avoient quitté la muraille, & je remarquay que l'on avoit enduy les murs de cette compofition blanche que l'on trouve fur les figures de Momies. Il y a de ces grottes qui ont quantité de coIonnes torfes travaillées de maniere qu'elles paroiffent moins avoir efté faites pour foûtenir la voute, que pour l'embelliffement de ces lieux. J'entray encore dans plus de trente autres toutes bel les où l'on trouve quantité de ferpens qui fuyent. En revenant fur le penchant de la montagne où tout eft remply de puits, il y a auffi quantité de figures tresgrandes, qui representent des Momies & des Sphynx, mais tou tes renversées.

Quand nous fumes rembarquez, les voleurs nous tinrent fort alertes toute la nuit. Ils vo lerent encore quelque chofe dans d'autres Barques, mais les coups R. iiij

de pistolets que je tirois de temps en temps les empefchérent d'approcher de la noftre.

Nous pafsâmes enfuite devant Minio petite ville, & de là visà vis un Monaftére basty vers le commencement de cette montagne, qui va jufqu'aux cataractes. On le nomme le Convent de la Poulie, à caufe que d'un endroit on y tire de l'eau du Nil avec une poulie. C'eft le mefme endroit, m'a-t-on dit, où Strabon Geographe du temps d'Augufte, rapporte que les gens du païs avoient des machines pour tirer de l'eau du fleuve, & employoient des efclaves à ce travail. Je vis alors fur le bord du fleuve un affez grand Croco dile qui regardoit fort noftre Barque. Il avoit les yeux plus grands que n'ont de coûtume d'avoir fes femblables. Je luy tiray un coup de fufil, & auffi-tôt

il fe lança dans la riviere.

Nous abordâmes à Benefuées ville fort jolie, où la bonace nous obligea d'y refter quelques heures. L'efpece de bastiment que nous avions ne marche point, comme je l'ay dit, qu'il n'ait le vent contraire, à caufe des bancs qui font dans le Nil. Quand on touche contre ces bancs de terre on a recours auffi-toft aux voiles pour fe retirer de cet endroit, & chercher un autre chemin, fans quoy le courant du Nil les engraveroit, de maniere qu'ils n'en pourroient pas fortir. Dés que le vent fe remit nous

continuâmes noftre chemin d'où nous commençâmes à voir une des grandes Pyramides, enfuite beaucoup d'autres, marque que nous approchions du Caire.

Une fingularité de l'eau du Nil, eft que quand on en boiroit

un fceau l'été, elle ne feroit point de mal, elle ne fait point uriner non plus, mais elle tranf pire par les fueurs. J'ay remar quay que dans toute la haute Egypte les Marabous qui appellent le peuple, comme on fçait, fur les minarets des Mofquées, font tous aveugles, pour ne pas voir dans les maifons où les femmes font toûjours toutes nües. Au fortir du baftiment quand je voulus plier mon petit matelas il y avoit fous le couffin un ferpent de plus de cinq pieds de long. Les gens de la Barque s'étonnérent comment cette befte y eftoit entrée. Dés que Mon fieur le Conful me vit.Eft-ce bien vous, me dit-il en m'embraffant On nous avoit dit que vous étiez mort. Aprés m'eftre un peu re pofé, je luy fis le recit de tout mon voyage.

XVI

Ancien Palais de Jofeph. Puits d'une profondeur immense fair par les ordres de ce Patriarche. "Sa Sale d'Audience. Defcription de l'état prefent de ce Chasteau. Adresse pour avoir du vin tresrare à Damiette. Defcription de la ville. Son negoce. Vexation des Douanniers ordinaire de ce métier

aux gens

I'

L fe prefenta enfuite une occafion pour aller voir le puits de Jofeph qui eft au Chasteau, que l'on tient estre le Palais mefme de Jofeph. Le puits a bien quarante toiles de profondeur pour le moins, & il eft creusé dans le rocher. Son ouverture qui eft de quatre toises en quarré,