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qui nous ont fait éprouver le fentiment

du plaifir.

Les foins, les égards, les complai fances font des actes d'une compaffion habituelle, qui ne nous permet pas de laiffer éprouver aucun fentiment incommode ou pénible aux perfonnes avec qui nous vivons en fociété.

Par la compaffion, nous plaignons les maux dont nous fommes témoins, & nous nous foulageons nous-mêmes en nous empreffant de les foulager.

Si la vivacité de l'imagination fe joint au fentiment habituel de la pitié, nous ne plaindrons pas feulement les maux dont le fpectacle bleffe nos regards; nous nous repréfenterons fortement & nous partagerons les peines de tous les êtres fouffrants. C'eft ainfi que nous contractons une forte de faibleffe vertueufe qui nous rend incapables de nous livrer au plaifir de la vengeance, de nous enrichir aux dépens des autres par des rapines, , par des extorfions, de travailler à nos intérêts en faifant du mal à nos

femblables: l'image de notre victime fouffrante vient fe peindre à notre imagination troublée, y porte la douleur, & bannit de notre ame l'idée du plaifir que nous ofions nous promettre, pour y gra ver celle des maux qui allaient être notre ouvrage.

Il faut bien ménager dans les enfants, toute la fineffe d'un fentiment fi cher à l'humanité, les éloigner de tous les fpectacles qui peuvent l'affaiblir, & veiller à ce qu'ils ne fe plaisent jamais à voir fouffrir le moindre des êtres fenfibles.

Parmi les gens du peuple, bien des peres croient infpirer à leurs enfants

l'horreur du crime en offrant à leurs regards le fupplice des criminels. Ils ne fe doutent pas que le fpectacle habituel des tourments doit produire à la fin cette dureté féroce qui conduit à la fcélérateffe, & qu'en fe familiarifant avec l'afpect des tortures, on peut enfin contracrer un courage funefte qui porte à les braver.

On ne peut le nier: notre compaffion

n'eft que trop fouvent relative à nous feuls. Souvent, fi nous faifons du bien, c'est moins pour épargner des fouffrances à notre semblable, que pour nous épargner à nous-même la peine de le voir fouffrir. Si nous pardonnons à notre ennemi, ce n'eft pas toujours pour lui fauver le fentiment de la douleur; c'eft pour ne le pas éprouver nous-mêmes: & toute notre bonté confifte à ménager notre propre fenfibilité. Telles femmes, compatisfan-. tes aux maux qui s'offraient à leurs regards, ont ordonné contre leurs efclaves des cruautés dont elles euffent frémi, fi elles avaient été forcées d'en être les témoins.

Si l'on veut que la vertu coûte des efforts, la compaffion n'en fera pas une; elle eft involontaire, & ce n'eft même que par des efforts violents qu'on peut lui réfifter. Mais elle n'en eft que plus précieufe : & plût au ciel que nous fuffions entraînés à toutes les vertus par un penchant irréfistible!

Courage.

LE courage eft une vertu bien utile à l'homme dans les combats que lui livrent fes paffions, & dans les maux dont fa vie eft femée.

Il ne faut pas le confondre avec la valeur, quoique celle-ci en faffe partie. La valeur eft une vertu précieuse dans un héros enflammé d'amour pour fa patrie, prêt à donner tout fon fang pour la rendre victorieufe. » Mais fouvent, dit « Charron, elle est artificielle, acquife par la crainte & appréhension de сарtivité, de mort, de douleur, de «vreté. Elle s'acquiert par l'ufage, conf «titution, exemple, coutume, & fe

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trouve ès ames viles & baffes. De va«let & facteur de boutique, fe fait un «bon & vaillant foldat ".

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Il aurait pu ajouter que fouvent la valeur du foldat tient à la cruauté, à

l'ignorance du prix de la vie, à la bruta

lité. Croira-t-on que le bonheur d'exifter ait la même valeur pour un houffard groffier, qui met la volupté à s'enivrer de liqueurs fortes, & pour un général fenfible & éclairé? Le facrifice par le prix de ce qu'on facrifie.

augmente

Le véritable courage eft celui de l'ame. N'être arrêté par aucune crainte dans l'exercice de fon devoir, fe tenir prêt à fupporter les maux dont les hommes font menacés, ne fe pas rebuter des difficultés apparentes qui s'oppofent à des projets honnêtes, favoir garder son fentiment, quand il eft conforme à la raison: c'est avoir le courage qui mérite feul le nom de vertu.

Il faut travailler de bonne heure à s'armer de fermeté. On fait bien des fautes par faibleffe. Que d'hommes ont été criminels en déteftant le crime! On manque. à la vertu qu'on aime, pour ne favoir pas réfifter à de faux amis qu'on méprise. On fe rend coupable pour com→ plaire à des protecteurs, dont les vains fervices ne fauraient faire notre félicité;

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