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Ou la douleur est supportable; dit Séneque, ou elle donne la mort.

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Dans la fanté, on s'exagere, peutêtre, l'horreur de fouffrir. Voyez un homme fouffrant : s'il a quelque courage, fi fes douleurs ne font pas déchirantes, il vous paraîtra moins malheureux que vous ne croiriez l'être, fi vous étiez à fa place,

-On eft fouvent plus miférable par l'avenir que par le préfent. Le pauvre ne fe plaindrait plus, s'il pouvait efpérer d'être riche bientôt : le malade, au moment même de fes douleurs les plus cruelles, s'écrie qu'il fe trouverait heureux, s'il ofait fe flatter du retour prochain de la fanté,

• Ainfi l'on a toujours la force de fupporter fes maux actuels ce font les maux que l'on attend qui semblent audeffus de nos forces.

Courage contre la mort.

DES

Es fages ont dit qu'il fallait mépriser la vie. Cette maxime est trop générale. Pourquoi méprifer la vie quand elle peut être utile? C'est à l'homme inactif qui ne fait que pefer fur la terre, au fcélérat qui ne fait que l'affliger, à mépriser fa vie.

Si je veux faire une action louable; il faut bien que je fouhaite de vivre. Plus en moi le defir de faire du bien fera exalté, plus je tiendrai à la vie. Voilà pourquoi des hommes capables d'éclai rer les autres par leur génie, ont été foupçonnés de manquer de courage; au moins de ce courage de préjugé, qui est réellement funefte à la patrie,

Il femble qu'un vrai mépris de la vie, ne pourrait être fondé que fur le fentiment intérieur de fa propre inutilité.

Mais fi, par notre mort, nous pou vons être utiles à nos concitoyens, c'est alors un devoir de la braver avec fer

meté. Le lâche guerrier qui la craint, & prend la fuite pour fe conferver, eft couvert d'un juste mépris, & peut même être puni févèrement, puifqu'il n'a dépendu de lui que fa patrie ne fût livrée aux puiffances armées contre elle.

pas

i Qu'a-t-il gagné par fon défaut de courage? Un refte de vie qui fera coulé dans l'opprobre. Peut-être aurait-il furvécu couvert de gloire. La lâcheté du guerrier eft donc funefte à l'Etat & inutile au lâche,

Il eft permis de connaître le prix de la vie; mais il faut fe réfigner à la néceffité de mourir. C'eft de lain que l'on craint la mort elle fait le fupplice de la vie. C'eft avec toute la vigueur de la fanté, avec toute la force de l'imagination, avec toute la fineffe du fentiment, qu'on envifage la fin de l'existence, & elle paraît affreuse. La mort a foin de eacher fa laideur, quand elle approche. Si elle frappe fubitement, elle ne laiffe pas même le temps de l'envifager. Si elle vient à la faire d'une maladie, le

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fentiment eft émouffé, la force eft abattue, nous n'avons pas affez de fenfibilité

pour aimer ce qui attache à la vie. L'imagination n'offre plus rien à nos organes affaiblis; nous ne pouvons plus nous peindre le plaifir d'exifter, nous ne pouvons plus fentir l'horreur de .ceffer d'être. Confidérez les mourants: ils font en général affez tranquilles. La mort eft fur leurs têtes, & ils ne l'apperçoivent pas.

Bien des gens ont paffé leur vie à craindre la mort, & l'ont vue arriver fans effroi. On peut la comparer à ces fantômes gigantefques que des perfonnes timides croient appercevoir la nuit dans les forêts,& qui fe réduifent à rien quand on les approche.

C'eft la maladie qui peut être cruelle; mais les maladies mortelles ne font pas toujours les plus douloureuses. Elles ont du moins épuifé leurs forces avant d'amener la mort, & les derniers inftants font prefque toujours affez tranquilles.

Duel.

S'IL eft plufieurs efpeces de courage qu'il faut regarder comme des vertus, parcequ'elles font utiles à l'individu on au corps focial; il en eft une qui ne doit jamais être confidérée que comme un préjugé condamnable, parcequ'elle est également funefte à l'un & à l'autre. C'est celle qu'exigent ces combats féroces, & déshonorants pour la raifon, qu'on appelle des affaires d'honneur.

Dans la premiere enfance de notre gouvernement, dans les premiers fiecles qui fuivirent l'invafion des Francs dans les Gaules, quand il furvenait parmi les citoyens quelques débats, les Seigneurs en étaient les juges ; & comme ils n'avaient pas toujours le defir ou la volonté de juger, ils fe repofaient de ce foin fur les maîtres de leur hôtel. Il ne fallait pas un procès bien compliqué pour embarraffer ces juges ignorants: mais ils avaient un moyen sûr de fuppléer au défaut de

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