l'amour, & l'amour eft fa récompense.

Nous regardons comme nos bienfaiteurs ceux qui nous rendent agréables quelques inftants de la vie. Mais ceux qui nous ont donné la vie même, qui ont foutenu la faibleffe de notre premiere existence, qui ont fouffert tant de peines pour nous épargner les moindres maux, n'ont-ils pas répandu fur nous le plus grand de tous les bienfaits, n'ont-ils pas les plus juftes droits à notre premiere reconnaifance? C'est par eux que nous connaiffons le plaifir de vivre & d'aimer: n'ont-ils bien mérité notre premier

amour?

pas

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Mais ne m'écoutez pas. Ecoutez l'un des hommes les plus fages de l'antiquité, l'un des plus vertueux peres.

Xantippe, par fon humeur chagrine & querelleufe, mettait à de continuelles épreuves la patience de Socrate fon époux. Elle n'avait pas moins de dureté pour fes enfants. Elle les aimait avec tendreffe mais les gens de fon caractere femblent aimer comme les autres haïffent. Elle n'ouvrait la bouche, que pour leur faire entendre des plaintes, des reproches, des cris, & ne leur épargnait aucune de ces expreffions choquantes, que le défaut de fon éducation lui avait rendu familieres. Des traitements fi durs & fi souvent répétés rebuterent Lamproclès, l'aîné de fes fils, & le dépit du jeune homme reffemblait au reffentiment. Socrate ne tarda pas à reconnaître les coupables difpofitions que fon fils ne cherchait pas même à cacher..

Répondez-moi, lui dit-il un jour. «Savez-vous quels font les hommes

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qu'on appelle ingrats? Je le fais, répondit Lamproclès. On donne ce titre odieux à ceux qui peuvent marquer « leur reconnaiffance des bienfaits qu'ils " ont reçus & qui ne daignent pas la témoigner. Mais ne croyez-vous pas qu'on puiffe ranger les ingrats parmi « les hommes injustes? — Je le crois : "car c'est une injuftice de ne pas correfpondre, quand on le peut, aux « bienfaits d'un ami & même d'un en« nemi.

&

-Mais fi l'ingrat a reçu des bienfaits inestimables, fon injuftice n'eft- elle "pas encore plus criante ? Je ne puis "le nier.-Eh! reprit Socrate, les bien" faits que les enfants ont reçus de leurs "peres ne font - ils donc pas les plus précieux de tous? Ils n'étaient c'eft à leurs parents qu'ils doivent « l'être : c'est à eux qu'ils doivent le fpectacle des merveilles de la nature : «c'eft par eux qu'ils participent à tous « les biens que les Dieux prodiguent "aux mortels; & ces biens font à nos

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pas;

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« yeux d'un fi grand prix que notre plus grande crainte eft de les perdre. Auffi « les fociétés humaines ont-elles décerné la peine de mort contre les crimes les plus atroces, parcequ'elles n'ont pas «vu d'autres peines capables d'infpirer » autant d'effroi.

"L'époux nourrit fon époufe qui doit « contribuer à le rendre pere : il amasse pour fes enfants, même avant leur

"

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naiffance, ce qui fera néceffaire à fou« tenir leur vie ; il s'impofe des priva«tions habituelles pour faire en leur « faveur le plus d'épargnes qu'il lui eft poffible: mais la mere fait encore bien. plus pour eux. Elle porte long-temps " avec peine le lourd fardeau qui la met " en danger de fa vie; elle nourrit de fa " propre. fubftance l'enfant qui eft en"core dans fon fein. Elle le met au " jour enfin avec de cruelles douleurs; « elle l'alaite, elle lui prodigue tous fes ~ foins fans qu'aucun bienfait reçu puiffe déja l'attacher à lui. Loin de

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" connaître celle dont il reçoit tant de

« bien, il ne peut même faire connaître fes propres befoins. Mais elle cherche « à deviner ce qui convient à ce faible

«

"

que

objet de fa tendreffe : elle fe fait une « étude de trouver ce qui peut lui plaire " & ne ceffe de fe tourmenter nuit & jour, fans prévoir quelle reconnaif«fance elle obtiendra de tant de peines. » Dès les enfants peuvent recevoir quelque inftruction, leurs parents s'empreffent de leur enfeigner ce qu'ils « favent & ce qui pourra leur être utile un jour. Connaiffent-ils quelqu'un plus capable qu'eux-mêmes de les inf«truire? ils envoient leurs enfants re«cevoir fes leçons, & ne plaignent au«cune dépenfe pour leur donner la * meilleure éducation qu'ils puiffent leur

« procurer.

Mais, reprit le jeune homme, ma "mere eft d'un caractere fi difficile qu'on » ne peut fupporter fon humeur : elle dit, « en vérité, des chofes fi dures qu'on «ne fe réfoudrait pas à les entendre au prix de la vie.

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