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Et, répondit Socrate, combien, «depuis ta premiere enfance, ne lui as« tu pas caufé de défagréments bien «plus infuportables! Combien par tes "cris, par tes actions, par tes difcours, « ne l'as-tu pas tourmentée jour & nuit! «Elle a fupporté tout cela. Ne parlons " que de tes maladies: fais-tu combien de chagrins elles lui ont caufés?

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« Mais du moins ne lui ai-je rien dit, "ne lui ai-je rien fait dont elle ait dû

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rougir.

-Oh! j'entends: ta mere t'a dit des paroles défagréables. Voilà donc ce qui te fait tant de peine? Vois commė "les comédiens s'écoutent réciproque "ment de fang froid lorfque, dans les " rôles tragiques, ils s'accablent mutuellement des plus cruelles injures.» Pourquoi montrent-ils tant de patience? «C'eft qu'ils ne penfent pas que leurs " camarades, en les outrageant, aient "deffein de les infulter, ni que, malgré « leurs menaces, ils aient aucun projet de leur faire du mal. Et ne fais-tu pas

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« bien auffi que ta mere, quoi qu'elle puiffe te dire, eft bien loin de te vou"loir du mal? Ne fais-tu pas qu'elle ne « veut à perfonne autant de bien qu'à "toi? Et tu te trouves offenfé! Penfestu donc que ta mere foitton ennemie ? » Je fuis loin de le croire, répondit Lamproclès. Eh bien! s'écria Socrate, « tu as donc une tendre mere qui, dans « tes maladies, prend de toi des foins affidus, qui ne cherche qu'à te rendre «la fanté, qui tremble que tu ne man«ques de quelque chofe, qui implore " pour toi les bienfaits du ciel dans les prieres qu'elle adreffe chaque jour aux Dieux; & tu la traites de cruelle mere!

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» Mais fi tu ne peux fupporter fon << humeur, feras - tu même capable de « vivre dans le monde? Parle, ignores«tu que nos devoirs nous foumettent "toujours à quelqu'un? Efperes-tu donc « n'être jamais obligé de plaire à percr fonne, de condefcendre aux fentiments de perfonne, d'obéir à per«fonne, pas même à un général, pas

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"même à un magiftrat? -Je fuis loin d'avoir cette idée.-Ne faudra-t-il pas « auffi que tu te rendes agréable à ton voifin, fi tu veux qu'il te permette au ❝ befoin de prendre du feu à son foyer, «qu'il te rende de petits fervices dans «l'occafion, qu'il te donne volontiers de prompts fecours en cas d'accident? " -Je conviens de cela. Eft-il donc indifférent d'avoir pour ami ou pour ennemi fon compagnon de voyage, de navigation, d'entreprises? Ou ne penfes-tu pas plutôt qu'il faut travail"ler à mériter fa bienveillance? -- Je « le crois.

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Mais, mon fils, reprit Socrate, voilà « bien des gens pour qui tu te propofes d'avoir des égards, & tu n'en devras pas à une mere qui t'aime autant qu'on puiffe aimer! Crains, mon fils, que «<les hommes ne fe doutent de ton mé

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pris pour tes parents. Ils te regarde"raient avec horreur, t'abandonneraient « à toi-même & rejetteraient ton amitié. « Et comment, en voyant ton défaut de

«tendreffe pour les auteurs de tes jours, «ne croiraient-ils pas que tu ne fauras jamais payer les bienfaits que de la plus noire ingratitude?

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La leçon que donna Socrate à Lam proclès convient à tous les enfants qui feraient tentés de fe rendre ingrats. Elle renferme toutes leurs obligations: car, s'ils ont horreur de l'ingratitude, s'ils aiment leurs parents d'une tendreffe vrai ment filiale, ils n'auront qu'à confulter leur propre cœur ; il leur dictera tous les devoirs que cet amour exige & qu'il fait infpirer. Peut-on reffentir de l'amour, & ne pas complaire aux objets qu'on aime? Peut-on les aimer, & porter la douleur dans leur ame? Peut-on empoifonner la vie de ceux à qui l'on doit le jour ?

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Amitié,

L'AMITIÉ n'est pas précisément un de voir; car il faut qu'un devoir puiffe se commander, & ne feroit-il pas ridicule d'ordonner à un homme d'aimer & d'être aimé ?

Mais files fecours mutuels font le prix de l'état focial, quels éloges ne mérite pas l'amitié, elle qui offre une union en core plus refferrée que celle qui lie entre eux les membres de la fociété civile ; elle qui rend plus fenfible encore le commerce de foins réciproques, de confeils & de confolations, & qui multiplie les liens qui nous attachent à la patrie, en nous uniffant intimement à des concitoyens dont notre cœur ne peut fe féparer ! » Eft-il quelque bien, difait Socrate, qu'on puiffe comparer à un ami? Dans « le bonheur, il ajoute à votre joie; dans les revers, il releve votre ame prête à a fuccomber. Les fervices que vous tirez de vos pieds, de vos mains, de vos

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