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magnifiquement fervie, & où tous les honnêtes gens étoient bien reçus; fon défintereffement qu'il avoit fait paffer jufques dans fes domeftiques, en leur défendant de rien prendre de ceux qui croiroient pouvoir fe frayer par l'argent un accès plus facile auprès du maître, la familiarité avec laquelle il alloit manger chez les particuliers qui l'invitoient, l'affection & la cordialité qu'il témoignoit à quiconque avoit recours à lui, en partageant leurs peines, époufant leurs interefts, écoutant leurs raisons, pacifiant leurs différens, fe confacrant tout entier à leur utilité, & s'employant avec autant de fuccès, que de zele, pour fervir les perfonnes mêmes qui lui étoient le plus oppofées; Tout cela fit dans la province unchangement prodigieux à fon égard; ce n'étoit plus un homme fier, dur, impitoyable; c'étoit un pere bon & tendre; en un mot il vint à bout de fe faire aimer à un point qu'il ne l'é-

toit pas davantage ; je ne dis pas dans fa propre patrie, mais dans fa famille même. Cet amour fondé fur la vertu conftante du Marquis ne fit que croître avec le tems; parce que le Marquis s'en montroit plus digne de jour en jour. Après avoir établi de cette forte fa réputation en Normandie pendant huit mois qu'il y féjourna, M. de Montaufier vint paffer l'hyver à Paris, où l'établiffement de Mademoiselle fa fille le retint plus qu'il n'avoit compté d'y rester.

Un grand nombre de partis confi dérables s'étoient offerts pour cette jeune Demoiselle, mais le Marquis aïant plus d'égard au merite &à la vertu qu'à la nobleffe &aux grands biens, en avoit rejetté plufieurs, parce qu'ils manquoient de ces qualitez effentielles. 11 trouva enfin dans le Comte de Cruffol, fils aîné du Duc d'Ufez, un gendre tel qu'il le fouhaitoit. La bonne mine, les richesses, & la haute naiffance étoit ce qu'il voyoit de moins

estimable dans ce jeune Seigneur ; fa douceur, fa fageffe, les inclinations nobles firent fur le Marquis une impreflion, qui le détermina à conclure une alliance que le Duc d'Ufez ne souhaitoit pas moins que fon fils. 664. Le mariage fe fit le 6. de mars avec une magnificence digne de la qualité des nouveaux époux. Le Roy, les Reines, les Princes & tous les grands du Royaume prirent part à la joye de ces deux illuftres maifons, & les félicitérent à l'envi fur le bonheur dont cette union étoit un gage affuré pour elles. C'est de ce mariage qu'eft forti M. le Duc d'Ufez d'au jourd'hui, devenu l'aîné de fa maifon, par la mort d'un frere qui fut tué les armes à la main dans la fanglante bataille de Nervinde.

Peu de tems après la cérémonie des nôces, le Comte de Cruffol avide de gloire fe déroba aux charmes du plaifir, pour aller faire cflai de fa valeur en Hongrie, contre les ennemis du

nom

nom Chrétien. Le Marquis de Montaufier qui fe reconnoiffoit à fes nobles tranfports, leur donna toutes les louanges qu'ils méritoient; il fit trouver au jeune Comte l'argent néceflaire pour une entreprife de cette nature, & lui donna pour l'accompagner dans le voyage le Lieutenant de fes Gardes, Officier dont il n'eftimoit pas moins la probité, que la capacité dans les chofes de la guerre.

A peine eut-il vû partir fon gendre pour la Hongrie, qu'il alla lui même demander fon congé au Roy, pour retourner dans la province qui étoit confiée à fes foins. Mais ce Prin- May. ce lui dit qu'il avoit besoin de lui ailleurs, & qu'il l'avoit deftiné pour aller au-devant du Cardinal Chigi, neveu & Légat du Pape Aléxandre VII. que l'on fçavoit devoir arriver inceffamment à Marseille. Le fujer de fa Légation eft affez connu. Perfonne n'ignore l'infulte faite à l'Ambafla- M. le deur de France en Cour de Rome Duc de Ο Crequy

Tome I.

par les Corfes, le reffentiment qu'en témoigna le Roy, la vengeance éclatante qu'il fe disposoit à en tirer, si on ne lui en faifoit les fatisfactions qu'il exigeoit, & le traité d'accomLe 12. modement figné à Pife, par lequel. entre autres articles le Pape s'engage

Fevrier

16.64.

à

envoyer en France fon neveu avec la qualité de Légat à Latere, & le: Cardinal Imperialé Préfet de Rome, pour faire au Roy une réparation convenable de l'affront fait dans la Capitale du monde Chrétien, au Miniftre du fils aîné de l'Eglife.

Le Marquis représenta au Roy avec fa fincerité ordinaire, qu'il ne fe croyoit guéres propre à la commiffion, dont il plaifoit à Sa Majesté de le charger, que les Italiens étoient trop fins pour lui, & lui trop fimple pour eux, & que ce contrafte auroit peut-être des fuites défagréables pour les étrangers, ou pour lui-même. Le Roy ne reçut pas fes excuses, & qui dit en plaifantant, qu'à ce compte it

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