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nous ne pourrons plus aider fa mifere: tremblons de le rendre inutile à la fociété, fi, par une prodigalité indiferete, nous l'encourageons à l'oifiveté. Nul homme ne doit attendre que lui-même fa fubfiftance. Fournissons au malheureux à qui ils manquent, les moyens de fe la procurer: mais qu'il s'aide, quand nous l'aurons fecouru; & qu'il ne s'accoutume pas à croire que, dans un tranquille repos, il doit tout attendre de fes bienfaiteurs.

Celui-là eft un imprudent citoyen, qui ôte à un homme fon énergie, lui avilit l'ame, lui rend inutile l'exercice de fes facultés, & fait naître en lui les mœurs & l'efprit d'un gueux, qui pense que les autres lui doivent tout, & qu'il ne doit rien à la fociété,

Mais à qui parlé-je, quand je veux donner des bornes à la générofité? Mor tels, ô durs mortels, ces avis ne vous font néceffaires. Ecoutez plutôt la pas voix de l'humanité qui vous crie: Hom

mes, vous êtes menacés de tous les maux qui affligent les hommes: fecourez donc les malheureux.

Principe des Paffions. L'ÊTRE fuprême a voulu que les tem pêtes, foulevant les flots de la mer, agitaffent ce liquide immenfe, qui, fans elles, n'aurait formé qu'un vafte amas d'eaux croupiffantes, dont les exhalaifons funeftes porteraient la mort fur la terre: il a voula de même que la vie de l'homme fût agitée par les vents impétueux des paffions, & qu'il reçût d'eux un mouvement, dont il aurait manqué fans leur fecours.

Si je veux remonter à leur fource, je la trouve dans les premiers befoins de l'homme; la faim, l'amour & la néceffité de repouffer les attaques de la nature. On peut encore reconnaître un befoin qui fe fait fentir quand les autres font fatisfaits; celui du repos.

Tous ces befoins fe préfentent à T'homme fauvage fous la forme la plus fimple. Quand il ne fent ni l'aiguillon de la faim, ni celui de l'amour, & qué

d'ailleurs il eft fans crainte, il cherche

un abri, & fe repofe.

L'homme nouvellement réuni en fociété, n'eft guere plus recherché dans les moyens de fatisfaire fes befoins : mais quand une fois il a pris l'habitude d'avoir des poffeffions; quand il eft parvenu à fe former un langage; quand des progrès long-temps infenfibles ont enfin agrandi le cercle, d'abord très étroit, de fes idées tout change pour lui, & fes befoins ne fe bornent plus aux fimples defirs de la nature.

Ce n'eft

pas affez pour

lui de fe nour

rir; il veut trouver du plaifir à réparer les pertes qu'il fait fans ceffe de fa pro pre fubftance. Il n'avait d'abord que des fenfations; il commence à concevoir des goûts. Il met du choix dans fes affections, & la premiere femme qui pourrait lui faire éprouver les plaifirs de l'amour, n'eft pas toujours celle qu'il juge digne de les lui procurer. Le temps approche où il ne fe contentera pas d'un vêtement chaud pour fe garantir des rigueurs de

Thiver, ni d'un abri commode pour y prendre le repos: il a commencé par fatisfaire fes befoins; enfuite il a joui; bientôt il voudra jouir avec délices.

L'homme en fe formant un langage, acquiert de la mémoire, parceque les fignes dont nous revêtons nos idées nous aident à les retenir. Le fouvenir du paffé donne de la prévoyance pour un temps qui n'exifte pas encore. Ce n'eft pas affez de ne pas éprouver le befoin, il faut n'avoir pas à le craindre. La poffeffion actuelle ne tranquillife point, s'il refte des inquiétudes fur des privations futures. Il faut avoir beaucoup, pour ne pas craindre de manquer.

Il a dû remarquer qu'il pouvait tirer des fervices de fes femblables. Il conce vra l'envie de s'en affervir un grand nombre. Ceux qu'il ne pourra fe fou mettre, il voudra du moins fe les atta cher; & il s'appercevra que l'on s'attache volontiers, fans trop y réfléchir, ceux qui paraiffent pouvoir être utiles, lors même qu'on n'attend d'eux aucune Mw

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