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XXXIII.

La grande étude du Prédicateur eft celle du cœur humain. On la fait à toute heure, & dans toute occafion. Il échappe au cœur des traits qui le peignent dans la conduite extérieure, mais il garde des affections, fecrettes qu'on pénétre avec peine; l'art confifte à les déplier.

L

CHAPITRE V.

Des Maurs.

I.

'IDÉE de l'Orateur, chez les Payens même, renfermoit celle de l'homme de bien. Nous n'avons garde de l'en exclure. La réputation de vertu eft le plus infinuant de tous les exordes.

II.

La qualité d'honnête homme ne fuffit pas au Prédicateur, il faut encore qu'il ait de la piété : c'est l'onction qui enfeigne. Elle coule du fentiment intérieur des chofes de Dieu. D'un cœur defféché il ne fort que. des paroles mortes, privées de l'efprit de vie.

III.

Le Prédicateur doit être pénétré des vérités qu'il veut perfuader. Si le cœur n'anime la voix, elle n'eft qu'un airain fonant. Les bonnes chofes doivent fe dire avec fentiment; & on ne dit rien de touchant, fi l'on n'eft touché.

I V.

La feule voix d'un homme perfuadé par avance, & qu'on croit faint, réveille des idées pieufes, & donne du poids à fes paroles. Son exemple a déja prouvé que le bien eft poffible. Où la raifon n'a plus à délibérer, le préjugé entraîne.

V.

Le cœur a des oreilles pour le langage du cœur. Celui de l'efprit a un accent tout différent. On ne s'y méprend guéres. Le Maître intérieur parle, & en même-tems fe fait entendre.

V I.

C'est peu d'avoir dans fes recueils les plus grands fentimens de l'Ecriture & des Peres, il faut les avoir dans fon cœur. Les lumieres ébauchent la converfion, la piété vive & tendre l'acheve.

VII.

Le monde ne se contente pas d'une vertu médiocre dans celui qui le prêche. Il veut qu'irrépréhensible il puiffe dire comme l'Apôtre: Soiez mes imita

teurs.

VIII.

L'Auditeur n'aime pas la voie de difcuffion. Un exemple qui décide eft plus de fon goût, & nul exemple n'eft plus à la portée, que celui du Prédicateur même. Le peuple ne craint point de s'égarer en fuivant celui qui le précéde dans la voie du falut.

IX.

L'exemple forme des idées du bien, plus diftinctes que la parole. La vie du Prédicateur reprend fans offenfer, elle convainc fans parler. Que dans cette néceffité de donner l'exemple, il craigne cependant d'affecter les œuvres trop éclarantes.

X.

L'Univers fut converti par un petit nombre d'ouvriers fimples, groffiers, qui cherchoient Dieu. Aujourd'hui des Orateurs en foule', qui fe cherchent eux-mêmes, ne convertiffent perfonne.

X I.

Un homme avide de gloire ne per

fuade pas l'amour du mépris. Celui qui eft attaché à fes intérêts n'inspire pas le détachement. On prêche mal la mortification, vivant dans la molleffe.

XII.

Le Prédicateur eft le cenfeur du fiécle; on ne lui pardonneroit pas d'en fuivre les maximes, d'en avoir les manieres. On dégoûte plus fûrement du monde, quand on en eft dégoûté.

XIII.

Plus le Prédicateur prouve l'obligation qu'on a de regler fes mœurs, plus il fe condamne lui-même, fi les fiennes font décriées : chacun lui renvoie les traits qu'il lance. L'Auditeur prévenu s'indigne contre celui qui ne fait pas ce qu'il dit.

XIV.

Le Prédicateur; attentif aux mouvemens que Dieu excite dans fon cœur, les fait paffer plus aifément dans celui des autres. Ce font des impreffions, dont il a éprouvé la force: la grace qui les a fait naître continue de les animer.

X.V.

S'il fe pouvoit, le Prédicateur ne devroit écrire que dans ces heureux momens, οἱ par une étude, faite en

efprit de priere, le cœur fe remplit d'onction. La fource des expreffions eft alors fanctifiée. Dieu fe fert de ces pieux ouvriers, pour écrire fa Loi dans les cœurs: d'une autre main les traits feroient défigurés.

XVI.

L'éloquence évangélique tient de l'infpiration, elle perce par des traits vifs, elle remue, elle entraîne. L'élégance du difcours en peut fouffrir; mais n'importe, fi le zéle fait sentir à l'Auditeur c'eft Dieu qui parle

que

XVII.

Les talens les plus rares ne font jamais mieux cultivés, que par la priere. Les Peres, chargés d'affaires, prioient long-tems, & prêchoient fou

vent.

XVIII.

La priere attire cet efprit intérieur, qui agit fur les cœurs, pendant que la doctrine du falut frappe l'oreille. Le Prédicateur rempli de cet Esprit a le don de le tranfmettre. En vain on plante, on arrofe, fi l'Esprit-Saint ne donne l'accroiffement.

XIX.

L'intention du Prédicateur doit être pure. Quel abus de rapporter une

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