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X V.

La cenfure des vices ne doit

pas défigner les perfonnes : la Chaire n'attaque pes les particuliers. Lamor le pouffée contre un emploi unique feroit injurieuse & téméraire.

X V I.

Quoique les vérités générales foient fufceptibles d'application aux particuliers, le Prédicateur a droit de les dire; fi l'Auditeur les applique, c'eft fa faute. Eft-ce une raifon de taire une vérité importante, de penfer qu'il s'en fera des applications? le pécheur qui fe condamne en fecret, juftifie la néceffité de la morale.

XVII.

Dans les invectives générales, il faut toujours mettre quelque exception; les Auditeurs s'y rangent, & croient que ce font eux qu'on épargne. XVIII.

Rarement on doit adreffer la morale aux Eccléfiaftiques. Qu'alors elle foit mefurée & refpectueufe, qu'elle tienne plus du gémissement que du reproche. Le Prédicateur doit s'y comprendre lui-même, ou fe l'appliquer, pour l'adoucir.

XIX.

Plus les lieux où l'on prêche font petits, plus ils exigent de retenue fur le Détail, les applications feroient trop aifées, & les malins prendroient occafion d'en abuser.

X X.

En s'élevant contre les grands crimes, il faut fuppofer qu'ils font rares; par-là les coupables en ont plus de hon re, & plus de regret. Sur le defordre de quelque particulier, on ne peut pas infulter à tout un peuple, moins encore le diffamer.

XXI.

Il eft indécent au Prédicateur de par roître trop inftruit des ufages du monde, du Détail des modes, du nom des parures, des divertiffemens & des jeux. L'ennemi déclaré du monde duit en ignorer jufqu'au langage.

XXII.

Il ne faut peindre les amufemens mondains, qu'avec les traits de la gravité évangélique. Pour peu qu'on en égaie les defcriptions, on fait aimer le monde, lorfqu'on prétend le décrier.

XXIII

Quelque utilité qu'il y ait dans la peinture des mœurs, il ne faut pas

s'y arrêter à l'excès. Décrire les défordres, & les déplorer, fans montrer le fecret de les arrêter, ce n'eft remplir que la moitié du Ministere. XXIV.

Retraite, priere, méditation, lecture, jeûne, mortification, aumône, ce font les moyens & les remédes généraux. Les remédes particuliers fe tirent des défauts, & de la qualité des perfonnes.

XXV.

Il est des matieres fur lesquelles on dit toujours trop certains crimes veulent le filence & l'oubli. Ne réveillons pas la cupidité, qui ofe tout tenter; & laiffons croire aux ames innocentes qu'il ne fe voit nulle part de tels monf

tres.

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XXVI.

que

Aucune langue n'eft auffi chafte la Françoife: on n'y fouffre nulle ex-· preffion qui puiffe fouiller l'imagination. Quelque modeftes que foient les termes, le fens pourroit allarmer la pudeur : le voile dont on le couvriroit, feroit toujours transparent.

XXVII.

On ne doit pas s'arrêter trop longtems à recommander de menus devoirs:

il refte à traiter tant de grandes matie→ res qu'on ne furoit cpuifer. L'efprit inftruit des devoirs importans, & le cœur touché des vérités effentielles corrigeront les petits défauts. Qu'un ver ronge le cœur de l'arbre, les feuilles tomberont bientôt.

XXVIII.

Le Détail ennuye & devient froid, s'il n'eft coupé par des réflexions, qui remontent de tems en tems aux principes.

CHAPITRE XVIIL

Des Prétextes.

I.

A paffion & la préoccupation balancent les meilleures raifons, & donnent du poids aux conféquences les plus fauffes. Ces Prétextes font des retranchemens où le pécheur fe met à couvert; c'eft au Prédicateur à l'y forcer. Ille confond, il le convainc, il le perfuade: & c'est aujourd'hui le grand art du Miniftere, & fon triomphe.

I I.

L'Orateur prend, ce femble, le parti

de fon Auditeur, il donne à fes raifons les couleurs dont elles font fufceptibles; & puis les détruifant, il lui fait avouer qu'il a tort, & le fomme de se rendre.

III.

la

Rien n'intéreffe davantage, que réfutation des Prétextes. Le pécheur s'agite intérieurement, pour faire valoir les défenfes, & pour s'y maintenir. Il eft dangereux de le combattre foiblement. Il s'affermit dans fon défordre, fi l'on n'a fait qu'éluder fes raisons.

IV.

On doit le preffer, le pouffer, l'abbattre, puis le relever en l'encourageant. Le pathétique, foutenu de l'interrogation & des autres figures véhé→ mentes trouve ici fa place: on ajoute motifs fur motifs, par une gradation ferrée.

V.

N'outrons ni raifons, ni figures: on recule, vainement, après s'être trop avancé. Les correctifs qui viennent après coup ne trouvent plus créance.

V I.

Très-fouvent les Prétextes des pécheurs font fondés fur de bons principes, mais les conféquences font mal

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