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fe trouvait dans les rapports qu'il a contractés avec les femblables, dès le moment qu'il s'eft uni avec eux par les liens de la fociété.

Auffi, quoique leurs écrits foient remplis de fentences fublimes, il manque encore quelque chofe à leur utilité : car nous ne nous foumettrons pas aifément, fur la fimple affertion du moraliste, la gêne que la morale nous impose. Si vous voulez me plier au joug, donnezmoi des motifs qui me déterminent à le fubir.

Le feul moyen de remonter à la fource de nos devoirs, c'eft de prendre l'homme fortant des mains de la nature, & de le fuivre jufqu'à l'état focial. C'eft dans fon paffage à ce nouvel état, que nous verrons naître fes obligations,

le

Notre religion nous apprend que Créateur inftruifit l'homme qu'il venait de former. Mais qu'il nous foit permis, mieux connaître la nature de l'hom

pour

me, de mettre à l'écart lés moyens fur

naturels dont il fut aidé, & de le confi→

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dérer dans l'état où il fe fût trouvé, s'il eût été abandonné à lui-même car un miracle ne peut nous faire connaître la

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L'Homme fauvage.

L'HOMME 'HOMME a la faculté d'acquérir des perfections, des qualités nouvelles; mais l'homme de la nature ne poffede encore que bien peu de qualités apparentes qui le rendent fupérieur aux autres animaux. Preffé par la faim, il court fur la terre, il plonge dans les fleuves, il monte fur les arbres pour trouver quelque proie.Ses befoins fatisfaits, il eft tranquille, ne penfe point, ne prévoit rien, & s'endort.

Plaçons l'homme ifolé fous un de ces climats où le froid glace les fleuves pendant une partie de l'année, où les animaux fe cachent ou s'éloignent d'une terre couverte d'une couche épaiffe de neige durcie par les frimas: alors le fauvage eft fouvent plufieurs jours fans trouver de quoi fatisfaire la faim qui le dévore; quelquefois fes recherches font tout à-fait inutiles: il fe tue par les peines mêmes qu'il fe donne pour confer

ver fa vie; il tombe épuifé, languit, &

s'éteint.

Quelle que foit la terre qu'il habite, fouvent pourfuivi par les animaux carnaciers, fi quelque arbre ne lui offre point. un afyle, fi en fuyant il est atteint dans fa courfe, il eft forcé de livrer un combat. Heureux s'il eft vainqueur; peu malheureux s'il fuccombe, puifqu'il ne perd qu'une existence dont il n'a jamais connu le prix, & dont il n'a jamais prévu la fin. Mais s'il ne met en fuite fon ennemi. qu'après avoir reçu quelque bleffure fonde; privé de fecours, ne connaissant: aucun remede à fes douleurs, il trouve une mort lente, après les plus affreux

tourments.

pro

Tel eft le tableau qu'on doit fe former de l'homme de la nature dans toute la rigueur du terme, & dont on ne peut fe faire une idée que par hypothese, puifqu'on ne trouve par-tout que des hommes qui ont au moins quelque faible, commencement d'affociation. Comme il n'a qu'une sensibilité médiocre & moins

encore d'idées, on peut avoir raifon de ne le point appeller malheureux. Il ne peut être miférable par la privation de ce qu'il ne connaît pas ; & il ferait diffi– cile de décider fi les maux dont le menacent & que lui font éprouver les animaux féroces & l'inclémence de la nature, font égaux à ceux que l'homme inflige à l'homme, & l'individu à lui-même dans l'état focial.

Je voudrais bien qu'on m'indiquât quels font les devoirs moraux de cet homme ifolé? Envers qui les remplirat-il, lui qui vit feul & pour lui feul? Pourquoi devrait-il à quelque autre, puifqu'il n'attend que de lui-même tout fon appui? Par quelles obligations eft-il lié à fes femblables qu'il ne connaît pas, qu'il ne fent pas le befoin de connaître, de qui il n'efpere rien & qui n'efperent rien de lui? Puifqu'il n'a de rapports qu'avec lui feul, il n'est lié à perfonne par la chaîne des devoirs.

Deux feuls befoins étaient connust alors la faim & l'amour; mais la vie

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