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il ne la faut pas rejetter, fi elle eft vraie, fi elle fert à éclaircir ou a prouver. On l'approfondit, on lui donne plus de jour; l'Orateur fe la rend propre par un tour nouveau : il pense autrement que les autres, lors même qu'il penfe ce que les autres ont penfé. X X.

que

Il est une forte de Penfées, qu'on appelle des applications, qui donnent aux paroles de l'Ecriture, & aux actions qui y font rapportées, un autre sens le fens naturel, & qui tournent la lettre en efprit. Elles ornent plus qu'elles ne prouvent. Le ftile de S. Bernard en eft femé. Si la réalité explique la figure, l'application eft non-feulement ingénieuse, mais folide & concluante. X X I.

Les Penfées où la Fortune entre comme perfonnage, ont l'air du paganifme: elles n'ont du vrai, que dans un fyftême impie. La Religion, qui n'admet pas ce fyftême, en doit rejetter jufqu'aux expreffions. Ce qu'on appelle Fortune eft la providence, qui n'eft aveugle qu'à l'aveuglement hu

main.

XXII.

Ne vantez jamais les Pensées qui font

de votre invention: vantez rarement celles des autres; l'oftentation ne convient pas à la modeftie de la Chaire. On pardonne à peine à ceux qui montrent les trésors des Eglifes de s'attacher à les faire admirer.

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De l'Amplification.

I.

A brièveté feroit commode, fi elle Le n'étoit obfcure, on aimeroit à entendre beaucoup de chofes en peu de mots; mais la difficulté eft de les entendre. Tout eft énigme pour le peuple, c'est à lui que le Prédicateur parle; il ne lui doit rien laisser à devi

ner.

II.

Le peuple ne voit les chofes fpirituelles que dans un grand éloignement, il faut les lui rapprocher par de grands traits, tels qu'on les trace fur ces tableaux qu'on voit dans les voutes des Temples. Dans les miniatures tout se confond, tout échappe à qui n'a pas l'œil fin. Le gros de l'auditoire ne fau

roit lire dans la penfée du Prédicateur
il s'en tient aux paroles. On doit sup-
pofer peu, & expliquer beaucoup. Il
vaut mieux rifquer d'en dire trop pour
les gens d'efprit, que de n'en dire pas
affez pour le vulgaire.

III.

L'Amplification opere fur une propofition, comme la féve fur un germe ; elle développe, elle groffit, & rend fenfible des parties imperceptibles. Outre qu'elle répand la clarté, elle rend le ftile nombreux & propre à la déclamation. L'Ecole veut le ftile ferré, la Chaire l'exige diffus.

IV.

Ce qui n'a pas befoin de preuve peut avoir befoin d'explication. On ne fait pas les vérités, on les établit, on leur donne du jour, on aide à l'impreffion qu'elles ont commencée, on y répand l'onction.

ས.

Souvent l'Auditeur est distrait, quelquefois il manque de pénétration, il perd bien des chofes. Si le difcours est diffus, fi les penfées font développées, il fe dédommage de ce qu'il a perdu. V I. Quand l'Orateur a choifi fa matiere,

&

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& qu'il l'a arrangée, s'il a du feu & de la fécondité, il l'étend, il l'orne, il la releve par différens tours, & par des expreffions qui en montrent les diverses faces. D'un corps décharné il fait un corps nourri, & qui a de l'embonpoint.

VIE

pas

L'Amplification ne doit aller juf qu'à l'exagération. L'éloquence facrée n'a pas befoin d'exagérer. Elle montre la grandeur & la petiteffe des objets felon leur état véritable. Ce qui n'eft qu'exagéré eft faux & bientôt paroît tel.

VIII.

L'abondance des penfées que fournit un esprit fécond doit fe refferrer dans les bornes du fujet. Il faut tendre à fon but & ne jamais s'écarter. Plus le goût de l'Auditeur eft épuré plus la fécondité de l'Orateur eft à l'étroit.

IX.

Quand une fois il a dit ce qu'il faut dire, il doit s'arrêter. Ce qu'il ajoute, quelque efprit qu'il y jette, ne forme plus d'image qui plaife, n'excite plus de nouveaux fentimens. La précifion fait alors plus d'effet.

M

X.

Une grande facilité eft ordinairement un grand défaut; elle eft négligente, & elle étouffe les bonnes chofes fous le nombre des mauvaises. Les arbres les plus feuilleux ne font pas les plus fertiles.

X I.

Le bon goût juge fi la pensée a fa jufte étendue, & fi elle est débarrassée des paroles inutiles. Cependant il vaut mieux ordinairement s'accommoder à la lenteur des efprits pefans, qu'à l'impaience des efprits vifs.

XII.

Il eft des occafions & des matieres où la maniere la plus noble de s'exprimer eft de laiffer entendre des chofes fans les dire. La penfée de l'Orateur va plus loin que fes paroles. Il en est quelquefois de même de l'Auditeur, qui fupplée à ce qu'on fupprime.

XIII.

Une feule preuve présentée fous diverfes faces, mifes à la portée de tous, perfuade mieux que plufieurs entaffées: la variété des tours pique & réveille. Il faut donc varier fans interrompre, preffer fans le défifter. Les décours des rivieres n'en interrompent pas le cours.

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