Imágenes de páginas
PDF
EPUB

d'éloquence. Les tranfports, dont les Anciens donnent des regles, étoient plus propres au théâtre, qu'à la tribune. La Chaire les fouffriroit encore moins.

CHAPITRE

De la Voix.

I.

encore que le gefte Left l'interprète des pensées : elle re

"

mue les paffions. L'ame fe laiffe prendre par l'oreille; & la fiction des chaînes d'or qui la captivent, a fa réalité. II.

X.

Dans un Sermon elle doit être plus haute & plus harmonieufe, que dans l'entretien familier. Sans s'affervir fcru puleufement aux regles de la Mufique, il faut néanmoins avoir un fentiment naturel des tons.

III.

La monotonie eft à la Voix, ce qu'est le défaut de variété au ftile. Elle ennuie, elle affoupit, & ne parvient guéres à la perfuafion. On pourroit l'éviter, en trouvant un milieu entre le ton de la déclamation, & celui de la conversation.

I V.

Selon le fujet & l'occafion, la voix doit former des accens doux ou rudes, gais ou plaintifs, coulans ou entrecoupés, familiers ou emphatiques. L'Orateur ne doit point néanmoins fortir de fon naturel. Un homme doux feroit ridicule, s'il affectoit un ton fier & me

3.4

naçant.

V.

La voix fonore, douce, & fléxible fe fait écouter avec plaifir: elle déplaît quand elle eft fourde, aigre, ou caffée. Il faut prendre le meilleur ton comme on choifit le meilleur tour. VI.

On doit s'étudier à une prononciation diftincte & articulée, qui faffe fonner toutes les fyllabes. L'effentiel, le principal foin eft de le faire entendre aifément & entiérement.

VII.

On n'écoute pas longtems ce qu'on n'entend qu'avec difficulté. Le fens échappe, fi l'application eft toute au fon des paroles. L'Orateur, qui peine en prononçant, fait souffrir son Aydi

teur.

VIIL
Le bon accent eft celui qui ne fait

pas fentir le pays de l'Orateur.

IX.

La meilleure prononciation eft celle qui n'a rien d'affecté. Ce n'eft pas tomber dans l'affectation, que d'appuier fur les dernieres fyllabes.

X.

La prononciation doit être majestueufe, fans emphase : l'articulation exacte, & le beau fon de la voix produifent cette majesté.

X I.

Pour bien articuler, il faut favoir la valeur des, confonnes, le vrai fon des voielles, leur élifion, la quantité des fyllabes, placer l'accent où il faut, afpirer à propos, doubler ou adoucir

certaines lettres.

XII.

-La volubilité de la langue a fes graces, pourvû qu'elle ne foit point outrée. Une prononciation trop rapide fatigue l'Auditeur, celle qui eft trop lente le dégoûte. L'Orateur languiffanc reffemble à un malade qui fe traîne. XIII.

Quoique la viteffe plaife plus que la lenteur, cependant elle convient moins à la Chaire: rien n'y fied mieux que la gravité; & l'avis que donnoit un An

[ocr errors]

cien, d'enrayer, est dans l'Eglife plus utile qu'au barreau.

XIV.

Cette trop grande rapidité nuit encore au fruit du Miniftere. Le moien de perfuader, ou d'inftruire ceux à qui on ne donne pas le loifir d'entendre? Les éclairs ne fervent qu'à augmenter les ténébres, & l'on ne fe.mire pas dans les torrens.

X V.

L'étendue de l'Auditoire eft la mefure de la voix. Il fuffit de l'élever jufqu'à la portée de l'Auditeur le plus reculé. Il est à fouhaiter qu'elle foit affez pleine, pour remplir le vaiffeau fans

effort.

XV I.

La contention de la voix ne fauroit durer elle fatigue également l'Auditeur & l'Orateur. Une voix naturelle & diftincte fe fait mieux écouter, & plus longtems.

XVII.

L'importance du Ministere veut autre chofe que du bruit. Les cris & les clameurs ne plaifent qu'à un peuple groffier, mis en mouvement par le fon des trompettes & des tambours.

XVIII.

Le ton de déclamation étourdit; celui de la conversation s'infinue. On peut crier au village, mais dans la ville il faut parler.

CHAPITRE XI.

De la Véhémence.

I.

Lan

A Véhémence ne confifte pas dans une contention forcée de la voix & du gefte; mais dans un fentiment intérieur, qui naît de l'impreffion, que fait le fujet fur l'ame de l'Orateur. Si cette impreffion eft forte, elle fe montre affez. Quand on eft peu touché des chofes, on ne parle pas, on récite.

I L

L'action pathétique eft un préjugé de fincérité. Prêcher d'un air froid une forte morale, c'est donner à croire qu'on n'en eft pas perfuadé, ou qu'on fe confole de laiffer l'Auditeur tel qu'il eft.

III.

On parle avec feu, quand on s'intéreffe à ce qu'on dit, & qu'on y veut

« AnteriorContinuar »