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CHAPITRE V.

De la Chronologie des Rois Lydiens, fuivant Hérodote.

Eux, qui voudront s'inftruire à fonds de l'histoire des anciens

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Rois de Lydie, trouveront de quoi se fatisfaire pleinement dans les amples Differtations, que deux illuftres Membres de l'Académic des Belles-Lettres, M. l'Abbé Sevin, & M. Fréret, ont inférées dans les Mémoires imprimez de cette Académie. Ils y ont ramaffe de toutes parts, ce qui pouvoit fervir à éclaircir cette hiftoire, fans s'attacher à aucun Auteur particulier.

Mon plan est en cela différent du leur. Car il ne tend, qu'à fixer le fystème particulier d'Hérodote fur la Chronologie de ces Rois, afin de faciliter l'intelligence de ce qu'en a dit ce célébre Historien. M. Fréret a eu raifon de dire, que l'Epoque de la ruine du Royaume de Lydie doit fervir de base à toute la Chronologie des Princes, qui y ont regné. Cela eft du moins certain à l'égard d'Hérodote. Car il eft aife de voir, que c'eft à cette Epoque, qu'il a raporté tout ce qu'il a dit fur le tems des regnes de ces Rois. Ainfi nous devons commencer par établir, ce qu'il a pensé du tems, où l'infortuné Créfus fut détrôné per Cyrus.

Il n'a pourtant point marqué précisément la date de cette fameuse révolution. Il paroît feulement par ce qu'il dit, (1) qu'elle précéda la prife de Babylone, par laquelle Cyrus fe vit maitre de toute l'Alie. Mais M. Fréret, (2) & M. Des Vignoles ont très-bien prouve, que cet événement doit être fixé à la dernière année de Ï'Olympiade 58. & par conféquent à la fin de l'An 4169. ou au commencement de 4170. Je prens donc cette dernière année pour l'Epoque de la deftruction du Royaume de Lydie, & non de la mort de Créfus, lequel furvécut à Cyrus, fuivant le témoignage d'Hérodote. (3)

Cet Hiftorien affurant d'autre part, (4) que Créfus avoit regné quatorze ans, on en doit conclure, qu'il monta fur le Trône l'An

(1) Hérodote, I, 130.

(2) M. Fréret, Mém. de l'Acad. des BellesLettres, Tom.7. p. 426. Edit, in-12. Et M. Des Vignoles, Chronol. Liv. 5. cb, 14. §. 6,

P.553.

(3) Hérodote, III, 34.
(4) Le même, 1, 86.

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4155. ou 4156. Ainfi tout ce qu'Hérodote raconte (1) des expéditions de ce Prince contre les Ephéfiens, & enfuite contre tous les autres Grecs de l'Afie Mineure, qu'il rendit tributaires de fa Couronne, & contre plufieurs autres Peuples, qu'il fubjugua, comme auffi de ses entretiens avec le Philofophe Solon, semble devoir trouver place dans ces quatorze années.

Les Sçavans font feulement e:nbarassez au sujet de l'entrevuë de ce Prince avec Solon. Car Hérodote (2) dit, que ce célébre Philofophe partit d'Athénes, après qu'il eût donné des Loix aux Athéniens; c'est-à-dire après, qu'il eût quitté la dignité d'Archonte, laquelle il exerça la troifiéme année de l'Olympiade 46. qui répond à l'An 4120. Or Créfus, fuivant ce qui vient d'être dit, ne commença à regner, que trente-fix ans après. D'ailleurs on prétend, (3) que Solon mourut deux ans après, que Pififtrate fût devenu Tyran d'Athènes. Ce qui arriva l'An 4153. comme je le ferai voir au Chapitre XIV. D'où il fuivroit, que Solon n'étoit plus en vie, quand Créfus parvint au Trône.

Je ne trouve pas moins de difficulté à placer dans ces quatorze années, les conquêtes de Créfus, tant fur les Grecs du continent de l'Afic, que fur divers autres Peuples en-deçà du Fleuve Halys. C'est ce qui m'a fait entrer dans la pensée de quelques Sçavans, qui ont crû, que Créfus avoit éte affocié par fon pere long-tems avant fa mort à la Couronne de Lydie. Mais c'est un point, que je difcuterai au Chapitre XVI. où je ferai voir, que cette affociation fe fit vraisemblablement environ l'An 4140.

Hérodote (4) nous ayant marqué le nombre des années des regnes des prédéceffeurs de Créfus, à commencer par Gygès Auteur de la derniére Dynaftie de ces Rois, il fe trouve qu'ils ont regné pendant 170. ans, & par conféquent que la premiére année de Gygès tombe fous l'An 4000. Quelques autres Auteurs (5) ont avancé, ou reculé de quelques années la mort de Candaule. Mais je ne cherche ici, que le fentiment de notre Hif

torien.

Si on l'en croit, (6) Candaule étoit le vingt-deuxième d'une autre Dynastie, laquelle avoit commencé au Roi Argon, ou Agron, & qui dura 505. années. Sur ce pied Argon avoit commencé à

(1) Hérodote, I, 26. & feq.

(2) Le même, 1, 29. 30.

(3) Meurfius, in Solone, Cap. 30. (4) Hérodote, I, 14. & feq.

(s) M. l'Abbé Sévin, Loc. citat. p. 403 ›

404.

(6) Hérodote, 1, 7.

505.

regner l'An 3494. M. l'Abbé Sevin (1) a crû que ce nombre de sos. étoit défectueux, & qu'il lui falloit fubftituer celui de 405. Mais M. Fréret fon confrére a fort bien fait voir, (2) que ce Sçavant Abbé n'en a jugé ainfi, que pour accommoder fa Chro nologie au systême, qu'il s'eft fait du tems de la prise de Troye, au lieu de faire attention au fyftême particulier d'Hérodote fur ce point, que nous déveloperons dans un autre Chapitre.

Cet Argon, ou plûtôt Agron, fuivant quelques manuscrits, dont l'autorité eft confirmée par un paffage de Pollux, (3) étoit arriére-petitfils d'Alcée, ou Acélaus, (car je crois que ce nom doit être ainfi écrit, comme je pourai le montrer ailleurs) lequel étoit fils, fuivant Hérodote, (4) d'Hercule, & d'une Efclave de Jardanus. Notre Historien ajoute, que ce fils d'Hercule fut pere de Bélus, qui cut pour fils Ninus, & pour petitfils Agron, dont les defcendans ont été par cette raifon appellez Héraclides.

Il y auroit eu lieu par conféquent de donner le même nom à la Dynaftic fuivante. Car Apollodore (5) a prétendu, que Créfus defcendoit de ce même fils d'Hercule. En effet, fur ce que dit Hérodote, (6) que Gygès étoit un des Gardes du Roi Candaule, il ne faut pas croire qu'il fût pour cela de baffe naissance. Cet Hiftorien difant en même tems, qu'il étoit un des principaux favoris de fon maitre, lequel l'employoit dans fes affaires les plus importantes, on ne fçauroit préfumer que ce fût un homme du commun, comme l'obferve très-bien M. l'Abbé Sevin. (7) D'ailleurs fon pere Dafcyle eft vraisemblablement le même, que celui dont parle Etienne de Byzance, (8) lequel étoit fils de Pe. riaudus, & qui donna son nom à une Ville des environs d'Ephèse, appellée Dafcylium. Ce qui fupofe,que c'étoit une perfonne confidérable.

11 eft pourtant vrai que Platon, (9) & quelques autres après lui, ont avancé que Gygès gardoit les troupeaux du Roi de Lýdie. Mais, quoique cet emploi ne fût pas alors auflì vil, qu'il le paroit aujourd'hui, il n'y a pourtant guére d'apparence, que Candaule eût jetté les yeux fur un fimple Berger, pour lui confier fes affaires les plus fecrétes. Il eft donc plus probable, que Gygès étoit d'un rang diftingué à cette Cour, & peut-être de la race

(1) M. l'Abbé Sevin, Loc. cit. p. 401,

42.

(2) M. Fréret, Loc. cit. p. 444, & suiv. (3) Pollux, Onomast. IX, 12.

(4) Hérodote, 1, 7.

(5) Apollodore, Biblioth. II, 7,

(6) Hérodote, I, 8.

(7) M. l'Abbé Sevin, Loc. cit. p. 4:6. (8) Etienne de Byzance, V. Δασκύλιον. (9) Platon, De Republ. Lib. 2. p. 359. édit. H. Steph. Cicéron, Offie. 111, 9. Dion Chryfoftome, Oral. 64. p. 597.

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d'Hercule, comme l'aflure Apollodore. Cependant la Dynastic, dont il a été le chef, a été appellée celle des Mermnades, pour la diftinguer de celle des Héraclides. Hérodote, qui nous l'apprend, ne nous en dit pas la raifon. Mais c'eft qu'apparemment le premier de cette branche des Héraclides s'apelloit Mermnus,

A l'égard de Bélus, & de Ninus, qu'Hérodote met ici au nombre des defcendans d'Hercule, j'ai déja obfervé au Chap. II. qu'ils n'avoient rien de commun avec les Rois d'Affyrie, qui ont porté les mêmes noms. On ne doit pas non-plus les mettre au rang des Rois de Lydie; puifque fuivant Hérodote, Agron, fils de Ninus, eft le premier Roi de cette race.

Avant Agron la Lydie avoit eu déja d'autres Rois. Hérodote (1) met de ce nombra Manès, fon fils Atys, & fon petitfils Lydus. On appelle communément cette Race, la Dynaftie des Atyades. On prétend qu'il y en avoit encore eu précédemment une autre, dont le fondateur étoit on, duquel les Lydiens avant Lydus s'appelloient Méoniens. Mais comme nous n'avons aucune Epoque fixe, pour déterminer à peu près le tems, où ils ont vécu, je ne m'y arrêterai pas. M. l'Abbé Sevin (2) a recueilli foigneufement tout ce qu'en ont dit les Anciens.

De la maniére, dont Hérodote (3) a parlé d'un autre ancien Roi de Lydie, nomme Mil's, il femble qu'il en ait été le premier Roi. En effet, le Traducteur Latin a rendu ainfi le paffage, où il en eft fait mention: Meles, primus Sardium Rex. En quoi il en a impofe à Marsham, (4) & à plufieurs autres. Mais Scaliger (5) a fort bien obfervé, que le Traducteur avoit mal pris le fens d'Hérodote, & qu'il devoit traduire pior Srdium Rex.

Auffi lifons-nous dans Eufébe, (6) que Melès fut le pénultiéme Roi de la Dynaftie des Héraclides. Il y a pourtant apparence qu'il s'eft trompé en ce dernier point. Car Hérodote (7) nous certific, que la fucceffion de cette branche des Héraclides s'étoit continuée de pere en fils fans interruption depuis Agron, jufques à Candaule, lequel étoit fils de Myrfus. Par là il a donné fuffifamment à entendre que Myrfus avoit regné avant Candaule. Si donc Mélès étoit de cette Dynaftic, il faut qu'il ait précédé Myrfus. Je

(5) Jof. Scaliger, Canon. Ifagog. Lib. 3. p.

(1) Hérodote, I, 7, 94, 171, VII, 74. | in 4°.
(2) M. l'Abbé Sevin, Loc. cit. p. 357. &
fuiv. V. auffi Scaliger, Canon. Ifagog, Lib. 3.
p. 319.

(3) Hérodote, 1, 84.
(4) Marsham, Canon. Chronol. p. 5 3 5. édit.

5. édit. Į

320.

(6) Eulébe, Chronic. ad Ann. 1258.
(7) Hérodote, 1, 7.

ne fçais fi l'on doit compter d'avantage fur ce que dit Eufebe des autrès prédéceffeurs de Candaule.

Hérodote parle encore ailleurs (1) d'un cotys, fils du Roi Manès, & pere d'Afius. Mais on ne voit pas que ce dernier ait jamais regné, & le nom de Cotys paroit corrompu pour celui d'Atys. Ce fait eft confirmé par une citation d'Euftathe, (2) quoique d'autres (3) parlent auffi de ce Cotys.

Laiffant donc à part tous ces anciens Rois, dont les tems font très incertains, voici la Table des deux Dynafties des Héraclides & des Mermnades, fuivant le fystème d'Hérodote.

DYNASTIE DES HE'RACLIDES.

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CHAPITRE V I.

Des Epoques des expéditions de Cimmériens,

Afie, fuivant Hérodote.

des Scythes en

Uivant Hérodote, (4) le plus ancien après Homére, qui ait parlé des Cimmériens, ce Peuple habitoit anciennement la côte occidentale des Palus-Méotides, depuis le Tanaïs, jusques au Bofphore, qui de-là portoit le nom de cimmérien.

Il ajoute que les Scythes, qui avoient autrefois leurs demeu res au-delà de l'Araxe, en ayant été chaffez par les Massagétes,

(1) Hérodote, IV, 45.

(2 Euftathe, in Dionyf. Perieg. v. 620.

(3) L'Auteur du Grand Etymologique, V.

| Α'σίω.

(4) Hérodote, II”, 11, 12,

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