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autres, & fe tiennent par un fens voifin, dont l'efprit faififfe le raport fans étude. Des pierres bien taillées s'uniffent fans ciment.

XV I.

Dans certaines propofitions compofées on paffe fi heureusement d'un membre à l'autre, qu'à peine on les a tous développés, que le fujet eft rempli. Les tranfitions s'y préfentent fans recherche.

XVII.

La longueur du difcours doit être réglée par l'attente de l'Auditeur, par l'ufage, & par le befoin du fujet. II faut fe tenir en garde contre le plaifir de fe faire écouter. Le prodigue donne trop, & le libéral donne affez. Celui qui ne peut fe borner, ne fait pas compofer.

XVIII.

On préfume trop de croire, qu'on puiffe être écouté fans ennui au-delà du tems ordinaire. L'Auditeur a fa mefure de patience; quand elle eft donnée, il n'en faut plus exiger. Un vase plein ne reçoit plus rien; ce que vous y verfez eft perdu. On fort chagrin & fatigué d'un difcours trop long, comme d'un fonge fâcheux.

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XIX.

Dans un Sermon il vaut mieux retrancher qu'ajoûter, & tendre toujours à être court. Ce qui-n'eft que paffable, paroît pitoyable à l'Auditeur fatigué. D'ailleurs c'est un grand foulagement & pour la mémoire, & pour la poitrine, qu'un quart d'heure épargné fur un difcours d'une heure.

X X.

Il ne faut ni moins d'art, ni moins d'attention, pour retrancher ce qu'il n'eft pas à propos de dire, que pour employer ce qu'il faut dire. Les Peres difoient de leur tems ce qui ne conviendroit pas à celui-ci. Notre langue même demande des égards, que n'exigeoit pas la leur.

XXI.

Il y a des irrégularités dans le deffein, dans la difpofition, dans les preuves, dans le ftile même qu'on peut appeller des fautes habiles. On eft éloquent fi l'on perfuade, quoique fans régularité. La négligence a quelquefois fon habileté & fes vûes.

XXII.

Le jugement fait difcerner ce qu'il faut taire, ce qu'il faut exprimer ; ce qu'on doit étendre, ou feulement mon

trer en paffant, ce qui convient au tems, au lieu, aux perfonnes : le fens naturel juge de ces chofes. L'art ne peut non plus le régler, que régler le goût & l'oderat.

XXIII.

On ne parle bien, qu'autant qu'on parle à propos. Les regles de l'éloquence, auffi bien que fes ornemens, font fous la direction de la prudence, qui applique tout felon le fujet & l'occafion. L'Orateur eft bien habile qui n'a jamais rien avancé de contraire à fa fin.

XXIV.

Il faut conduire.aux vérités par dégrés. Les Apôtres parloient d'abord de JESUS-CHRIST, comme d'un homme envoyé de Dieu. La Divinité du Melfie étoit une conféquence de ce principe, parce qu'il fe l'attribuoit fans ufurpation. Ils établiffoient les faits, & les faits amenoient le dogme.

CHAPITRE VI I.

UN

Des Principes.

I.

N Sermon fans Principe feroit un édifice fans fondement. Des Principes folidement établis difpofent l'Auditeur à paffer les conféquences.

fer

I I.

Ce qu'on pofe pour Principe doit non-feulement être conftant, mais pafpour tel. Quelque folide que foit une opinion, il ne faut pas la donner pour regle, fi elle peut être conteftée.

III.

Sur les matieres qui partagent les écoles, le Prédicateur ne prend point parti, il respecte tout fentiment, & ne décide rien d'indécis. Il n'a pas le même intérêt, qu'avoit S. Paul à Jérufalem, de divifer fes Auditeurs.

IV.

Si quelque propofition a choqué dans un Sermon, le Prédicateur peut la ra mener dans un autre. Mais que l'explication ne fente ni la juftification, ni l'apologie, fauf la foi. Sa modération

doit

doit aller jufqu'à fupprimer ce qui pour

roit l'avoir offenfé lui-même.

V.

Il y a des principes fi clairs, qu'on perdroit le tems à les prouver, on fuppoferoit que l'Auditeur ignore ce qu'il ne peut ignorer. S'il y en a qui ayent befoin d'être éclaircis, on s'y arrête mais peu ; l'Auditeur attend autre chofe. Souvent on s'y étend trop, faute de génie pour en fortir.

V I.

Quand le Prédicateur s'eft ainfi longtems tenu fur les Principes, fans defcendre aux conféquences pratiques, l'Auditeur revenu à foi, fe fouvient qu'il a été frappé d'idées abstraites, & c'eft tout, il n'en fait aucune application à fes befoins.

VII.

D'autre part les conféquences trop tôt tirées, & pouffées dans un détail qui fait tout le Sermon, jettent le Prédicateur dans des redites; les mêmes moralités reviennent: les traits qui peignent les mœurs ne font pas infinis.

VIII

Un Principe propofé d'un tour fen tentieux fait impreffion, & on le retient : les fentences font les Proverbes K

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