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c'est que fa confcience eft auffi paifible que la folitude qu'il aime.

Le riche concuffionnaire, le courtifan corrompu, veulent être toujours entourés d'une foule de lâches complaifants. Ils redoutent de fe trouver feuls, parcequ'ils n'ont rien à fe dire dont ils puifsent être fatisfaits.

Tu es feul, & tune peux fupporter l'en. nui de n'avoir rien à faire. N'as-tu donc

pas à méditer fur ce que tu feras aujourd'hui, demain, dans tout le cours de ta vie? Tu auras à lutter contre ta faiblesse & tes intérêts, contre la honte & le vice; & tu feras vaincu fans livrer de combat, parceque tu auras négligé de te préparer à combattre.

Tu es feul: ne te contente pas d'évoquer l'avenir. Appelle tes actions, tes defirs & jufqu'à tes penfées au tribunal de ta confcience, & fois pour toi-même le plus févere des juges.

« N'abandonne pas tes yeux aux douceurs du fommeil, difoit Pythagore,

«

avant d'avoir examiné les actions de ta journée. Quelle faute ai-je commife? Qu'ai-je fair? A quel devoir ai-je manqué? Commence par la premiere de tes "actions, & parcours ainfi toutes les au«tres. Reproche-toi ce que tu as fait de amal; jouis de ce que tu as fait de bien".

Occupe-toi d'idées nobles, grandes, généreuses: ton ame deviendra grande comme tes idées. Mais c'eft dans l'habitude de la retraite que tu monteras ton efprit à cette hauteur fublime. Mérite de t'entretenir avec toi-même : tu ne contracterais que de la petiteffe dans la fociété ordinaire, où tous les entretiens roulent fur de petites chofes, où l'on ne parle que de modes, de petites intrigues, de petits mérites & de petits talents. Avez-vous vu la tragédie nouvelle ? Oui, j'ai vu des tragédies qui font nouvelles tous les jours: un pere barbare perdant au jeu l'espérance de fes fils; une fille innocente livrée par l'exemple de fa mere à la corruption; des familles vertueufes plongées dans le défespoir par

l'iniquité d'un juge pervers; des indigents refpectables périffant de difette fous les yeux d'un riche voluptueux; des crimes, des attentats qui ceffent de faire horreur parcequ'ils fe répetent fans ceffe.

Le fouvenir du bien qu'il a fait, la penfée de celui qu'il veut faire, charment la folitude du fage.

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Bonheur.

NUL homme n'eft feulement malheu reux de fes maux préfents. On anticipe far l'avenir pour fe mieux tourmenter. La crainte fuit la jouiffance; elle en empoifonne le fouvenir. Nous fouffrons en idée des maux que peut-être nous n'éprouverons jamais. Nous employons toutes les reffources de notre prévoyance, toutes les forces de notre imagination, à nous forger des rêves chagrinants, qui ne feront jamais que des rêves; & la plus trifte vie eft bien moins femée de malheurs réels que de fauffes craintes. La mort même répand le trouble fur notre vie; la mort que jamais nous ne devons connaître, puifque, quand elle fera venue jufqu'à nous, nous ne ferons plus.

Ce ne font pas les objets du luxe qui font le bonheur; il ne peut s'acheter par des tréfors. On pleure fur le trône; on rit dans les fers. Si le corps ne fouffre point, fi l'on n'eft pas rongé par la crainte &

dévoré par des defirs, que manque-t-il encore? Le plus malheureux des hommes peut étaler à nos yeux des vêtements de brocard, & fe nourrir dans l'or des mets les plus exquis.

Si les hommes vivaient pour eux & non pour les autres, s'ils ne faifaient rien par air, ils feraient plus vertueux & plus heureux; mais on dirait que ce n'eft pas pour foi-même que l'on exifte. On fe loge pour les autres; on a des meubles pour les autres; on eft vêtu pour les autres. C'est pour les autres que l'on prend des travers, que l'on fe forme au vice, que l'on abjure la vertu. C'est pour les autres qu'on a une table fomptueufe, qu'on joue gros jeu, qu'on entretient des courtisannes fans les aimer, qu'on le fait un art de corrompre des femmes honnêtes, ou de paraître du moins les avoir corrompues c'eft pour les autres qu'on fe tourmente, parce qu'on ne fe croit jamais affez riche à leurs yeux; c'est pour éblouir un instane les autres qu'on précipite fa ruine.

Il faut qu'un homme, qui pourrait vi

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