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C

VOYAGE

DU

LEVANT

J

E ne penfois point à publier mon dernier Voyage d'Egypte fans l'ordre de S. A. R. Madame, qui m'y a engagé.Les lieux oùj'aiété, & dont, ou nous n'avons pas de relations, ou nous n'en avons que de gens qui n'en parlent que fur la foy d'autruy,donneront peutêtre quelque curiofité. Comme peu de Voyageurs fe font don

Tome I

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nez la peine de parcourir la haute Egypte, on me fçaura gré fans doute d'y avoir été, & d'en décrire ce que j'ay vû Je ne parleray qu'en paffant des autres endroits, fi ce n'eft que quelque avanture ou quelque fingularité qui n'ait pas été remar quée, m'y engagent.

Qu'on ne s'atende pas neanmoins à une longue fuite d'évenemens plus extraordinaires les uns que les autres. Il eft rare qu'il en arrive à beaucoup de gens; & ce qu'on en lit dans de certains Voyageurs n'eft pas exempt tout-à-fait de foupçon. Excepté peut-être deux ou trois, quelques habiles prétendent que le refte eft fait à plaifir; ou pour se donner de la réputation, ou pour fe procurer quelque fortune. Commé je n'ay aucune de ces vûës icy, je ne diray que ce que j'ay remarqué moy-même,

ou ce que je croiray pouvoir être utile à ceux dont le penchant femblable au mien, fait entreprendre de longs Voyages.

L

Premier paffage à Malte. Délivrance de la fille d'un Médedecin de cette Ifle d'entre les mains des Turcs.

J

E partis donc de Paris le 18 Juin 1699. par la diligence pour Lyon, & de-là par les voitures ordinaires j'arrivay le 27 à Avignon, où quoique j'euffe payé toutes les Douanes, des Commis qui y font pour la France, me firent payer frauduleuleufement jufqu'à Marseille.. J'arrivay le 30 May à cette derniere Ville, où je demeuray juf qu'au s Aouft pour attendre un

Embarquement. Monfieur de Feriol Ambaffadeur du Roy à la Porte qui y arriva en ce temslà, me donna des lettres de recommandation pour tous les Confuls du Levant.

Dés que je fus embarqué l'on eut d'affez grandes chaleurs, & le 9 d'Aouft entr'autres l'on dit qu'il en mourut une chévre & un mouton. Leis nous nous trouvâmes devant le Port de Malte. J'allay avec ceux du vaiffeau dans la Ville, où je demanday au Seigneur Lorenzo, Médecin du lieu, des nouvelles de fa fille que j'avois tirée d'efclavage. Cet homme les larmes aux yeux, me dit qu'elle étoit morte. L'eftime que j'avois conçue pour cette aimable perfonne, me fit reffentir fa perte vivement. J'avois promis de l'époufer aprés mon Voyage, fi Dieu me faifoit la grace de la

revoir. Les avantures que j'eus à ce fujet, meritent bien que j'en dife icy quelque mot, quoyque cela foit arrivé dans mes premiers Voyages.

Aprés le tour que je fis en Morée, & le Siege de Negrepont, je fis amitié dans l'Ifle de Malte avec un Capitaine qui montoit un Vaiffeau de 30 pieces de canon pour faire le cours en Levant. Il me reçut en qualité de Volontaire, & quand nous fumes dans l'Archipel, je m'em. barquay fur un autre Vaiffeau, dont le Capitaine me fit fon Lieutenant. Lorsque nous arrivâmes auPort deNio,aprés plufieurs courfieres, & quelques prifes; quelques actions de hardieffe & de courage m'acquirent les bonnes graces de ce Capi taine, & entr'autres l'occafion où fon Lieutenant fut tué. Nous étions 35 hommes dans

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