Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de fes richeffes, celle de la voir diminuer, celle d'être découvert & de la

perdre.

Comment, avec un tel amour pour

les richeffes, fe refufera-t-on aux moyens

injuftes & bas d'en acquérir?

[ocr errors]

Du moins l'avarices rend toujours l'homme bien coupable, puifqu'elle l'empêche de faire aucun bien. C'est le vice d'une petite ame, qui ne produit que des actes ignobles, & ne s'allie qu'à de petites & froides paffions.

L'avare qui ne connaît point la honte n'eft pas tout-à-fait malheureux. Couvert de fales haillons, nourri des rebuts du pauvre, pénétré de toute la rigueur du froid, il est satisfait puisqu'il ne touche point à fon or. Il meurt content, car il n'a pas payé la vifite du médecin qui lui aurait fauvé la vie.

Mais rien n'eft plus miférable que l'avare honteux. Il fait de la dépenfe pour n'être pas ridicule : mais c'eft fon propre fang qu'il fait couler à grands flots, ce font fes entrailles qu'il arrache, fes

chairs qu'il déchire, quand il se détaché de fon or; & il eft obligé de s'en déta cher fans ceffe.

L'avare eft bien à plaindre. Sa famille Louhaite fa mort; les frippons lui dref fent continuellement des embûches; tous les hommes le fuient, le méprifent, & l'abandonnent au fupplice qu'il s'eft préparé lui-même.

Humanité.

UN fentiment de tendresse qui nous fait embraffer tous nos femblables, une douce bienveillance étendue fur toute Pefpece humaine, forme cette belle verta que l'on nomme humanité : vertu dont l'exercice n'a d'autres bornes que celles du monde, & qui nous rend précieux & chers tous les êtres intelligents & fenfi bles.

L'Etat peut avoir d'autres Etats pour ennemis : mais l'homme ne doit pas connaître d'homme qu'il haïffe. Un citoyen qui a prêté ferment fous les drapeaux de la république, peut, fans manquer l'humanité, donner la mort à quiconque porte les armes pour un Etat ennemi. Cette loi terrible, mais néceffaire, n'est qu'un développement de celle de la nature qui me permet de répandre le fang pour défendre ma vie. Membre de ma patrie, je ne puis refufer de défendre ce corps à qui j'appartiens, & qui ne péri

rait qu'en entraînant ma peite, Mais hors des combats légitimes, tous les hommes doivent être mutuellement facrés les uns

pour les autres, quelque diffention qui puiffe partager les puiffances.

La douce compaffion & l'intérêt mutuel n'avaient pas encore affez adouci chez les Romains les droits cruels de la guerre. Cependant ils étaient affez éclairés pour regarder comme des meurtriers ceux qui, fans avoir prêté le ferment militaire, fe mêlaient dans les armées & donnaient la mort aux ennemis de la république.

[ocr errors]

Le fils du vieux Caton, étant en Macédoine dans la guerre contre le roi Perfée, fut licencié par le conful. Son pere fui défendit de fe trouver à l'action parcequ'il avait perdu le droit de combattre. Effacé du rôle des foldats, il n'avait plus d'ennemis, & ne pouvait enfanglanter fon bras fans devenir un affaffin.

Si tous écoutaient la voix de l'humanité, les recueils des loix feraient bien courts, puifqu'il n'y aurait ni oppreffion,

ni injuftice, ni perfécutions, ni querelles, ni méfaits. La paix régnerait fur la terre, entre des puiffances éprises du bonheur des humains, parmi des hommes amis des autres hommes.

On ne verrait dans fes femblables que des freres, fous quelque puiffance qu'ils vécuffent, quels que fuffent les degrés de leurs lumieres, la perfection de leur police, leur maniere d'adorer leur auteur. On ne voit à préfent dans la plus grande partie de fes femblables, que des ennemis, des étrangers, des barbares & des impies.

Eh! quelle plus grande impiété que de mépriser, de haïr ceux que le créateur nous a donnés pour freres, d'abhorrer, de déchirer fes plus précieux ouvrages, de faire régner la haine & la défolation dans le féjour qu'il nous a marqué! Malheureux que nous fommes par les

maux attachés à notre nature, nous mettons tous nos foins à les aggraver! nous n'avons que quelques jours à paffer enfemble, & nous les employons à nous porter les plus rudes coups!

« AnteriorContinuar »