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X I.

Il ne faut pas infifter à prouver les vérités, dont tout le monde convient. L'application doit être à établir ce que la paffion contredit, ce que la préven tion contefte.

XII.

Il ne fuffit pas qu'une Preuve foit forte par elle-même, elle doit l'être par raport. Le folide eft préférable au brillant, mais il céde à l'utile; & une raison affez foible perfuade quelquefois, parce qu'elle eft à portée. La lecture de Démofthene apprend que l'éloquence confifte plus à pouffer brufquement ce qui intéreffe, & qui va au fait, qu'à dire de grandes chofes avec nombre & harmonie.

XIII.

Le befoin conduit quelquefois, où la jufteffe ne meneroit pas. Il faut convaincre les hommes par les chofes qui les frappent, & leur épargner la peine d'examiner & de fuivre trop loin le fil du raisonnement.

XIV.

Un long raifonnement, qui enchaîne plufieurs propofitions, dont chacune attend la Preuve, fatigue l'Audiil a trop de chemin à faire: un

teur,

raisonnement trop concis eft obfcur & embarraffe; l'art cherche un milieu.

X V.

L'art propofe une vérité, la met dans fon jour, établit des principes, il infere, il applique, il s'étend fur les détails, il s'objecte les prétextes, il les détruit, il fait des inftances qui preffent, qui accufent, pour ainfi dire : fi le défaveu s'échappe, il le pourfuit dans fes faux fuyans, il le coupe, il revient enfuite fur fes brifées, il récapitule & conclut.

X V I.

Il eft des vérités qui trouvent de grandes contradictions. Alors on accumule les Preuves on tâche non-feulement de convaincre, mais de terraffer. Le Laboureur feme plus de grain qu'il n'en faut, parce que tout ne leve pas : plufieurs rayons réunis font un corps de lu

miere.

XVII.

Hors de ces occafions, l'Orateur ne déploye pas toutes fes Preuves, il en laille entrevoir quelqu'une fans la pouffer. L'auditeur en devient plus docile, parce qu'il voit qu'on n'ufe pas de tout fon avantage.

XVIII.

XVIII.

On fait fentir la force des Preuves fans la vanter. L'Auditeur, maître de fon acquiefcement, ne veut pas qu'on le lui arrache.

XIX.

Le ridicule qu'on jette fur les vices & fur les défauts, en donne quelquefois plus d'éloignement, qu'une cenfure férieufe.

X X.

Les raifonnemens tournés en argu→ mens méthodiques & précis ne conviennent pas à la Chaire: la converfation même a peine à s'en accommoder. Le fyllogifme concis n'eft que pour difpute.

X X I.

la

L'Orateur ne péche guéres plus impunément, que dans la jufteffe & dans l'exactitude des raifons. Parmi les Auditeurs, les uns critiquent la diction, les autres cenfurent les penfées; il en eft peu qui examinent la Logique du difcours. On ne doit jamais la négliger, ne fut ce que pour l'honneur de la vérité, & pour l'apologie du bon fens. La probité ne hazarde point de Preuve, dont elle fent le faux.

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XXII.

Il est des difcoureurs qui n'impofent qu'au vulgaire; le bon fens n'eft jamais leur dupe. Purs déclamateurs, ils font pleins d'exagérations, de figures forcées, de pointes, de jeux de mots; tous moyens propres à éloigner du but de l'éloquence, qui eft la perfuafion.

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CHAPITRE IX.

Dés Citations.

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'Erudition a fait longtems une vaine parade des Citations. La fcience de l'Orateur étoit prodiguée, & l'efprit de l'Auditeur diftrait & fatigué. Les Cofpeans & les Le-Maître étoient dans ce goût. On cite fans befoin, quand on veut feulement montrer qu'on a lu. Cette dépense fait peu d'honneur; les recueils d'autrui, & les tables des Livrés la fourniffent.

I I.

Souvent les Citations énervent le difcours, le defféchent, coupent le fil du raisonnement. Il ne faut citer que par néceffité, très-peu, avec choix, &

pour appuyer quelque vérité contestée. Le bel ufage des Citations eft de rendre l'application des traits qu'on rap porte plus ingénieufe, que les traits

mêmes.

III.

Les Citations ne font pas la beauté de l'éloquence, mais elles peuvent eir être la force. Il faut citer pour prouver. La Religion eft fondée fur des faits; en citant on les autorife.

I V.

Les Citations décifives font celles de l'Ecriture, quand elles conviennent au fujet. Les termes qu'elle employe font confacrés, & donnent à ce qu'on avan ce une autorité & une onction divine.

V.

En rapportant l'Ecriture, on ne doit pas la paraphraser jufqu'à en altérer le fens, en faveur de l'harmonie du difcours. Cependant on peut ne pas s'attacher fervilement à la lettre, furtout fi la traduction étoit dure, ou bleffoit la bienséance par des naïvetés, que les Langues vivantes ne comportent point.

V I.

On raporte le texte tel qu'il est lorfqu'on ne peut en conferver l'éner gie dans la traduction; ou du moins

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