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Affar-haddon. Car, fi l'on en croit le fçavant P. de Tournemine, (1) non-feulement c'étoit le Ninus de Diodore de Sicile, & l'Affaradin de Ptolémée, mais encore le Nabuchodonofor de l'Histoire de Judith, & l'Anacyndaxare, ou felon d'autres, (2) Anabaxare, appellé Lamès par un ancien Chronographe, (3) & qui fut pere de Sardanapale.

Il a montré de plus au même endroit, que c'étoit le Sargon d'Ifaïe, comme encore l'Afordan, & l'Asenaphar d'Efdras. Exemples, qui ne laiffent aucun lieu de douter, que les Peuples n'énonçaffent ainfi en abregé les noms de ces Princes, de leur vivant même. Or il étoit impoffible, que cela ne causât beaucoup d'embaras dans leur hiftoire, comme il eft arrivé en effet en plufieurs occafions, & furtout à l'égard des Princes, dont je vais parler.

S. IV.

Du tems où a vécu Sardanapale 1.

Puifque les Hiftoriens, qui ont été citez au §. I. ne font mention, que de deux Rois d'Affyrie du nom de Sardanapale, il faut tácher d'abord de découvrir en quel tems a vécu le premier.

Si l'on en croit un des plus habiles membres (4) de l'Académie des Infcriptions, qui nous a donné un Effai fur l'Hiftoire, & la Chronologie de Affyriens de Ninive, le premier Sardanapale étoit contemporain d'Achab, Roi de Samarie. Car ce Sçavant prétend, que la prife de Ninive par Arbace, & Béléfis, & la mort de Sardanapale arrivérent l'an 916. avant Jesus-Christ, qui eft le 3798. de la Période Julienne. En quoi il la fuppofe plus ancienne de 253. ans, que ne l'a fait même le P. Pezron. (5)

Mais cette fuppofition roule fur un fondement ruineux, à mon avis; je veux dire fur la Chronologie de Ctéfias, fuivie par Eufébe, par Syncelle, & par quelques autres; mais abandonnée depuis plus d'un fiècle par les Chronologiftes les plus éclairez, (6) comme fai

(1) Le P. de Tournemine, Tab. Chronol. Sacr. pag. 449. & feq. à la fin de la derniére édition de Ménochius fur l'Ecriture Sainte.

(2) Voyez Athénée, XII, 7, p. 128. (3) L'Auteur du Chonicon Pafchale, au lieu cité ci-deflus.

(4) M. Fréret, Mémoir. de l'Académ, des Infcript. Edit. in 12. Tom. 7. p. 627. (5) Dom Pezron, l'Antiq. des Tems rétab. Chap. 12. p. 138.

(6) V. entre autres Conringius, Adverf. Chronol Cap. 1, & feq. Le Pere Hardoüin,

Oper. Select. p. 525. Le P. de Montfaucon, Hift. de Judith, p. 120, & fuiv. Le P, Tournemine, Eclairciff. mis au-devant de l'Hift. des Juifs de Prideaux, Edit. de Paris, p. LV. Marsham, Canon. Chronic. p. 528. Edit. Lipf. Le P. Nic. Abram, in Pharo Vet. Teft. p. 147,

feq. Schroeer, Imper Babylonis & Nini, p. 127, & feq. Le P. le Quien, l'Antiquit. des Tems détruite, p. 309,& fuiv. M. Goujet, dans la continuat. des Mém. de Littéral. Tom. 1. p. 121, & 389, &c. Ec

fant l'Empire des Affyriens beaucoup plus ancien, qu'il ne l'étoit en effet. Car quelques efforts, qu'ait fait cet illuftre Académicien pour la défendre, je ne vois pas, qu'il ait fuffifamment répondu aux raifons, que d'autres ont employées pour montrer, qu'il n'est pas poffible de l'accorder avec l'Ecriture Sainte, ni avec Hérodote, qui eft après elle le guide le plus sûr, pour l'histoire de ces tems re

culez.

Or Hérodote affure, (1) que l'Empire d'Affyrie ne dura que 520. ans, & qu'il fut détruit par les Médes fous Cyaxare; ce qui ne put arriver avant l'an 4108. de la Période Julienne. D'où il fuit, que cet Empire ne faifoit guére que commencer l'an 3798. loin qu'il ait été alors renversé par Arbace, après une durée de plufieurs fiécles, comme le prétend M. Fréret. Si quelques autres anciens Hiftoriens fe font jettez dans des calculs differens, c'eft qu'étant deftituez du fecours des Annalistes des Juifs, ils ont crû pouvoir suivre la route, qui leur avoit été tracée par Ctéfias, & fe font égarez avec

lui.

Une chofe, qui auroit dû ouvrir fur cela les ycux à tous ceux, qui ont préféré la Chronologie de Ctéfias, c'eft que les principales circonftances de la prise de Ninive par Arbace, & Bèléfis, font les mêmes, que celles de la prife de la même Ville fous Nabuchodonofor, & Cyaraxe, dont la vérité eft affurée par le témoignage du Livre de Tobie. (2) Or il n'eft guére vraisemblable, qu'un pareil événement arrive deux fois de la même maniére. Je ne trouve d'ailleurs dans aucun Hiftorien, qu'il y ait eu deux Sardanapales détrônez. Ainfi le plus fûr eft, de n'attribuer ce malheur qu'à un feul, & de s'en tenir au raport d'Hérodote, qui s'accorde fi bien avec les Livres facrez.

Un autre Auteur moderne (3) croit, que le premier Sardanapale pouvoit bien être le Roi phul, qui eft auffi le premier des Rois d'Alfyrie, dont parle l'Ecriture. Il eft perfuadé, que fon nom étoit Srdan-Phul, c'cft-à-dire, Princeps ifte Plu!; & comme il paroît avoir été belliqueux, il reconnoît en lui le caractére, que lui donne Callifthéne, (4) & foupçonne que c'eft pour lui, qu'a été fait le Monument d'Anchiale, dont il fera parlé dans la fuite.

Mais une auffi légére conformité de nom, & d'actions, ne me paroît pas une raison affez forte, pour croire, que ce Prince foit

(1) Hérodote, Hift. I, 95, 106.
(2) Tobie, Cap. ult. v. ult. Edit Gr.
(3) Jo. Chriftoph. Artopæus, De fummis

Imper. Diatrib. 2. §. 2. p. 3.

(4) Callifthéne, Loc. cit. fupr §. 1.

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celui, dont a parlé Callifthéne; d'autant plus que je ne vois pas, qu'il ait fait aucune expédition affez mémorable, pour le regarder comme un Prince fort belliqueux.

Il me paroît donc plus vraisemblable, que le premier Sardanapale a été Affarhaddon. Car 1°. ces noms font très-conformes, furtout fi l'on prononce ce dernier, comme le faifoient quelquefois les Juifs, qui difoient afordan. Conformité, qui a tellement frappé la plupart des Sçavans, (1) qu'ils ont pris ce Roi pour le dernier Sardanapale. 2°. Il n'y a guére eu de Roi plus belliqueux, que lui. Les Juifs n'en (2) firent que trop la trifte expérience, ainsi que beaucoup d'autres Peuples de l'Afie. (3) Mais quoique ces raifons me paroiffent fortes, comme ce ne font que des conjectures, qui peuvent être fautives, je n'y fuis point tellement attaché, que je ne change de fentiment fans peine, fi on en propose un meilleur.

S. V.

De Sardanapale 11. dernier Roi d'Affyrie.

Il ne faut point être étonné, s'il regne une fi grande incertitude dans l'Hiftoire, dont je viens de parler. Les Livres Saints ne nomment aucun Roi d'Affyrie avant Phul, contemporain de Manahem, Roi d'Ifraël, qui vivoit l'an 3943. & ils ne difent, que peu de chofes de fes fucceffeurs.

Nous avons malheureufement perdu l'Hiftoire des Affyriens, qu'Hérodote avoit compofée, & qui nous auroit pleinement éclairci fur la Chronologie de cet Empire, autant qu'on en peut juger par ce qu'on en trouve dans ce qui nous refte de lui.

Ctéfias fon émule, qui avoit donné une Hiftoire fort étenduë de l'Empire d'Affyrie, étoit plûtôt un faifeur de Roman, qu'un Historien. Une preuve manifefte du peu de foin, qu'il avoit pris de s'inftruire de ce qui s'étoit paffe fous les anciens Rois de Ninive, c'elt que dans le grand nomb,e de ceux, qui ont regné depuis Ninyas jufqu'au dernier Sardanapale, il n'y a eu, fi l'on l'en croit, que le feul Teutanus, qui ait fait quelque action mémorable, comme il

(1) Génébrard, Chronol. pag. 70. Conrin- (2) Voyez Prideaux, Hift. des Juifs, lar gius, Adverfar. Chronol. Cap. 3. Le P. Har-l'an 677. avant J. C. & les fuiv. Jouin, Oper. feleit. p. 546. M. Fréret, Loc. (3) Voyez Marsham, Canon. Chronic. pag. Jupr. cit. p. 602, 634. Newton, Chronolog. 514. Edit. Lipfienf.

P. 304. Edit. de 1728.

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paroît par ce qu'en rapportent Diodore (1) de Sicile, & Justin, (2) qui ont jugé à propos de le fuivre, plûtôt qu'Hérodote. Cependant l'Ecriture Sainte nous a fourni plufieurs preuves du contraire; quand ce ne feroit que la grande expédition de Sennacherib, qu'Hérodote (3) n'a pas oubliée, & qu'un Hiftorien tant foit peu exact n'auroit pas dû paffer fous filence. Je laiffe à part les autres juftes reproches, qu'on a faits à Créfias, pour en venir au dernier Sardanapale, fur qui nous fommes forcez de nous en raporter à lui, faute de mieux; bien entendu que nous ne l'en croirons, qu'à bonnes enfeignes.

On ne sçauroit douter, que ce Prince n'ait exifté, & qu'il n'ait porté le nom de Sardanapale, de l'aveu même d'Hérodote; puifqu'il en dit un petit mot en paffant, [4] en parlant de fes grands tréfors.

L'une des Infcriptions, dont il fera parlé dans la fuite, [5] le fait fils d'Anacyndaraxe, que le P. pe Tournemine [6] croit être l'Affarhaddon de l'Ecriture. Je foupçonne volontiers auffi comme lui, & comme quelques autres, [7] que Sardanapale pouroit bien être le fecond fils de ce même Roi, qui eft appellé chiniladan, dans le Canon Chronologique attribué à Ptolémée. On lui a encore donné le nom de sa ac, fi l'on en croit Alexandre [8] Polyhiftor; & celui de Thones Concoleros, fuivant Eusebe, [9] & Syncelle; [10] celui de Lamès, dont j'ai fait mention au §. III. & même de plus celui de Ninus, comme je le ferai voir au §. X. Sans compter ceux de zab, & de Bazab, que les anciens Perfans, dit-on, [11] lui ont donnez. Ce qui pouroit étonner, fi je n'avois déja montré au §. III. que tous ces différens noms, à les fuppofer véritables, ne font point du tout incompatibles.

Pour ce qui eft des circonstances de fa vie, nous n'en fçavons, que ce qu'il a plû à Diodore de Sicile (12) de nous en apprendre, fur la foi de Célias, qui m'eft affez fufpecte. Quoiqu'il en foit, il dit que ce Prince fe livra à la molleffe, & au plaifir plus qu'aucun de fes prédécefleurs. Il nous le dépeint, comme paffant fa vie avec fes femmes, & fes Eunuques, & n'ayant rien de mâle, que le fexe. Cela le rendit fi méprifable aux Grands de fa Cour, que deux d'entr'eux, l'un Chef des Médes, nommé Arbace, l'autre appellé Béléfis, & l'un des principaux de Babylone, entreprirent de le dé

(1) Diodore de Sicile, Biblioth. Lib, 2. (2) Justin, Hift. I. 2.

(3) Hérodote, II, 14 i.

,4)Le même II. 150.

(5) §. IX.

(7) Ufferius, Annal, ad ann. Mund. 3378.
(8) Dans Syncelle, Chronogr. p. 210.
(9) S. Jérôme, Chronic, ad Ann. 1177.
(10) Syncelle, Chronogr. p. 165.
(11) Voyez Schikard. dans Rupert, in Veli

(6) Le P. de Toutnemine, Differtations ci- leium Paterc. 1, 6. dejus citées, p. 452.

(12) Diodore de Sicile, Biblioth. Lib. z.

trôner. Ils foulevérent donc leurs Compatriotes, & avec l'aide du Roi des Arabes, ils formérent une grande Armée, avec laquelle ils marchérent contre Ninive. Sardanapale raffembla de fon côté tout ce qu'il put recouvrer de Troupes, & gagna jusqu'à trois batailles fur les rébelles. Mais dans le tems que fon Armée fe livroit à la joie, que lui caufoient ces profpéritez, les rébelles ayant appris, qu'on y negligeoit les précautions, qu'on doit prendre, quand l'ennemi n'eft pas loin, furprirent le Roi dans fon Camp, & mirent fes Troupes tellement en déroute, qu'il fut obligé de fe jetter dans Ninive, pour la détendre, & de laiffer à Salaméne fon beaufrere le commandement du reste de fon Armée. Enfuite ce dernier ayant été deux fois battu par les rébelles, & même tué dans un dernier combat, Arbace, 、 & Béléfis mirent le fiége devant Ninive. Mais le Roi, qui avoit bien pourvû la Ville de toutes chofes, s'y défendit vaillamment pendant deux ans; en forte que les affiégeans auroient peutêtre abandonné leur entreprise, fi la troisième année l'Euphrate débordé n'eût abattu un endroit confidérable des murs de Ninive. Alors Sardanapale fe voyant perdu, & craignant de tomber entre les mains de fes ennemis, fit élever en fon Palais un grand bucher, où il se brûla avec fes femmes, fes Eunuques, & fes trésors. Après quoi Arbace, & Béléfis, fe rendirent maîtres de Ninive fans aucun obftacle.

Je ne fçais fi on doit trop compter fur cette narration. Du moins n'eft-elle pas exacte fur le fait du débordement de l'Euphrate. Car Ninive n'étoit point fituée fur cette riviére; mais fur le Tigre. D'ail leurs d'autres Hiftoriens, comme Clitarque en fon Hiftoire d'Aléxandre, (1) ont affuré que Sardanapale étoit mort de vieilleffe; bien que d'ailleurs ils foient convenus, qu'il fut dépouillé de fes Etats. Et le Scholiafte d'Aristophane (2) dit, que le feu ayant pris à fon Palais, il périt dans cet embrafement. Quoiqu'il en foit, c'est un fait convenu entre tous les autres Hiftoriens, que l'Empire des Affyriens finit avec lui, & paffa entre les mains des Médes.

A l'égard de fes meurs efféminées, on s'accorde affez fur ce point; quoique peutêtre Créfias, & fes Copiftes ayent un peu outré les chofes à cet égard. C'est ce qu'a foutenu il y a quelques années un habile Allemand, en fon Apologie (3) de Sardanapale, où il a fait voir par le récit même de Diodore, que ce Prince donna de bonnes

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