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V I.

Pour être régulier & uniforme, il faut donc apprendre par cœur. Cette peine tourne au profit du discours: on lui donne quelque perfection nouvelle chaque fois qu'on le répete. S'exemte-t-on de cette gêne, on s'expose à bien des défauts, & furtout à l'inégalité.

VII.

Le foin d'apprendre par cœur a encore un avantage. La Mémoire fe remplit d'expreffions, de tours, de penfées développées, qui fe préfentent fans peine, quand on eft dans la néceffité de parler fur le champ.

VIII

On a tort de dire, que cette fujettion tallentit le zéle; mieux on pofféde fa matiere, plus on eft en état de l'ani-, mer. On eft plus concis, plus jufte, plus preffant. La prononciation d'un difcours bien appris eft infinuante; elle cache mieux l'art, & fait croire la compofition plus naturelle.

IX.

L'étude trouve les expreffions propres, qui fe préfentent rarement dans la chaleur de l'action. D'ailleurs on n'a pas le tems de voir le foible de ce qu'on

hazarde fur le champ, ni de s'en dégoûter.

X.:

Quand un difcours eft exact & fini la Mémoire s'y fixe plus invariablement. Il faut être fatisfait de fa compofition, pour le réfoudre à l'apprendre. L'efprit fe rebute de ce qui ne le contente pas, & y revient avec peine. Heureux ceux qui font charmés de leurs productions! Leur confiance aide leur Mémoire.

X I.

Celui qui parle fur le champ eft ordinairement diffus, languiffant, fujet aux redites, fe perd en digreffions, die de chaque chofe ce qu'il en fait, fans ordre & fans rapport au fujet. Les penfées fe noient, pour ainfi dire, dans un déluge de paroles.

XII.

On doit furtout bien apprendre les détails: ils fe foutiennent moins que les principes; & chacun eft capable d'en juger. Tout ce qu'on fait parfaitement, fe dit avec une liberté qui impofe; & l'on fe rend maître de l'efprit des autres, quand on eft maître du fien. XIII... is Pour prévenir les frayeurs que peut caufer

caufer l'infidélité de la Mémoire, il faut fe remplir de l'autorité du Miniftere,' On eft en Chaire pour reprendre, pour enfeigner, c'est à l'Auditeur à trembler. Le Prédicateur craindra-t-il le jugement d'un homme, qui doit foumettre le fien aux vérités qu'il annonce?

XIV.

Ceux que le Prédicateur craint le plus, font le moins à craindre: un bon efprit eft toujours indulgent. Pour peu que le difcours foit railonnable, il le goûte; & ne s'étonne point d'une infidélité de Mémoire, dont le plus habile pas exemt. A

n'eft

X V. S

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La hardieffe & la facilité de s'énoncer font les reffources des Mémoires infidéles. Il y a néanmoins des Auditeurs, qui ne s'accommodent pas d'un difcours produit fur le champ. Leur oreille faite à l'harmonie de la compofition est bleffée pour peu qu'on détonne.

XV I.

Le plus grand fecours de la Mémoire eft l'analyse du difcours, & l'enchaînement des matieres. L'harmonie des phrafes & leur longueur fervent auffi.. Les pages multiplices, & les à linea Top fréquens la fatiguent & la brouil

.

lent. On l'aide encore par la diverfité de l'Ecriture, par l'inégalité des marges, par des traits bizarres, qui ont Laport au fens.

XVII.

On peut fe faire une Mémoire locale, fixant à des tableaux, à des autels, à des pilliers chacune des parties, dont un point eft compofé, & les unissant toujours à ces objets durant l'étude. X V H I I.

L'attachement fervile à fes expreffions feroit périlleux: il faut être hardi à en fubftituer d'autres, pour ne pas héfiter, & plus encore pour n'être pas réduit à fe taire.

XIX...

La Mémoire eft un don de la nature,

où l'art a peu de part. Pour la perfectionner il n'eft d'autre moien que l'exercice.

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X X.

Qui pourroit le gêner à relire tous les jours un de fes Sermons, fe trouveroit dédommagé de fa peine au tems qu'il faut les prononcer.

X X I.

Les Peres n'ont pas improuvé d'ap prendre & de prononcer les Sermons d'autrui: le zéle juftifie ce vol. Si les

Plagiaires pratiquent ce qu'ils enfeignent, ils donnent ce qui leur eft devenu propre.

L'

CHAPITRE VIL

De l'action en général.

I.

Es fens font les premiers Juges dur Sermon. On doit les gagner par ce qui eft fenfible, par l'air, le gefte, la voix. La prononciation donne au difcours un mérite, qu'on n'y fent plus quand on le lit.

II.

Si l'action eft capable de cacher les défauts de la compofition, on a grand tort de la négliger. On fe rend utile à l'Auditeur, en lui épargnant tout ce qui pourroit le choquer: content des manieres, il ne penfera plus qu'aux choses.

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Il n'eft pas défendu de concerter l'Action,pourvû que ce foit moins pour plai re, que pour inftruite, & pour tou cher. La Chaire a fes bienféances & fes regles; le bon fens veut qu'on les gar

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