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ufer fobrement: on n'expofe pas dans les Eglifes les portraits d'Ariftide &

de Caton.

CHAPITRE X.

PEnfer

Des Penfées.

I.

Enfer eft une opération de l'esprit vraie, folide. On abuse de ce mot, lorfqu'on appelle Pensées, ce qui n'est qu'un faux brillant. Ce font des éclairs qui incommodent, non pas des aftres qui luifent, une antithefe, un mot ambigu où l'imagination fe fouftrait aux régles de la raifon.

:

I I.

Ce qu'on appelloit Pensées, il n'y a qu'un demi-fiécle, avoit pris la place du vrai elles ont ceffé de plaire, quand le vrai a paru. L'illufion s'eft diffipée, & ce qu'alors on trouvoit grand, eft toujours puérile.

III.

Le Sermon n'eft pas un difcours purement d'efprit, il eft trop grave pour n'être que paré; les ornemens recherchés y font hors de leur place.

Si l'on y met de l'efprit, il n'eft pas permis de le faire fentir. L'homme apoftolique vife à convertir: des traits brillans ne confternent pas le pécheur.

IV.

L'Auditeur veut être éclairé, & non pas ébloui; il ne s'attend pas à être diverti, mais touché. Quand la fineffe des Penfées s'eft évaporée, il réfléchit, & il a honte de s'y être arrêté.

V.

Il n'eft rien que l'Orateur trouvé avec plus de peine, que ce que chacun. fe croit capable de dire, après l'avoir entendu; non parce qu'il paroît beau, mais parce qu'il fe trouve vrai. On croit qu'on en diroit autant : veut-on en faire l'effai; on fe détrompe.

V I.

Quoique les Penfées roulent fur des idées communes à tous les hommes elles peuvent avoir à l'infini quelque chofe d'original dans les circonftances, le tour, l'application. L'art ne s'épuile pas en nouveauté, il varie les Penfées, comme la nature diverfifie les visages.

VIL

Dans les Penfées il faut toujours du vrai, du naturel. On les puife dans le fens commun; & c'est à tort qu'on

donne pour admirable, ce que nul autre n'a imaginé.

VIII.

Il eft des Penfées jolies, le Prédicateur les rebute; il en eft de fines, il ne les affecte pas; il ne faifit que les folides, qu'il recherche par la méditation & par la lecture.

IX.

Dans l'affectation de bel efprit pour la Chaire, il y a un ridicule irreligieux. A qui préfente-t-on ces beautés ? Plufieurs ne les connoiffent pas, peu les goûtent, le refte attend toute autre chofe. Le folide du difcours eft pour tous ceux qui ont du fens.

X.

On pardonne quelque brillant aux jeunes Orateurs, s'ils le fement avec épargne. On leur paffe des traits fins & délicats, des expreffions vives, qui touchent aux limites du précieux. Dans un âge plus mur ils en auront honte.

XI.

La nobleffe des fentimens contribue plus à la véritable éloquence, que la fineffe des Penfées. L'ame grande en eft une fource plus féconde, que le bel efprit.

XII.

Des efprits incapables d'entrer dans

le fecret de l'art, au lieu de pensées; ne donnent que des paroles choifies, arrangées, ornées; & ne fement nul fel dans le fens qu'elles expriment : le folide doit en faire la beauté.

XIII.

Un génie outré pouffe fes Penfées au-delà de leurs juftes bornes, & fatigue à force de vouloir enchérir fur fa premiere idée; fes couleurs font toujours chargées: tout eft exageré tout eft forcé. Tendant à ce qu'il croit le plus beau, il le laiffe après lui, & se perd.

XIV.

,

Pour mettre des Penfées en œuvre, il faut être capable de diftinguer la délicatesse du rafinement, l'agrément de l'afféterie, la nobleffe de l'enflure, l'ornement du faux brillant, le bon fens du galimatias.

X V.

L'ufage des Pensées nobles eft propre aux Mysteres, pour en foutenir la majefté; aux Panégyriques pour leur donner de la dignité. Dans la morale, elles ne vont pas toujours à la fin, qui

eft de toucher.

XV I.

Ce qui n'a d'autre effet

que de plaire

dilate le cœur, & le tire du refferrement qui convertit. Les meilleurs traits dans la morale ce font les terribles. La converfion commence par la frayeur ; & on a mal prêché, fi on n'a qu'agréablement prêché. Le plus bel éloge du Sermon eft le filence penfif de l'Auditeur qui fe retire.

XVII.

La Penfée eft guindée ou mal exprimée, s'il en coute trop pour l'entendre. Les pointes, les jeux de mots, les proverbes ne trouvent place que dans les conversations vulgaires. Le férieux de la Chaire les bannit. S'il eft échappé aux Peres de l'Eglife quelque trait femblable, ils l'ont donné au mauvais goût de leur fiécle, pour se faire tout à

tous.

XVIII.

La Penfée fera heureuse, fi l'admiration qu 'elle a caufée s'efface avec peine, fi elle laiffe encore beaucoup à penser, fi après l'avoir pefée on y trouve toujours un grand fens, fi elle fe foutient en quelque langue qu'on l'exprime, indépendamment du choix des mots & de leur arrangement.

XIX.

Quoiqu'une Penfée foit commune,

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