Imágenes de páginas
PDF
EPUB

prendre l'hiftoire, les mœurs, la religion, & les choses curieufes de chaque Pays, il avoir été exprès, non-feulement voir l'Egypte, comme il paroit par tout fon fecond Livre, mais encore (1) la Ville de Tyr, la Palestine, (2) la Ville de Cyréne, (3) Dodone, (4) l'Ile de Thafos, (5) la Ville (6) de Cyzique, & même la Scythie (7) Européenne. Je ne parle pas d'Athènes, & du Peloponnése. Car on voit affez par ce que j'ai dit ci-dessus, qu'il y avoit fait auffi quelque féjour.

On trouve de plus dans cette Hiftoire la preuve des grands foins, qu'il avoit pris de s'informer auprès des perfonnes les mieux inftruites de chaque nation, de tout ce qui pouvoit fervir à rendre fon Ouvrage parfait ; & je doute qu'aucun Hiftorien mérite par cet endroit plus de louange, ni plus de créance.

Quoique les paffages (8) d'Hérodote, qui ont fait croire à beaucoup de gens, qu'il avoit été pareillement à Babylone, ne foient pas bien clairs, il n'eft prefque pas poffible de douter, qu'il ne l'ait vuë, fi on veut prendre la peine d'examiner la description exacte, qu'il fait en ces endroits de toutes les fingularitez de cette grande ville, & de fes habitans. Il n'y a guére qu'un témoin oculaire, qui en puifle parler avec autant de précision; furtout dans un tems, où aucun autre Grec n'avoit encore rien écrit là-deflus. De plus, qu'on faffe attention (9) à la maniére, dont il parle d'une Statuë d'or maffif de Jupiter Bélus, qui étoit dans Babylone, & qui avoit douze coudées de hauteur. En avoüant qu'il ne l'a pas vuë, parce que le Roi Xerxès l'avoit fait enlever n'eft-ce pas infinuer tacitement, qu'il avoit vû toutes les autres choses, qu'il dit être dans cette grande Ville? Il eft aisé auffi de reconnoitre par divers autres paffages de fon Ouvrage, (10) qu'il avoit conféré fur les lieux avec des Babyloniens, & des Perfans, fur ce qui regardoit leur réligion, & leur histoire. D'ailleurs il n'eft guére vraisemblable, qu'un homme, qui avoit parcouru tant de différens Pays, pour s'inftruire de tout ce qui pouvoit les concerner, cût négligé d'aller voir une ville, qui paffoit alors pour la plus belle du monde, & où il pouvoit recueillir les mémoires les plus fûrs pour l'hiftoire, qu'il préparoit de la haute Asie ; furtout en ayant approché de si près.

(1) Hérodote, II, 44.
(2) Le même, II, 106.
(3) Le même, II, 181.
(4) Le même, II. 52.
(5) Le même, II, 44.

(6) Le même, IV, 14.

(7) Le même, IV, 81.

(8) Le même, 1, 178. & 193:

(9) Le même, 1, 183.

(10) Le même, 1, 95. 181, 182, 183]

Je ne me fuis étendu fur ce point, que parce qu'un habile Chronologifte, (1) pour décrier notre Hiftorien, furtout par raport à l'hiftoire des Affyriens, a prétendu qu'il n'avoit jamais été à Babylone, & qu'il n'en avoit parlé, que fur de faux mémoires. Mais j'ofe dire, que cette acculation eft fans fondement, & pleinement détruite par ce que je viens d'observer.

On ne fçauroit guére douter, qu'Hérodote n'ait entrepris tous ces voyages pendant le tems de fa retraite à Samos. Car après fon retour en fa patrie, il fut fans doute trop occupé des mouvemens, que lui cauférent tant l'expulfion du Tyran Lygdamis, que l'établiffement d'une nouvelle forme de gouvernement dans Halicarnaffe. Il eut de plus à fe deffendre de la jalousie de ses concitoyens, laquelle le força enfin à s'exiler de nouveau volontairement de fon Pays natal, & à s'aller établir ailleurs.

Il est donc vraisemblable, qu'ayant employé quelques années à voyager, il retourna à Samos, & que pour mettre à profit les mémoires, qu'il avoit apportez de tous les lieux, où il avoit été, & le loifir, dont il joüiffvit dans cette Ifle, il fe mit à compofer la première partie de fon Histoire, où l'on voit les origines des Nations étrangères, qu'il avoit parcouruës. Après quoi, pour fe faire connoitre, il fut porter cet effai aux Jeux Olympiques de l'An 4258. que je crois antérieurs à l'expulfion de Lygdamis.

Pour ce qui est du refte de fon Ouvrage, je fuis perfuadé qu'il le compofa à Thurium, & que même il y perfectionna la premiére partie, en y faifant diverfes additions, ou corrections. Ce qui eft de fûr, c'eft qu'on trouve dans cette Hiftoire, le récit de di vers faits, qui font postérieurs à l'année 4270.

[ocr errors]

Par exemple, il y raconte (2) une chofe, qui n'arriva que la feconde année de la guerre du Péloponnese, (3) & la troisième de l'Oylmpiade 87. c'est-à-dire l'An 4284. C'est que les Ambaffadeurs des Lacédémoniens furent arrêtez par Sitalcès, Roi de Thrace, & enfuite égorgez par les Athéniens, aufquels ils furent livrez par ce Prince. Hérodote (4) avoit auffi parlé peu auparavant de la furprise de Platée par les Thébains, laquelle étoit arrivée l'année précédente, & qui fut le prélude de cette fameufe guerre. De plus, comme il a été déja obfervé par d'autres, (5) quoi

(1) M. Des Vignoles, Chronolog. Liv. 4. | Bell. Peloponn. ch. 4. §. 5. n. ult. & lib. 5. ch. 3. §. 19. n. I.

(2) Hérodote, VII, 137.

(4) Hérodote, VII, 233.

(3) V. Dodwel, Annal. Thucyd. ad Ann.a. 17251. Les Journalistes de Trevoux, Juillet,

p. 1173,

qu'ils n'en ayent pas bien expofé la preuve, Hérodote parle ailleurs (1) d'un fait, qui n'elt arrivé que treize ans aprés. Car il dit, que Paufiris, fils d'Amyrtée, Roi d'Egypte, regna après fon pere. Or Armyrtée fouleva les Egyptiens contre Darius, fils naturel de Xerxès, la feconde année de ce Roi de Perfe, fuivant Syncelle, (2) & regna fix années, comme l'attefte le mêAuteur. Ainfi la premiére année de fon fils tombe fous l'An 4297.

Marsham (3) a même prétendu, qu'Hérodote avoit fait mention d'une chofe, qui n'arriva, que n'arriva, que la 19. année de la Guerre du Péloponnefe; c'eft-à-dire l'An 4301. Le fait, raporté par cet Hiftorien, (4) eft que dans les courfes, que firent les Lacédémoniens fur les Peuples de l'Attique dans cette guerre, ils épargnérent Décélée. Or Marshain croit qu'il a voulu parler de ce que dit Thucydide, (5) que dans l'année 19. de cette guerre, les Lacédémoniens fortifiérent cette place. Surquoi les Sçavans Journalistes de Trevoux (6) obfervent néanmoins très bien, que la narration d'Hérodote regarde un fait different, & qui apparemment arriva la premiére, ou la feconde année de cette guerre dans les courfes, que les Lacédémoniens firent dans l'Attique. Car épargner une Ville, n'eft pas la fortifier.

Bien loin donc qu'on doive conclure de ce paffage d'Hérodote, qu'il travailloit encore à fon Hiftoire l'An 4301. il faut en conclure tout le contraire. Car il n'auroit pas manqué d'y parler des avantages, que tirérent les Lacédémoniens de la fituation, & de la fortification de cette Place, fi la chofe s'étoit paflée avant la publication de fon Ouvrage.

Cela fuppofe, il me paroit prefque certain, qu'il y mit la derniére main, & qu'il la rendit publique environ l'An 4300. Et j'en tire cette conféquence, que c'eft peut-être l'une des Epoques aufquelles il faut s'arrêter, lorsqu'il parle des années, qui fe font écoulées jufques à lui. Ce qu'il fait affez fouvent, comme on le verra dans les Chapitres fuivans.

L'Hiftoire, que nous avons de fa façon, n'eft pas la feule, qu'il eût compofce. Il avoit promis (7) d'en donner féparément une autre particulière de l'Empire d'Affyrie; & quoique quelques Sçavans (8)

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

ayent paru douter, qu'il ait jamais exécuté ce deflein, je ne sçaurois foufcrire à leurs avis.

En effet, ils raportent eux-mêmes un paffage d'Ariftote, (1) où il reprend Hérodote, pour avoir avancé certain fait, que cet Hiftorien difoit être arrivé pendant le fiége de Ninive. Or ce fait ne peut être tiré, que de fon Histoire d'Affyrie, à laquelle même il nous renvoye (2) dans l'Ouvrage, qui nous refte, pour tout ce qui regarde ce fameux fiége.

Et c'est envain, qu'un de ces Sçavans (3) foupçonne, que la citation d'Ariftote pouvoit fe trouver dans quelque exemplaire plus entier, que ceux que nous avons de l'Hiftoire d'Hérodote. Car outre que ce foupçon n'a aucun fondement, il eft détruit par ce que je viens d'obferver, que cet Historien avoit reservé pour fon Histoire d'Affyrie tout ce qui regardoit la prife de Ninive.

Il est vrai, comme le dit le même Sçavant, que Voffius le fils avoit recueilli plufieurs paffages d'Hérodote, citez par les anciens, & qui ne fe trouvent point dans l'Ouvrage, qui nous eft refté de lui. Mais cela même fert à convaincre, qu'il en avoit fait d'autres, qui fe font perdus ; & fi nous avions le Recueil de Volfius, nous reconnoitrions fans doute, que plufieurs de ces paffages faifoient partie de fon Hiftoire d'Affyrie. En voici l'un, que j'ai trouvé dans une ancienne Chronique Grèque, (4) & qui ne permet guère d'en douter.

II y eft dit, fur le témoignage de notre Historien, que Séfoftris, célébre Roi d'Egypte, après avoir fubjugué tous les Peuples de l'Afie, & les Affyriens entr'autres, établit en Perse une Colonie de quinze mille Soldats Scythes, qu'on apella Parthidiens lefquels confervérent long-tems les mœurs, la bravoure, & l'habillement même de leurs ancêtres. Or qui ne voit, que ce récit eft tiré de l'Hiftoire Affyrienne d'Hérodote ?

Peut-être en faut-il dire autant, de ce qu'on lit dans Cédréne, (5) d'après Hérodote, qu'il y avoit eu jufques à fept Hercules, différens du fils d'Alcméne. Car on ne voit rien de tel, dans ce qui nous refte de cet Hiftorien. Je trouve encore d'autres paffages du même, (6) citez ailleurs, & qui ne font point dans

(1) Ariftote, Hift. Animal. VIII, 18. (2) Hérodote, Loc. citat.

(3) Jean Albert Fabricius, Loc. citat.

[ocr errors]
[blocks in formation]

(6) V. Etienne de Byzance, V. A'vdavía,

(4) Chronicon Pafchale, p. 47. Edit. de & Suidas, V. H'godotos,& V. Tavúag.s.

8688.

fon Ouvrage. Mais on ne fçauroit affurer, qu'ils foient tirez de fon Hiftoire d'Affyrie.

Nous avons encore du même Auteur une vie d'Homére. Il est vrai, que quelques Critiques (1) ont prétendu, qu'elle n'étoit pas de lui. Mais puifqu'elle lui eft attribuée par tous les Anciens, qui en ont parlé, quelle raifon y auroit-il de lui en enlever l'hon

neur ?

[ocr errors]

que

On n'en allégue aucune, qui ait quelque apparence de folidité, fi ce n'eft la différence de ce qui eft dit dans cette vie fur le tems, où Homére a vécu, & de ce qui en eft raporté dans l'Hiftoire d'Hérodote. Mais cette différence ne vient d'une faute, qui s'eft gliffée dans les nombres, par la négligence des Copistes, comme d'autres l'ont obfervé, & comme nous le ferons voir ci-après Chapitre XI. Et pour la diverfité du style, elle roule fur des chofes peu confidérables, & qui vraisemblablement doivent être attribuées pareillement aux Copiftes, qui n'entendoient pas bien le Dialecte Ionique, ainfi que je pourai le montrer ailleurs. Car ce n'eft pas ici le lieu d'entrer dans ces difcuffions Gram

maticales.

Je tiens donc que cette vie eft véritablement d'Hérodote ; mais que c'eft un Ouvrage de fa jeuneffe, & une efpèce d'effai de ce qu'il devoit faire un jour dans le genre Hiftorique.

Comme au Livre II. de fon Hiftoire, (2) parlant d'un certain événement, qui regardoit Apriès, Roi d'Egypte, & les Cyrénéens, il renvoye à ce qu'il en dira, en parlant des affaires d'Afrique (ev TOTσ, NICUxDIO, Xeyors) M. Fabricius (3) a crû qu'Hérodote avoit auffi promis une Hiftoire particuliére de cette Partie du Monde. Mais ce Sçavant Allemand s'eft trompé en cela. Car ce que l'Hiftorien promet en cet endroit de raconter, fe trouve en fon Livre IV. (4) dans lequel il nous donne une hiftoire abregée de tout ce qui regardoit les Rois de Cyréne, & de ce qu'il fçavoit de l'Afrique.

રે

Nous ne fçavons pas précisément le tems de la mort d'Hérodote. Mais à l'égard du lieu, je crois que ce fut à Athénes ; puisque Marcellin, en fa vie de Thucydide, aflure, qu'on y voyoit le tombeau de ces deux fameux Hiftoriens l'un auprès de l'autre, parmi ceux, qu'on apelloit, Kuóvia μvýμara. Et comme il ajoute,

(1) V. Jean-Albert Fabricius, Biblioth. Gr. Lib. 2. Cap. 1. §. 2. 3. Bergler, Prefat. in Homer, Ody. p. 13. Edil, Amflel, 1707,

(2) Hérodote, II, 161.

(3) Fabricius, ibid. Lib. 2. Cap. 19. §. S. (4) Hérodote, IV, 159.

qu'il

« AnteriorContinuar »