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pas les ignorants. La fcience n'est pas un devoir. L'ignorant peut être auffi précieux que toi à la patrie.

En quoi l'homme inftruit l'emportet-il fur l'ignorant? fouvent en ce que fes. études l'ont rendu capable de fe tromper fur un plus grand nombre d'objets.

La science est un instrument inutile à

quiconque a l'efprit faux. Mais chacun croit avoir l'efprit jufte. Comment donc, fauras-tu quel eft le tien, & fur quoi peuxtu fonder ta vanité?

Ufe de complaifance envers tout le monde, & ne fois le complaifant de perfonne.

Si tu as le malheur de ne pas croire à la religion de ton pays, ne raille point ceux qui la fuivent: c'est une impoliteffe groffiere. C'eft même une cruauté de vouloir faire rougir les autres des devoirs que leur impofe leur confcience; de les placer entre le ridicule & le remords; entre la crainte du mépris des hommes, & celle de la colere de Dieu. Cherche encore moins à faire changer de fenti

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ment l'homme religieux. Songe que to dois refpecter les loix, & que par-tout les loix protegent la religion. Songe que peutêtre l'homme que tu prétends éclairer, a befoin, pour n'être point un fcélérat, de croire tout ce qu'il croit. Mais combien d'hommes auffi font devenus des fcélérats pour avoir trop cru!

Enfin ofe être vertueux. D'abord tu paraîtras fingulier, peut être même ri dicule : il faudra bien finir par te trouver refpectable.

L'Homme avec lui-même.

QUAND on a pris l'habitude de se négliger à l'excès dans l'intérieur de fa maifon, l'on conferve encore dans fon ajuftement quelque refte de défordre lorfqu'on paraît dans le monde. La négligence habituelle de la propreté accoutume à ne pas rougir du dégoût qu'on infpire d'abord à fa famille & à fes amis, enfuite aux inconnus & aux perfonnes même à qui l'on doit le plus d'égard. Il en eft de même des vertus morales. C'eft dans la folitude, c'eft avec foi qu'il faut en prendre l'habitude. Si l'on néglige de la contracter dans le filence, on n'aura que des vertus de parade; on en fera vêtu gauchement, comme d'une parure inaccoutu. mée, & il paraîtra toujours quelque chofe de la faleté habituelle du vice.

Comment, fi l'on ne s'occupe avec foi-même que de fordides intérêts, aura¬ t-on dans l'occafion cette véritable générohité qui fait préférer l'honneur à tous les

avantages? Comment, fi l'on ne s'accoutume pas dans la folitude à élever fon ame, aura-t-on dans la fociété cette fierté louable qui eft le premier garant de la conftance vertueufe? Si l'on ne s'eft pas fait une habitude d'interroger fa confcience, de la forcer à nous rendre un témoignage juste à la fois & favorable, faura-t-on réfifter d'un premier mouvement à tant d'occafions preffantes qui nous follicitent à la fouiller? Si l'on n'a pas travaillé fans ceffe à fe rendre digne de fa propre propre eftime, pourra-t-on mériter celle des autres ? Aura-t-on le courage enfin de s'offrir, s'il le faut, en facrifice à l'honneur, à la vertu, fi l'on ne s'eft jamais entretenu que d'idées frivoles ou pufillanimes?

L'homme qui ne s'eft pas fait rougir lui-même quand il s'eft offert à fon efprit une idée peu conforme à l'équité la plus févere, eft bien près d'être injufte dès qu'il aura intérêt de l'être.

Il en coûte pour fe rendre coupable. Il a exifté des moments dans la vie des:

plus grands criminels, où ils ont eu le crime en horreur. On commence par ne pas rejetter des penfées condamnables enfuite on s'y arrête, on paffe à s'y complaire, on fe familiarife avec elles, & l'on finit par commettre le crime.

On ceffe bientôt d'être honnête quand on se plaît avec des gens qui ne le font pas: mais eft-il une compagnie plus malhonnête, & dont il foit plus facile de ne fe féparer jamais, que de coupables penfées?

L'ame noble & pure l'est encore jusque dans le fommeil.

Pourquoi l'homme honnête & fenfible fe plaît-il dans la fombre horreur des forêts, fur les bords folitaires d'un fleuve majestueux, ou fur ceux d'un ruiffeau qui ferpente dans une vafte prairie, & dont il aime à fuivre le murmure qui l'appelle?, Pourquoi, loin de la fociété des hommes, s'affied-il avec joie fur le penchant rapide d'un côteau, ou porte t-il fes douces rêveries dans l'antre obfcur d'un rocher?

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