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fon auteur, a fenti l'utilité de la vertu eft convenu de l'observer, qu'elle en eft plus refpectable? Que ferait-elle, en quoi pourrait-elle confifter, fi elle était abfolue & fans aucune relation aux avantages des hommes? Celui même qui l'outrage, en profite. Aurait-on donc accordé ce beau nom à des actes ftériles? Ayons horreur du malheureux qui méprife la yertu, parcequ'elle n'eft qu'utile.

Pour nous affurer que c'eft l'utilité qui en fait la bafe, adoptons un moment la fiction des Champs Elysées.Transportons-nous dans ce féjour de félicité, célébré par les anciens poëtes. De quelle vertu la pratique refte-t-elle aux ames heureufes qui font cenfées l'habiter? Du courage? Elles n'ont point de maux à fupporter, de périls à craindre. De la justice? Nul n'y convoite le bien d'autrui. De la tempérance? On n'y connaît point les defirs. De la prudence, il ne refte plus à choisir entre le bien & le mal. De la bienfaisance? Eh! perfonne n'a de befoins. Il ne leur refte donc l'exercice

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d'aucune vertu, parcequ'il ne leur refte plus rien d'utile à faire ( 1 ). Quand les chefs des gouvernements & tous les citoyens rempliront leurs devoirs ; quand ils feront juftes, humains, bienfaifants; quand ils auront toujours devant les yeux l'utilité générale; les hommes jouiront de la plus grande portion de bonheur dont l'humanité foit capable.

(1) Fragm. Ciceronis.

Fondements de la fociété.

Je pourrais m'arrêter long-temps à peindre les avantages des fecours mutuels ; je ferais peut-être frémir les citoyens en leur offrant le tableau des malheurs qui les menacent s'ils ofent, en fe livrant au crime, brifer les nœuds de la fociété : deux fables, toutes deux inventées dans l'Orient, ennuieront moins, & diront bien plus que de longs difcours. L'AVEUGLE ET LE PARALYTIQUE. Fable Chinoife.

Un village fut faccagé pendant la nuit par des brigands. Les habitants furent maffacrés, deux échapperent feuls à la rage des affaffins. L'un était aveugle & l'autre paralytique : l'un ne pouvant mar. cher, ni l'autre voir fon chemin, chacun d'eux aurait péri s'il avait été abandonné à lui-même. Mais l'aveugle chargea le paralytique fur fes épaules, le paralytique indiqua le chemin à l'aveugle, tous deux gagnerent

gagnerent un afyle & dûrent la vie au fecours qu'ils s'étaient mutuellement

prêté.

LE CRIM E.

Fable de Saadi (1).

Trois habitants de Balck voyageaient enfemble; ils rencontrerent un tréfor & ils le partagerent. Ils continuerent leur route en s'entretenant de l'ufage qu'ils feraient de leurs richeffes. Les vivres qu'ils avaient portés étaient confommés : ils convinrent qu'un d'eux irait en acheter à la ville, & que le plus jeune fe chargerait de cette commiffion; il partit.

Il se disait en chemin : me voilà riche; mais je le ferais bien davantage fi j'avais été seul quand le tréfor s'eft présenté....... Ces deux hommes m'ont enlevé mes richeffes... Ne pourrais-je pas les repren dre?.. Cela me ferait facile. Je n'aurais

(1) Le style de cette fable eft de M. de Saint Lambert.

B

qu'à empoifonner les vivres que je vais acheter; à mon retour, je dirais que j'ai dîné à la ville: mes compagnons mangeraient fans défiance & ils mourraient. Je n'ai que le tiers du tréfor, & j'aurais

le tout.

Cependant les deux autres voyageurs fe difaient : Nous avions bien affaire que ce jeune homme vînt s'affocier à nous: nous avons été obligés de partager le tréfor avec lui; fa part aurait augmenté les nôtres, & nous ferions véritablement riches....Il va revenir, nous avons de bons poignards......

Le jeune homme revint avec des vivres empoisonnés ; fes compagnons l'affaffinerent. Ils mangerent, ils moururent, & le tréfor n'appartint à perfonne,

De ces deux fables bien méditées, peuvent se déduire tous les principes de la Morale.

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