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intéreffer l'Auditeur. Ce n'eft rien de lui parler, s'il ne fent que c'eft à lui qu'on parle.

IV.

La parole fimple & unie fait entendre la pensée; mais la parole véhémente & figurée communique les fentimens. Si celui qui ne penfe point n'eft pas en état d'enseigner, celui qui ne s'émeut point ne fauroit émouvoir.

V.

Les fujets que le Prédicateur traite mérite bien qu'il s'y affectionne. La fainteté de la Religion, les devoirs du culte, les myfteres du Réparateur, la pureté de la morale, la perfection de l'homme Chrétien, la néceffité & l'opé ration de la grace, les fins dernieres, &c. Quoi de plus intéressant ?

V I.

Un air tranquille, ferein, réfigné, ce femble, à la réprobation de l'Auditeur, ne convient point au zéle. L'homme Apoftolique fe montre attendri, touché, paffionné; on le voit pénétré de l'importance de fon Miniftere. S'il en eft véritablement frappé, il faut qu'il le paroiffe.

VII.

Il faut cependant étudier fon génie.

Monfieur du Bellai voulut imiter la maniere lente de prêcher de S. François de Sales: il gâta tout, & par l'avis du Saint, il reprit la rapidité qui lui étoit naturelle.

VIII.

Trop de jufteffe & d'exactitude dans les penfées, & trop d'ornement dans le ftile éteignent le feu de l'action. Où l'efprit brille, on ne croit pas volontiers que le cœur ait beaucoup de part.

IX.

Il eft plus aifé au Prédicateur d'être véhément, qu'à l'Avocat. Au barreau l'autorité réfide dans celui qui écoute; à l'Eglife, elle eft dans celui qui parle. Celui-ci eft pouffé par le zéle, l'autre eft retenu par le refpect. L'Avocat eft à l'inftant critiqué, relevé, contredit: le Prédicateur n'a perfonne qui lui replique.

X.

Quelquefois le Prédicateur manque de feu, forfqu'il croit en avoir trop: il fe perfuade que l'Auditeur a pente & fenti comme lui. Qu'il le confulte, il fera défabufé, fi la réponse eft fincere. X I.

L'Auditeur qui n'eft pas en garde fe laisse entraîner à la véhémence : elle ne

donne pas le tems aux objections, & l'acquiefcement prévient l'examen des

preuves.

X II.

D'autrefois l'Auditeur ne fent rien de l'agitation que le Prédicateur fe donne. Si cette agitation eft outrée, le froid de l'Auditeur augmente, & va jufqu'au dégoût. La difcrétion accompagnera la véhémence, fi elle part d'un bon zéle.

XIII.

Les vérités que le Prédicateur annonce le rendent fouvent terrible; il a plus de pécheurs à effrayer, que de juftes à encourager: rel eft l'air Prophétique; la converfion commence par la crainte.

XIV.

On fe laiffe emporter dans l'action plus aifément qu'on ne s'y modere. Le commencement ne demande pas de Véhémence; l'Auditeur eft alors attentif. Si l'on veut émouvoir trop tôt, on n'émeut point. Le feu confumé fans néceffité manque au besoin; employé à mefure qu'on avance, il réveille l'attention rallentie.

XV.

La Véhémence eft puérile dans un fujet froid, & devant un Auditoire où il ne faut que peu d'action. Les grands mouvemens placés à propos font précé

dés d'un peu de lenteur : elle leur donne du relief. XV I.

L'Orateur doit modérer fon feu fur ce qu'il veut rendre méprifable. Le dédain eft affez piquant, pour faire impreffion. XVII. Jamais le Prédicateur ne doit prendre feu pour fon intérêt, à moins qu'il ne s'agiffe de fa foi. Si elle eft devenue fufpecte, ce n'eft pas fa perfonne qu'il doit défendre, mais la vérité. En toute autre occafion, la meilleure apologie eft le filence.

XVIII.

On peut être véhément, fans courir à perte d'haleine, & en defordre: le guide d'un grand peuple marche à pas lents. L'Auditeur doit fentir que le Prédicateur contraint fon zéle.

XIX.

Dans l'Orateur on fupporte plus volontiers la trop grande rapidité, que la lenteur. Un fleuve rapide fait plus de plaifir à voir, qu'un étang paisible.

X X.

Le filence gardé plufieurs heures avant le Sermon fert à la Véhémence. L'Orateur chargé d'une matiere longtems méditée s'empreffe de s'en déli

-vrer,

SECONDE PARTIE.

DU SER MON.

CHAPITRE PREMIER.

Du Sujet, & des différens genres

de Prédication.

I.

'EST aux Orateurs facrés que l'éloquence fournit les matieres les plus importantes à traiter, les chofes les

plus touchantes à dire, les mouvemens les plus paffionnés à pouffer.

II.

Au barreau que de minces fujets! Dans la Chaire tout y eft grand, jufqu'à l'exactitude qu'on y recommande dans les chofes les plus petites en apparence. De ce verre d'eau froide qu'on demande à la charité fort une flame,

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