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Vous vous plaignez, triftes humains! hélas ! n'accufez que vous-mêmes. Vous forgez de vos propres mains, vous vous étudiez à rendre plus cruels les inftruments de vos fupplices.

Quand la fainte humanité fera révé rée fur la terre, on y verra le bonheur régner avec elle.

Luxe.

PARMI les inftruments de nos peines, le luxe tient un des premiers rangs, puifque c'eft de lui que découlent prefque tous ces maux factices, mais si sensibles, qui ne font pas caufés par la fouffrance phyfique de l'individu.

D'un autre côté, il adoucit les peines de la vie, en la femant de plaisirs, en nous procurant mille commodités habituelles qui affaibliffent le fentiment de

nos maux.

Il nuit à l'état; car il donne aux fujets tant de befoins, tant de desirs, qu'ils ne peuvent plus s'occuper que d'eux-mêmes, ne connaissent plus de patrie & souvent plus de probité.

Il fait fleurir l'état par les brillantes productions des beaux arts, par l'extenfion de l'industrie, par la vivacité du commerce. Supprimez le luxe, vous éteignez cette vie qui anime les grands em pires.

Il est contraire à la population, parcequ'il fait craindre le grand nombre d'enfants à ceux qu'ils empêcheraient de soutenir leur fafte. Il eft favorable à la population, parcequ'il fait travailler & vivre un grand nombre de citoyens.

On a beaucoup écrit fur les maux qu'il entraîne. Ces livres amufent le loifir de quelques lecteurs, qui en interrompent la lecture pour commander de nouveaux ornements à leur falon, ou pour donner audience au marchand qui vient déployer à leurs yeux les plus brillantes étoffes..

Pendant que l'ouvrage.nouveau fe dé bite, & que tout faste y eft terraffé, d'habiles architectes conftruisent des palais, de bons peintres en décorent l'intérieur, des brodeurs ajoutent une valeur nouvelle aux étoffes les plus précieuses, & les directeurs des fpectacles donnent un opéra nouveau, dont une feule repréfentation fera circuler plus d'argent que la pro duction philofophique, & contribuera par conféquent au bonheur d'un plus grand nombre de citoyens Mais, d'un ai

tre côté, s'il eft douteux que le livre moral faffe quelque bien, il ne l'eft guere que l'opéra fera du moins l'occafion de quelque mal.

On parle tous les jours du luxe, & rien n'eft plus difficile à définir, ni moins defini que le luxe. Il commence précisément au terme où finit, pour chaque citoyen, l'emploi raisonnable & jufte de fa fortune. Ce terme eft difficile à placer.

Un homme qui a un revenu confidérable, fait une dépense conforme à ce revenu, & fe procure bien des choses qui ne font pas de premiere utilité. Cet homme a-t-il du luxe? Mais, s'il renfermait les produits annuels de fa fortune pour en former un tréfor, alors il ferait mauvais citoyen, puisqu'il receleroit dans fes coffres des richeffes dont il n'a que l'ufufruit, & qui doivent être répandues dans la circulation. Chaque particulier a l'ufage libre de fes biens; mais fes biens font en même temps ceux de tous : ils le deviennent en effet, & fe difperfent fur un grand nombre de citoyens, en paffanţ

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du néceffaire

par un nombre infini de canaux. Le riche avare fait un vol continuel à la fociété. L'homme malaifé qui prive fa famille pour briller pår des objets de médiocre valeur, mais fuperflus, donne dans un luxe odieux : il eft criminel envers lui-même, à qui il prépare une foule de maux; il l'eft envers tous ceux qu'il fait fouffrir par un fol amour de ce qui eft un fafte pour lui.

Les villes riches fournillent d'habi tants qui n'ont d'autre bien que le produit de leur induftrie. C'eft chez eux une fureur de fe confondre avec les citoyens qui jouiflent d'une aifance folidement fondée; ils diffipent chaque jour tout le produit journalier de leurs talents, & vi> vent dans un faste disproportioné à leur condition, puifqu'il ne porte que fur des moyens cafuels & précaires : ils laiffent leurs enfants dans la mifere, & l'éprouvent eux-mêmes dans la vieilleffe. Leut imprudence eft condamnable : mais elle fuffit à leur punition par les inquiétudes

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