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que

des fatigues de la mer. Dés nous y fumes arrivez, je l'affiray de nouveau que je ne manquerois pas de la mettre moymême entre les mains de fon pere, & de la reconduire chez luy fûrement.

Quatre jours aprés, il vint fort à propos à l'Île où j'étois une Barque de Malte pour charger du ris. Je tâchay de faire connoiffance avec le Patron de ce petit Bâtiment, & comme il me parut honnête hom. me, je m'employay à luy faire avoir bon marché, & quelque gratification même fur fon char gement. Je ne voulus rien accepter de tout ce qu'il m'offroit pour les plaifirs que je luy fai fois. Mais quand il fut prêt à partir, je l'emmenay dîner chez moy, & profitant de fa reconnoiffance, je luy propolay de remener au Seignenr Lorenzo,

la belle fille que je luy fis voir Le bon-homme, ravy de pou voir m'obliger, me fit toutes les proteftations imaginables de fervice, & me promit d'executer fidellement la commission que je luy donnois. Il fut du tems à refufer les dix écus que je lui offris pour le paffage de la jeune perfonne que je lui con-fiois, & les provifions que j'a vois préparées pour elle. Dans la crainte cependant de me defobliger, il prit l'un & l'autre,, & me marqua de nouveau tout ce qu'il put pour me perfuader fa gratitude.

Quand il fallut s'embarquer la jeune Maltoife ne put retenir quelques larmes.En me quittant elle me fit connoître qu'elle avoit pour moi un peu plus que de la réconnoiffance pour La liberté que je luy rendois, & qu'elle apprehendoit des liens

plus difficiles à rompre. Comme je n'étois pas moins touché de fon merite, je tâchay de luy faire comprendre mes fentimens, & que ne la croyant pas affez en fûreté parmy des Corfaires, il étoit plus à propos pour elle, qu'elle allât à Malte, où elle feroit plus agreablement dans fa famille, & où elle ne manqueroit pas de fe trouver dans une liberté parfaite. Mais comment cela se pourra-t'il, me dit-elle, puifque vous n'y ferez. pas ? Confolez-vous, ma belle, luy répondis-je, je me rendrai à Malte le plûtôt que je pourrai, & je vous feray voir que je ne fuis pas capable de vous ou

blier.

La barque fe mit à la voile aprés avoir fait nos adieux. Il me fut impoffible de ne pas reffentir de la peine à voir éloigner ce Bâtiment. Tant que je

le pus voir, je ne defcendis point de la colline où j'étois monté pour en repaître mes yeux.

I I.

Retour en France, & fecond Paffage à Malte,

D Epuis cela je continuay

rie,

bien encore quatre mois

à faire le cours. Je fus aprés à Conftantinople, où je fis toûjours mon négoce de Joüaillecomme dans mes autres Voyages. Je revins auffi un tour en France, où j'apportay plu fieurs monumens antiques, com me Agates gravées, & Médail les qui furent mifes dans le cabinet du Roy, par les mains de l'Abbé Bizot.

Cinq ans s'étoient paffez depuis que j'avois renvoyé la jeune Maltoife,

Maltoife lorfque je m'embarquai à Marseille pour un nouveau voyage auLevant.Dés que notre Vaiffeau toucha à Malte je des cendis, & me fis mener chez le Seigneur Lorenzo, où je demanday à luy parler. Il vint me recevoir dans une falle, & je luy dis que je venois luy faire des complimens de Monfieur Paul que j'avois vû en France. Le Médecin affez froid làdeffus, me répondit qu'il ne connoiffoit perfonne en France, & que je me méprenois fans doute. Il faut donc, luy repliquay-je, que mon ami fe foit bien moqué de moy quand il m'a dit qu'il avoit tiré d'esclavage la fille d'un Médecin de ce Païs. Tout d'un coup cet hom me fe mit à m'embraffer, & d me demander pardon, de ne s'être pas d'abord fouvenu du nom de mon amy. Il m'en de

Tome I.

C

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