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qu'on ne trouvoit point dans les Prophètes le nom de Perfes, mais feulement celui de Médes, lorfqu'ils veulent parler de Cyrus, ou de la prife de Babylone,

Il est vrai que Jofèphe (1) semble favorifer en quelque chofe le fentiment de M. Des Vignoles. Car il dit, que Cyrus, Roi des Perfans, & Darius, Roi des Médes fon parent, affiégérent le Roi de Babylone dans fa Capitale ; que ce Darius, avoit alors foixante-deux ans; & qu'il emmena avec lui dans la Médie le Prophète Daniel.

Mais M. Des Vignoles (2) a reconnu lui-même, que Jolèphe avoit brouillé toute cette hiftoire, pour s'être attaché à la Cyropédie, Hiftoire fabuleuse de Xénophon. Car il fupofe un Roi particulier des Médes, dans un tems, où il n'y en avoit plus, & un Darius, fils d'Aftyage, qui eft le faux Cyaxare de Xénophon. Il fupofe de plus, que ce Darius, au fervice duquel étoit Daniel, étoit Roi des Médes; au lieu, que fuivant Daniel même, il regnoit à Babylone. Quelle foi peut-on donc ajouter fur ce point à cet Hiftorien?

Il eft d'ailleurs manifeftement contraire à M. Des Vignoles, en ce qu'il dit, que ce Prince emmena Daniel avec lui en Médie. Il n'a donc jamais pensé à le faire regner à Babylone. Au contraire, on voit par ce qu'il dit au commencement du Livre XI. de fes Antiquitez, que Cyrus ne ceffa point d'y regner, depuis qu'il s'en fut emparé ; tant s'en faut qu'il en eût laiffe la Couronne à un autre.

Je crois donc devoir perfifter au fentiment, que j'ai fuivi, fur les fucceffeurs de Nabuchodonofor, Il s'accorde fort bien, non feulement avec l'Ecriture Sainte, mais encore avec Bérose, & Mégasthéne, Il s'accorde auffi avec le Canon de Ptolémée, ainsi que je l'ai montré. Le Canon confirme de plus ce que dit Hérodote, que le dernier Roi de Babylone s'apelloit Labynéte, qui est manifeftement le même nom, que le Nabonodius du Canon, le Nabonnedus de Bérofe, & le Nabonnodochus de Mégasthéne. Pourquoi donc résister à l'évidence de ce système?

Je ne m'arrête pas aux difficultez, que lui a oppofees un fçavant Allemand. (3) Les plus confidérables font les mêmes, que celles de M. Des Vignoles & les autres font fi foibles, que ce n'est pas la peine de perdre du tems à les réfuter.

Pour ce qui eft de l'année de la prife de Babylone par Cyrus, puifqu'elle n'eft marquée par aucun Hiftorien, & qu'elle eft fixée par

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le Canon de Ptolémée à l'année 4176. je ne vois pas de raison pour s'en écarter. C'est l'avis du P. Pétau, & des autres Chronologiftes, aufquels M. Des Vignoles (1) s'eft conformé. Je ne vois rien dans l'Ecriture Sainte, ni dans Hérodote, qui s'y oppofe; pourvû qu'on fixe à cette même année la fin du Royaume de Babylone, & qu'on rejette ce prétendu Roi Darius Méde, qu'on dit avoir été placé fur ce Thrône par Cyrus, & qui n'eft bon, qu'à répandre d'épaiffes sé nébres fur toute cette Chronologie.

S

CHAPITRE IV.

De la Chronologie des Rois Médes, fuivant Hérodote.

Uivant l'opinion de Créfias, & de fes Sectateurs, dont j'ai parlé au Chapitre II. les Médes faifoient anciennement partie de l'Empire d'Affyrie, & ne commencérent à avoir des Rois particuliers, que lorfque s'étant révoltez fous la conduite d'Arbace, ils fe liguérent avec les Babyloniens, pour affiéger Ninive. En quoi ayant eu tout le fuccès, qu'ils pouvoient efpérer, ils furent gouvernez par Arbace, qui devint leur Roi, & par fes fucceffeurs, jusques à Astyage, lequel fut le dernier.

Dans cette fupofition, le P. Pétau (2) fixe la première année d'Arbace, qui felon lui fut la derniére du fameux Sardanapale, à l'An 3838. & M. Des Vignoles (3) à l'an 3814. Mais comme je crois avoir pleinement prouvé au Chapitre ci-deffus cité, que cette prétenduë prife de Ninive, au tems marqué par Ctéfias, eft une chimére, & que la dernière année de Sardanapale ne doit être placée, que fous l'An 4111. je rejette comme fabuleux, tout ce qu'on a dit après cet Historien, tant d'Arbace, que de la fuite de ces anciens Rois Médes.

La narration d'Hérodote (4) paroît beaucoup plus vraisemblable. Selon lui, les Médes, après avoir vécu quelque tems fous l'Empire des Affyriens, furent les premiers, qui s'en affranchirent. Ils demeurérent enfuite dans une espèce d'Anarchie, dont il ne marque pas la durée. Mais cette liberté trop grande ayant produit parmi eux

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(3) M. Des Vignates, Chronol. Liv. 4.6h. 41 (4) Hérodote, 1, 94. 96. & feq

beaucoup de défordres, ils choifirent dans un de leurs Cantons un homme fage, nommé Déjocès, pour être Juge Souverain de leurs différends. Et comme il s'acquitta très-dignement de cet Emploi, tous les autres Cantons de la Médie fe foumirent à lui volontairement, & le reconnurent enfin pour leur Roi. Il en prit auffitôt toutes les marques, & fit bâtir la Ville d'Ecbatane. Mais il fe contenta de gouverner les Médes avec équité, & tranquilité, fans inquiéter leurs voifins, & mourut après avoir regné cinquante-trois ans. La chose eft contée un peu différemment par d'autres. (1) Mais cela revient

roûjours au mêmc.

Phraorte fon fils, qui lui fuccéda, fut d'une humeur plus guerriére, & plus ambitieufe. Il fe rendit maître de la Perse, & de quelques autres Nations. Il ofa même attaquer les Affyriens. Mais il peric dans cette guerre, après avoir regné vingt-deux ans, à s'en tenir au texte d'Hérodote, tel qu'il eft dans toutes les Editions. Cyaxare fon fiis, & fon fucceffeur, regna quarante ans, & laifla la Couronne à fon fils Aftyage, qui regna trente-cinq ans, & fut détrôné par Cyrus fon petitfils. Ainfi finit le Royaume des Médes, qui avoit dominé, dit Hérodote, (2) fur la partie de l'Afie, qui eft au-dessus du fleuve Halys, cent vingt-huit années, outre les vingt-huit, que dura la domination des Scythes, dont parle le même Historien. (3) Ce qui fait en tout cent cinquante-fix ans.

Ce calcul fait avec raifon quelque peine à M. Des Vignoles. (4) Car les regnes des quatre Rois Médes, Déjocès, Phraorte, Cyaxare, & Aftyage, font cent cinquante ans, lefquels étant ajoutez aux vingt-huit de la domination des Scythes, font cent foixante & dixhuit années, & non cent cinquante feulement. D'où il conclut avec raison, qu'il faut qu'il y ait quelque faute dans ce que dit Hérodote de la durée de ces quatre regnes.

Mais il eft ici tombé dans une petite méprife, en ce qu'il donne quarante ans de regne à Cyaxare, outre les vingt-huit, pendant lefquels les Scythes ont dominé fur l'Afie fupérieure. Il est bien vrai, qu'Hérodote (5) dit, que Cyaxare regna quarante ans ; mais il ajoute, que c'eft en y comprenant les vingt-huit, que les Scythes avoient regné de fon tems. Car leur invasion, & leur ruine arrivérent fous fon regne; en forte que fi dans les cent cinquante-fix, qu'Hérodote a donnez à l'Empire des Médes, on comprend celui des

(1) Polyænus, Stratag. VII 1.

(2) Hérodote, 1, 30.
(3) Le même, I, 103. & feq.

(4) M. Des Vignoles, Chronol. Liv. 4. cb.

S. §. 1. p. 215.

(5) Hérodote, 1, 106.

Scythes, il faut réduire celui de Cyaxare à douze années. Mais en ce cas il en manquera toûjours fix au calcul d'Hérodote, comme il paroit par l'Etat fuivant.

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point eft de deviner, où se trouve la faute dans les nombres marquez par l'Hiftorien. Le P. Hardouin, (1) fuivi par d'autres, a coupé le nœud de cette difficulté, en foutenant, qu'il y avoit une erreur dans le nombre des années du regne des Scythes, & qu'il n'avoit duré que vingt-deux ans. Mais M. de Vignoles a fort bien jugé, que l'erreur n'étoit pas dans ce nombre, qui eft encore répété jufques à deux fois, & même différemment exprimé dans un autre paffage d'Hérodote. (2) En cherchant donc la fource de cette erreur, il foupçonne, qu'elle tombe fur le regne de Déjocès, qui peutêtre, dit-il, (3) regna cinquante-neuf ans.

Pour moi je crois qu'elle eft dans le nombre des années du regne de Phraorte, (4) où au lieu de ces mots : άęžas dúo Tε και είκοσι ἔτει, il faut corriger, ὠκτώ τε και είκοσι. Il ya longtems, que les Critiques (5) ont obfervé, que les anciens Copiftes ne s'étoient jamais fi fouvent équivoquez, que fur les nombres. Ils ont pû d'ailleurs facilement être trompez par la reffemblance des Lettres, x, qui marquoient 22. avec x, qui marquoient 28.

Une autre raison m'a fait croire, que la faute tomboit fur le tems du regne de Phraorte. C'eft que ce Prince ayant trouvé les Médes amollis par une très-longue paix, il n'eft guére poffible, qu'en 22. ans il ait pû les aguerrir; puis conquérir la Perle ; & enfuite fub

(1) Le P. Hardouin, Oper. felect. p. 549. Schrocer, De Imp. Babyl. & Nini, fett. IV. §. 14.

(2) Hérodote, IV, 1.

(4) Hérodote, 1, 102.

(3) V. Lipfe, Elector. II, 1. Cafaubon, De Satyr. p. 172, 173. Ménage, ad Diogen. Laert. I, 2. Le Clerc, De Arte Critic. T. 2.

(3) M. Des Vignoles. Chronol. Liv. 4. ch. p. 212. Périzonius, De Origis. Ægypt, cap.z.. 3.5.5. P. 237.

juguer toutes les nations voifines les unes aprés les autres; & entreprendre à la fin une guerre difficile contre les Affyriens, qui étoient alors le plus puiffant peuple de l'Afie. C'eft même beaucoup d'avoir pû le faire en 28. ans.

Je ne m'arrête point à l'opinion finguliére du P. Tournemine, (1) qui donne ces fix ans à une feconde, ou troisième Sémiramis, qu'il fupofe femme d'Affaraddon, Roi d'Aflyrie, & le même que le Nabuchodonofor de l'Hiftoire de Judith, dont il fera parlé à la fin de ce Chapitre. Car ce fentiment ne paroit avoir ni fondement, ni vraisemblance.

Cela fuppofé, il nous fera aifé de fixer la première année du regne de Déjocès. Car l'opinion la plus commune, & qui m'a paru la plus vraie, ainfi qu'à M. Des Vignoles, (2) eft que Cyrus s'empara de la Couronne d'Aftyage fon ayeul l'An 4155. Si l'on en déduit les 156. années, qu'Hérodote donne à l'Empire des Médes, il en résultera, que Déjocès commença , que Déjocès commença à regner l'An 3999. & non l'An 4018. comme le veut le P. Pétau, ou l'An 4015. fuivant le fentiment de M. Des Vignoles, (3) qui ne l'appuie fur aucun monument hiftorique. Or en donnant à la durée de l'Anarchie des Médes à peu près un fiécle & demi, suivanɛ ce que j'en ai dit au Chapitre II. il s'enfuivra que l'année, où ils fecoüérent le joug des Affyriens, doit être à peu près fixée à l'An 3850. & non à l'An 3998. comme l'a crû par erreur le Sçavant Conringius. (4)

Une chofe finguliére, que je ne dois pas oublier à propos

de Déjocès, c'eft que Diodore de Sicile, parlant de l'origine de l'Empire des Médes, fuivant Hérodote, attribue à Cyaxare, ce qu'Hérodote attribue à Déjocès, & dit que fuivant cet Historien, ce premier Roi parvint au trône la feconde année de l'Olym piade XVII. En quoi il paroit, que Diodore (f) a cité Hérodote de mémoire. Car ce dernier ne parle non-plus de cette Olympiade, que de ce prétendu Roi Cyaxare.

Mais il eft pourtant vrai, que l'Année 3999. où Déjocès commença à regner, eft justement la feconde, non de l'Olympiade XVII. mais de la précédente; enforte que le nombre de XVII.

(1) Le P. Tournemire, Tabul. Chronol. ad | 261. calcem Meochii in Sacr. fcript. p. 451, 452.

(4) Conringius, Adverfar. Chronol. cap. 3. (2) M. Des Vignoles, Chronol. Liv. 5. ch. (5) Diodore de Sicile, Lib. 2. p. 118. édit.

34. §. 6.

:

(3) Le même, Ibid, Liv, 4, ch. 5. §. 9. p. | de 1604.

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