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me au-devant du mérite, & à qui il fuffit de le connoître pour le ré65. compenfer. Il ne faut pas croire pour66. tant que la juftice, que l'on rendoit au Duc de Montaufier le mît à couvert de l'envie. Comme rien n'eft plus injufte que cette noire paffion, elle eft irritée par la juftice même; ou plutôt bleffée par tout ce qui fait plaifir aux autres, elle attaque indifféremment ceux qui doivent tout à la fortune, & ceux qui ne doivent rien qu'à leur mérite.

Après tout, l'envie trouve quelque fois de quoi fe juftifier en quelque forte dans le mauvais ufage que l'on fait des faveurs & des graces; mais le Duc de Montaufier ne lui donna point ce prétexte, jamais perfonne n'a moins abufé de la fortune que lui, il ne s'en fervit que pour être plus utile à quiconque réclamoit fon fecours; & combien de familles encore fubfiftantes, pourroient rendre témoignage à fon défintéreffement & à la générofité?

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Il fembloit que fa droiture, fon équité, fon éloignement de la flatterie priflent de nouvelles forces dans le féjour de l'intrigue & de la diffimulation; foit que fes vertus peu connues à la Cour y paruffent avec plus d'éclat par l'oppofition des vices contraires, ou que la crainte d'être infecté de leur contagion, le rendît plus vigilant fur lui-même. Mais ce que je ne puis m'empêcher de remarquer encore une fois, c'eft que tous les jours il affiftoit au S. facrifice de la Meffe. Il prioit à certaines heures marquées, & s'ocupoit dans d'autres, de quelque pieufe lecture; il répandoit une partie confidérable de fes biens dans le fein des pauvres, fur tout de ceux qu'une honte pardonnable force à cacher leur mifere, & à attendre dans leurs fombres retraites, qu'une charité prévenante vienne leur offrir le fecours qu'ils n'ofent demander. Quoiqu'il n'euft jamais fait foupçonner fon déTome I.

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fintereffement pendant tout le tems qu'il paffa dans les armées, il ne laissa pas d'envoyer en diférens endroits, de quoi réparer abondamment le dommage qu'il y avoit pû faire ou par luimême ou par fes gens. Sans écouter les faux prétextes dont la fenfualité a coutume de fe fervir, pour fe difpenfer des loix penibles de la Reli❤ gion; il oblervoit rigoureusement les jeûnes prefcrits par l'Eglife, & fur ces fortes de matieres il ne confultoit ni fes Médecins, ni fes amis, mais uniquement fon devoir & fa confcience Depuis qu'il eut le cordon du S, Efprit, il s'aquita avec une fcrupuleufe exactitude de certains exercices de piété, aufquels les ftatuts de l'ordre affujettiffent les Chevaliers; & pour juftifier une conduite, qui quoiqu'édifiante, ne laiffoit pas d'être quelquefois cenfurée, il difoit que peutêtre il n'auroit pas choifi ces fortes d'exercices, fi la chofe eût dépendu de lui; mais"qu'il s'étoit engagé fo

lemnellement à les pratiquer, & qu'il falloit tenir ce qu'on promettoit, encore plus à Dieu qu'aux hommes. Sa piété dirigée par un jugement folide ne fe fixoit point à ces menues obfervances, où les efprits fuperficiels s'arrêtent ordinairement. Il voyoit de grands devoirs attachez aux grandes Charges, & il ne reconnoiffoit de vraie piété que dans l'accompliffement de ces devoirs. Il loüoit les autres dévotions, qui ont fans doute leur prix; mais il regardoit celle-ci comme néceffaire & indifpenfable: aufli le vit-on toujours appliqué à faire tout ce qu'éxigeoient de lui les diférens emplois dont il fut chargé, & il porta la fidélité fur ce point à un dégré de perfection, dont on voit bien peu d'exemples. C'eft ce qu'on a déja pû obferver plus d'une fois jufqu'ici, & dont on verra bien - tôt des preuves encore plus éclatantes.

Cette vigilance à remplir les devoirs de fon état, l'engageoit à aller

fouvent en Normandie, quoiqu'il s'y aimât moins que dans d'autres endroits. Tout le tems qu'il y demeuroit, étoit occupé, ou au fervice du Roi, ou à terminer les affaires des particuliers qui le choififfoient pour arbitre de leurs différens, ou à faire des réglemens utiles pour le bien public. Toujours attentif à la sûreté de la Province, & à l'avantage des peuples, il n'épargnoit pour cela ni foins ni dépenfes. Dans le tems de notre premiere guerre avec la Hollande, il vifita toutes les côtes & tous les ports de Normandie ; par tout il mit des ordres fi fages, qu'ils durent encore de nos jours, & que fes fucceffeurs fe font fait gloire de les maintenir. Animé d'un zele ardent & d'une charité vive, il ne fongea pas moins à fecourir les pauvres du pays, qu'à mettre le pays même à couvert des infultes de l'ennemi. Ayant fçû que le P. Chorran & un autre Jéfuite, hommes vraiment Apoftoliques, ré

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